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Les oracles messianiques d’Isaïe 1

Les oracles de l’Avent 

 

Inventaire des textes

 

Commençons par établir un « inventaire » en quelque sorte de ces oracles ! Ma lecture n’est pas exégétique mais « liturgique » en ce sens que l’Eglise en choisissant les oracles d’Isaïe pour le temps de l’Avent et de Noël nous donne une clé de lecture inspirée, comme l’Ecriture est inspirée.

 

 

L’Avent tisse deux thèmes : une orientation vers la Fin des temps - la venue glorieuse du Messie – et une autre qui est la venue historique à Bethléem. C’est seulement à partir du 17 décembre que la méditation se tourne résolument et uniquement, vers l’attente de la naissance de Jean Baptiste et du Christ.

 

Fin des temps et venue glorieuse du Messie : lectures de la première 

semaine.

 

Lundi 1ère semaine

Isaïe 25/6-9  

 

Festin messianique pour toutes les nations à Sion. 

La vision est centrée sur Jérusalem. La lecture chrétienne y verra la « nouvelle Jérusalem » qui est l’Eglise comme nous l’enseigne St Paul dans les Galates mais aussi parce que l’antique ville sainte a été détruite en 70 et en 115-117. Celle  d‘aujourd’hui n’est plus « la ville sainte » vraiment : elle est géographiquement déplacée, reconstruite en grande partie par les musulmans et il n’y a plus de temple. Ce ne sont que les vénérables ruines de Jérusalem comme Jésus l’avait prédit.

Le festin est offert par le Messie. 

Il y a une très belle méditation à faire sur la place et la symbolique des repas dans la Bible, méditation à partir de ce texte et d’autres passages des prophètes.

Notre guide sera le cardinal Jean Daniélou dans un article Les repas dans la Bible. (Les repas dans la Bible et leur signification. La Maison Dieu 18 1949 p.8 à 33)

 

1 - Dans l’ Ancien Testament, avant et au retour de l’exil, les repas sont toujours « figure des biens à venir » (=eschatologiques)

Les repas sont fréquents dans le Temple et sont toujours une action liturgique. Selon Deutéronome 12/4-7 et 17-18, ces repas, « c’est jouissance des biens que Dieu a donnés, intimité avec Dieu et joie communautaire. » C’est dans ce contexte qu’apparaît la notion de « banquet messianique », toujours merveilleux, paradisiaque. Le modèle, c’est notre texte, Is 25/6 ; ce banquet a lieu sur la montagne, demeure divine. Et ce banquet messianique est la reprise de Exode 24/11 ! 

Au fur et à mesure qu’on s’avance vers le temps du Messie, cette notion de banquet messianique s’enrichit :

 

A - Dans la littérature de sagesse, il va être compris comme un repas de noces, comme un banquet nuptial : Cantique des Cantiques 5/1. (écho précis dans l’Evangile de St Jean au ch. 2 et toutes les paraboles des festins de noces en St Matthieu par exemple Mt 22/3-5) 

 

B - A l’époque de Jésus, ce thème est très présent en particulier dans la littérature apocalyptique (Hénoch, Esdras 4ème livre). Cette littérature n’est pas dans notre Bible ni dans la bible juive d’ailleurs. Mais elle a toujours été lue.

 

C – Dans les commentaires rabbiniques, le banquet messianique de la fin des temps est mis en relation avec  le repas sacré de la Pâque avec cette idée : la participation à la Pâque renouvelle ceux qui participent et leur fait vivre la Pâque. « Ainsi la pensée du repas pascal était dominée par le souvenir revécu de la rédemption déjà accomplie et par l’attente de la nouvelle rédemption qui accomplirait définitivement les virtualités de la première… Les coupes de vin étroitement liées par la liturgie aux formules de bénédictions annonciatrices de la joie messianique, offraient aux croyants les glorieuses perspectives de la rédemption finale. » (Frère Leenhardt le sacrement de la Sainte Cène p. 21 cité par Daniélou p. 12)

 

Enfin, peu à peu, ce repas eschatologique/messianique interfère, dans les Apocalypses, avec la venue du Fils de l’homme : Banquet avec Dieu donc mais aussi avec le Messie, Fils de l’homme ! Voici un passage de l’Apocalypse d’Hénoch, très lue à l’époque de Jésus : « Le Seigneur des esprits demeurera avec eux et avec ce fils de l’homme. Ils mangeront, ils prendront place à sa table pour les siècles des siècles. » (62/14). Nous sommes tout près du Nouveau testament, quand Pierre déclare en Ac 11/41 « à nous qui avons mangé et bu avec Lui après sa résurrection » ou quand Jésus lui-même dit aux apôtres : « on viendra du levant et du couchant, du Nord et du midi pour prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. » (Luc 13/29) ou encore : «  Je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi ; ainsi vous mangerez et vois boirez à ma table dans mon royaume et vous siègerez sur des trônes pour juger les 12 tribus d’Israël. » (Luc 22/29-30)

 

2 -  Dans le Nouveau Testament.

 

Le Nouveau Testament continue simplement cette compréhension dont il hérite. En Apo. 19/9, on parle des « invités au festin des noces de l’Agneau » : triple thème du repas, des noces et de l’Agneau comme désignation du monde futur !  Mais aussi en Luc 22/29 cité ci-dessus.

 

Mais surtout, le Nouveau Testament déclare « réalisé en Jésus » tout ce qui était annoncé dans l’Ancien Testament ! Tous les repas de Jésus ont quelque chose de sacramentel : Jésus n’est pas seulement celui qui enseigne mais aussi celui qui vit une communauté de table avec ses disciples et les pécheurs. Certains de ces repas de Jésus ont quelque chose de messianique : Le festin chez Lévi Mt 9/10 et ss puis repris en repas de noces en 9/14  ou bien Luc 7/3-35 (comparaison entre Jésus et le baptiste). Il faut aussi évoquer les repas de Jésus avec les pécheurs et les publicains :« en acceptant cette intime communauté avec les pécheurs, Jésus montre qu’il vient détruire la barrière entre les pécheurs et Dieu. C’est un acte de portée religieuse qui éclaire ce qu’il y a de plus essentiel dans la mission du Christ. » (Y de Montcheuil cité par Daniélou p. 15-16)

Un autre trait des repas messianiques selon les Apocalypses du temps de Jésus sont leur miraculeuse abondance, comme une fin mise à la malédiction de la terre de Genèse 3/17. Il faut comprendre dans cette lumière les restes des multiplications des mains, l’abondance du don de Cana ou de la pèche de Jean 21. Il faut aussi lire dans cette lumière les repas pris avec le Ressuscité : Emmaüs, le repas de Jean 21 et le témoignage de Pierre cité ci-dessus.

 

C’est surtout St Matthieu qui développe ce thème de l’accomplissement : la prédication de Jésus n’est pas sur le Royaume à venir mais sur le Royaume qui vient en lui et va s’épanouir dans le temps de l’histoire.

 

St Jean, lui, complétant St Matthieu, va montrer comment le Royaume s’accomplit dans les sacrements. 

Ainsi les événements de la vie de Jésus …

- d’une part réalisent les attentes exprimées dans l’Ancien Testament

- d’autre part figurent et annoncent les  sacrements où les disciples pourront prendre part à ces événements et les vivre « Les banquets de l’Ancien Testament et les repas du Christ qui en sont un premier accomplissement vont apparaître en St Jean comme des figures des repas eucharistiques. Et cette typologie connaîtra une extraordinaire fortune dans les catéchèses primitives. » Avec st Mt et St Jean, « nous passons du sens christologique des repas au sens ecclésial et sacramentaire. (Jean Daniélou p. 18) » Voir aussi Luc 13/28-29 pour l’entrée des gentils dans l’Eglise. Matthieu 14/1 et 15 et 16-21.

 

Les Pères, notamment à Alexandrie, en feront une lecture mystique déjà ébauchée dans le Nouveau Testament : « les réalisations des promesses de l’Ancien Testament sont accomplies dans l’union de l’âme avec Dieu. »  Ex : déjà chez St Paul 1 Co. 5/7, les azymes sont comprises comme les bonnes dispositions intérieures du chrétien. Déjà compris ainsi dans le monde juif !  St Paul 1 Co. 5/8 : la manducation du repas pascal compris comme la vie spirituelle du chrétien.

Ce repas est lié à la disparition de la mort (1 Co 15/54 la mort a été engloutie dans la vie) : v. 7 le voile, le tissu tendu= le suaire et v.8 : il fera disparaître la mort. « Disparition des larmes sur les visages » : v.8 (cité par Apoc. 21/4 !) Ce lien repas du Messie/ disparition de la mort a été lu par les chrétiens comme une prophétie l’eucharistie, festin messianique de la route en attendant le festin dans le Royaume selon la parole de Jésus en Luc 22 :

v. 18 : cette pâque s’accomplira dans le Royaume

v. 29 : « je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi. Vous mangerez et vous boirez à ma table en mon Royaume. »

 

 

Conclusion spirituelle :

 

Cet oracle d’Isaïe a trouvé son commencement de réalisation avec les repas de Jésus mais surtout par le repas eucharistique du dernier soir.

Cet oracle est donc pour nous d’actualité : chaque fois que nous célébrons l’eucharistie nous vivons l’anticipation de ce repas messianique qui sera définitivement accompli quand le Seigneur viendra dans la Gloire.

 

Quelques points importants à noter :

 

- l’eucharistie n’est pas liée au dernier soir comme à un passé révolu et nostalgique. L’eucharistie est liée au Royaume de Dieu qui vient en chaque messe, qui vient par chaque messe et qui ne cesse de venir dans l’Eglise depuis le repas du dernier soir.

 

- C’est le Christ (dans le prêtre qui agit in persona christi capitis » (= en la personne  du Christ Tête de l’Eglise) qui vient célébrer sa Pâque et la venue de son Royaume avec nous. Le prêtre fait que le Christ soit à nouveau présent sacramentellement au milieu des fidèles comme Tête de l’Eglise qui est son Corps (voir St Jean Paul II Pastores dabo vobis n.15) mais aussi comme Epoux de l’Eglise et son Pasteur.

 

- Nous célébrons tous en Lui, le Christ l’unique prêtre, puisqu’au baptême chaque chrétien est devenu prêtre en Christ (prophète et roi également) : l’acte de célébrer pour les fidèles est de s’offrir eux-mêmes à Dieu – « Fais de nous une éternelle offrande à la Gloire du Père » (prière eucharistique 3) - par le Christ et en communion avec son offrande à Lui qui est parfaite. 

 

- Le ministre (instrument pour le Christ), lui, offre le Christ en célébrant l’eucharistie avec les fidèles lui aussi en Christ comme baptisé mais, lui spécifiquement, en rendant présent le Christ Tête qui s’offre avec toute l’Eglise qui est son Corps.

 

- L’Eucharistie est donc essentiellement un acte, l’entrée des disciples eux-mêmes avec toute leur vie et tout eux-mêmes dans l’acte d’offrande du Christ à son Père sur la Croix, éternisé dans la Résurrection. La doxologie « Par Lui avec Lui et en Lui à toi Père … » exprime cet acte. Et nous communions au Christ Pascal dans son offrande – « heureux les invités au festin des noces de l’Agneau »- pour vivre ce don de nous mêmes dans la réalité du Corps du Christ et pas seulement en idée ou intention.

 

 

VOUS QUI RECEVEZ LE CORPS ET LE SANG DU SEIGNEUR

CELEBREZ DANS LA JOIE LA PAQUE IMMORTELLE

 

Il leur a donné un pain céleste

et l'homme a mangé le pain des anges ;

nous avons pris un pain de bénédiction :

le Corps immaculé du Christ Sauveur.

 

Il leur a donné le vin de l'immortalité 

et l'homme a bu le breuvage du salut ;

nous avons goûté à la coupe de bénédiction ;

le Sang précieux du Christ Sauveur.

 

Nous te rendons grâce, ô Christ notre Dieu :

Tu as daigné nous donner part à ton Corps et à ton Sang ;

Tu as su conquérir nos coeurs en venant nous visiter ;

aussi avec les Anges, nous célébrons ta victoire sur la mort !

 

 

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