LUNDI 2 NOVEMBRE
JOUR DE PRIERE POUR TOUS LES DEFUNTS.
Méditation du matin.
« Le pays est beau, les feuilles fraîches, les odeurs et les paysages variés. Et pourtant je ne ressens jamais tant le caractère transitoire de ce monde que lorsque je goûte le plus aux visions que me montrent ces scènes de campagne » écrit Newman dans une lettre du printemps 1828. Qui n’a jamais éprouvé ce que Newman exprime pour lui-même. La nature en automne donne toutes ses couleurs et ses parfums mais en même temps, tout apparaît si fragile, si passager, si fini… Nous le ressentons peut-être encore plus en ces temps difficiles d’épidémie et de terrorisme.
Mais dans un sermon écrit quelques mois plus tard, Newman complète : « La vie passe (...), le monde change, les amis meurent. Un seul est constant. Un seul nous est fidèle. Un seul peut être fidèle. Un seul peut être tout pour nous. Un seul peut nous amener à notre perfection. Un seul peut nous donner l’accord et l’harmonie. » (Sermon V, 22, p 326) Voilà, dans la foi, notre point d’appui dans cette fuite du temps !
Lui seul, Dieu, est pour tous, tout le temps, source du salut et de la paix. Rappelons-nous ce que nous avons entendu hier : Saint Jean nous appelait à laisser le voile du monde visible se déchirer pour voir apparaître à nos yeux, le monde invisible qui affleure : « Moi Jean j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle. Alors Celui qui siégeait sur le trône déclara : Voici que je fais toutes choses nouvelles, je suis l’Alpha et l’Omega, le commencement et la fin de toutes choses. »
Certes, pour le jeune disciple du Christ que nous avons été ou que nous sommes encore, le monde visible a tous ses charmes et nous nous y sommes donnés éperdument : la vie semble une conquête, une plénitude, les relations humaines, un plaisir à défaut d’un tremplin, la connaissance, ferme et solide surtout si elle est scientifique, la vie associative ou politique, une passion puisque tout va changer. On se sait héritier d’une culture, d’une famille, de richesses variées. On se pense aussi capable de changer le monde.
Ce n’est que peu à peu, que le disciple du Christ apprend que le vrai réel est bien plus complexe, caché : l’essentiel se dérobe tout en se laissant apercevoir, il faut déposer les vêtements d’emprunt et laisser sa véritable soif s’exprimer, du fond de son être : Dieu peut alors réaliser ce qu’il dit dans le texte de l’apocalypse : « Moi je donnerai gratuitement à celui qui a soif l’eau de la source de vie. »
Dans ce long itinéraire, l’homme de foi se pose de multiples questions mais « mille questions ne font pas un doute », c’est encore Newman qui le dit avec humour. L’assentiment donné à Dieu est un cheminement, lent et long pour certains, direct et immédiat pour d’autres. Mais dans tous les cas, il s’agit toujours, en fin de compte, d’une décision libre à prendre face à un faisceau de vraisemblances et jamais, une preuve qui contraint. Cette décision, la plus personnelle qui soit, opère le renversement capital qui fait du monde invisible le vrai monde, le vrai Réel, dont le monde visible est le voile et le symbole tout à la fois. Les musiciens, les poètes… ou les enfants le saisissent et l’expriment avant tous les autres.
Dans ce long itinéraire, à la loyale, Dieu vient à notre aide. Nous verrons comment ce soir.
Méditation du soir.
Tout commence pour un Chrétien par le baptême (suivi de la confirmation pour l’eucharistie), c’est-à-dire par une plongée dans l’amour et dans la Vie de Dieu. Tout commence par une communion radicale avec le Seigneur mort et ressuscité. Dans cet acte est redécouverte et réactivée notre capacité de recevoir Dieu en nous et d’être reçu en Lui. En effet le disciple - dans le baptême-confirmation-eucharistie - meurt à une vie marquée par le mal et à une vision opaque de lui-même et de la création. Il renaît à une vie nouvelle, éternelle, tout entière animée par l’énergie de l’amour divin, tout entière dans la lumière, capable de contempler l’invisible, même de la création. Dans cet acte du baptême que le Christ poursuit en nous à chaque instant, le Seigneur vient chercher l’homme jusque dans sa souffrance, dans sa mort et même dans son impression d’abandon. « Mon Dieu Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » et dans l’Apocalypse, le Christ affirme avec force : « Moi je donnerai gratuitement à celui qui a soif, l’eau de la source de vie. » La vie chrétienne est une mise en œuvre des grâces baptismales.
Et il n’y a pas trop d’une vie pour que tout l’être soit renouvelé dans cette vie divine ! St Augustin dit : « Dieu qui t’a créé sans toi, ne te sauvera pas sans toi. ». C’est tout le sens de la vie chrétienne, du combat spirituel ; il nous faut beaucoup de temps pour tout donner à Dieu afin qu’il fasse tout revivre en nous : notre intelligence, notre volonté, notre liberté, notre affectivité, tout notre tempérament, nos relations…et jusqu’à notre corps. Ce n’est pas une figure de style de parler de combat : il y a beaucoup de forces de mort en nous, l’orgueil de la raison, le mépris, la haine, la volonté de puissance, le mensonge… C’est en nous un peu comme un combat entre les ténèbres et la lumière, entre les ténèbres du vendredi saint et la lumière de l’aube de Pâques ! Heureux celui, celle qui se livre à la lumière sans réserve !
Notre enfance, quand nous avons été baptisé petit enfant, est aussi une aide précieuse. Ecoutons encore Newman parler : « L’enfant a ce grand privilège, qu’il semble avoir quitté tout récemment la présence de Dieu et ne peut pas comprendre le langage du monde visible, comment il est un voile qui s’interpose entre l’âme et Dieu. » Ainsi l’intimité vécue avec Dieu dans l’enfance demeure comme une expérience secrète, comme une source cachée, comme une nostalgie parfois douloureuse de l’absolu, de la perfection, de l’immensité, de la beauté lumineuse qui taraude l’adulte que nous sommes et inspire même à notre insu, bien des actions et réalisations.
Tout le combat de l’âge adulte est donc de retrouver ce chemin de l’enfance intérieure car seul l’enfant en nous, sait trouver le chemin de l’invisible dans le visible quotidien, dans le beau comme dans le dramatique, dans l’humble comme dans le grandiose, dans le service rendu comme dans le service reçu.
Tout le combat spirituel de l’âge adulte, c’est d’essayer de vivre déjà un peu – en attendant la plénitude – dans l’intimité personnelle avec Dieu : c’est déjà sur cette terre la réalisation de la promesse solennelle de Jésus, quelques heures avant sa Passion : « Père, je veux que là où je suis, mes disciples soient eux aussi avec moi et qu’ils contemplent ma gloire, c’est-à-dire ma divinité, celle que tu m’as donnée car tu m’as aimée dès avant la création du monde. » Là où je suis… dit Jésus. Mais où est-ce ? St Jean l’avait précisé dès le commencement de son Evangile : le lieu où est le Christ, c’est le sein du Père. C’est donc pour aussi notre « lieu » par excellence, l’intimité de Dieu.
Nous prions tout ce jour pour que tous nos frères et sœurs défunts, famille, amis, connaissances, anonymes, inconnus, tous, absolument tous, connaissent ce bonheur donné par Dieu. Nous confessons avec la foi de l’Eglise, que nous ne pouvons affirmer que tous les hommes sont sauvés. Nous savons que le Christ est mort pour que tous soient sauvés mais il faut que chacun personnellement fasse le pas de dire « oui » au Christ. Mais cette foi n’empêche de prier pour que tous soient sauvés. D’autant plus.
Commentaires
Vous montrez bien , en citant Newmann qu'avec le temps et les années qui commencent à peser , les épreuves,... la vie naturelle, selon la chair, peut perdre sa fraîcheur , son goût et sa saveur....et que son caractère passager nous met face à notre vanité, qui a fait mourir l'Essentiel.Mais...l'Essentiel voilé , me pousse à dire:
Ce matin, je voudrais Seigneur déposer mon vêtement d'emprunt et laisser montrer du tréfonds de moi-même une soif véritable
qui est ma vraie soif ,
Mon âme à soif de Toi et
De ta parole ,
Lait qui purifie,
car tu es la Source...
Tu es ma Préférence ,
L'Amour premier,
Le centre de ma vie.