LUNDI 16 NOVEMBRE
Chers amis,
Ce que je vous propose aujourd’hui se décompose ainsi :
la méditation du matin est autour de l’enseignement de la sainte d’aujourd’hui, Ste Gertrude. Je vous conseille de lire attentivement ce que dit Ste Gertrude : c’est la 1ère qui explicite la spiritualité du Sacré Cœur. Nous connaissons mieux le message de Paray le Monial et la lecture « réparatrice » qui fut développé ensuite autour du Sacré Cœur de Montmartre. Il y a une si belle tendresse de Jésus chez Ste Gertrude qui mène une vie monastique authentique que cela doit nous faire du bien de la contempler et de penser que c’est le même Seigneur que nous servons.
La méditation du soir est sur l’Apocalypse dont nous commençons avec beaucoup de joie la lecture… en cavalcade comme souvent dans la distribution liturgique. Accrochez-vous à votre selle !
J’ai pensé que cela suffisait pour aujourd’hui.
Avec mon amitié.
Méditation du matin
Nous fêtons aujourd’hui Ste Gertrude de Helfta, en Saxe (1256-1302)
Moniale bénédictine très marquée par la spiritualité toute nouvelle de saint Bernard, Sainte Gertrude, d’une très vaste culture humaniste, connaît une grande vie d’intimité avec le Seigneur. Elle consigne cette expérience spirituelle dans un livre – le Héraut de l’Amour divin – dont le livre II est seul directement de sa main. C’est le commencement de la dévotion au Cœur du Christ, une de ses premières manifestations au 13ème siècle.
Sainte Gertrude, souvent malade et fatiguée, était gagnée par la tristesse de ne pouvoir aimer le Christ dans une grande fidélité, une grande application à l’office et à la méditation de la Parole de Dieu. « Une autre fois elle s'efforça d'apporter à chaque mot et à chaque note de l'office divin la plus grande attention ; mais, voyant sa bonne volonté contrariée par la faiblesse de la nature, elle se dit avec tristesse: « Quel fruit retirerai-je d'un labeur où je montre tant d'inconstance? » L3, XXV
Elle écrit alors : « Le Seigneur, ne pouvant souffrir qu'elle se désolât, lui dit : Mon Cœur sacré, qui connaît la fragilité et l'instabilité humaines, attend et désire que tu l'invites, soit par tes paroles, soit même par un signe, à accomplir et à parfaire avec toi les actes de ta vie. Et le Seigneur ne supportant pas cette tristesse lui présenta comme de ses propres mains, son cœur divin comme une lampe ardente en disant : voici mon cœur auquel, en toute confiance, tu demanderas de compléter pour toi ce que tu ne peux pas faire. »
« Une autre fois, le Seigneur me dit : chacun des deux battements de mon cœur opère de trois manières le salut des hommes. Le premier battement est ordonné au salut des pécheurs, le second au salut des justes.
Par le premier je m’adresse au Père pour l’incliner à la miséricorde, puis je m’adresse aux élus pour excuser devant eux le pécheur avec la fidélité d’un frère et les inciter à prier pour les pécheurs. Je m’adresse enfin au pécheur lui-même pour l’appeler avec miséricorde à la pénitence et attendre sa conversion avec un grand désir.
Par le second battement je m’adresse au Père pour que nous réjouissions ensemble du salut des justes dans le cœur desquels je trouve maintenant beaucoup de joie. Ensuite je m’adresse à la cour céleste pour qu’elle loue la vie sainte des justes et me rende grâce de tous les bienfaits que j’accorde aux justes. Enfin je m’adresse aux justes eux-mêmes pour le aider avec tendresse et les encourager à progresser sans trêve.
De même que chez l’homme rien n’interrompt le battement de son cœur, ainsi rien ne pourra contrarier, ralentir ou interrompre en moi ces deux battements de mon cœur divin. »
Ste Gertrude nous fait donc découvrir la vie divine ainsi que la vie des saints et de la cour céleste, comme rythmée par les deux battements d’amour du cœur du Christ, un battement d’intercession pour les pécheurs et un battement de joie pour le perfectionnement des justes. Comme un frère aîné, le Christ qui incline le Père à la miséricorde, « excuse » les pécheurs devant les saints, supplée aux déficiences invincibles des justes pour les apaiser et entraine les justes et les élus dans une grande action de grâce pour le salut apporté par son mystère pascal et pour le développement intérieur sans fin des justes.
Nous ne devons pas nous enfermer dans notre tristesse de ne pas arriver et dans le retour sans cesse sur nos péchés. « se manifester, comme si, seul le plus petit, pouvait coopérer par grâce à l’infini, à l’immense. C’est bien sûr « après avoir comparé les bontés de Dieu avec sa propre indignité qu’elle commence à gémir, à faire pénitence de ses péchés, et à rechercher la miséricorde divine en disant : " N'avez-vous pas vu celui qu'aime mon âme ? " N'ayant aucun secours dans ses propres mérites, elle se tourne vers le Seigneur par une humble confiance, et trouve sans tarder le Bien-Aimé de son âme, soit dans une fervente prière, soit par une illumination de la grâce. L3, XII Évidemment, il n’est pas question de se complaire dans le repentir, de s’appesantir sur l’examen de soi, de se morfondre dans la culpabilité ! « Quand Gertrude demande à Jésus pourquoi une sœur s’est abstenue de la communion, le Seigneur lui répond : « elle a si bien couvert ses yeux du voile de son indignité, qu'il lui a été impossible de voir la tendresse de mon amour paternel. » L3, X
Méditation du soir
Apocalypse de St Jean 1/1.. 2/5
Introduction :
La présentation de l’Apocalypse qui est faite par la liturgie comporte des coupes si draconiennes dans le texte qu’il est impossible de faire une lecture continue et de présenter ce qu’on ne lit pas.
Par exemple aujourd’hui on lit Apo.1/1-5 puis on saute la vision de Jésus par Jean (v.6 à 20) pour commencer le ch. 2/1-5a alors que le message à l’Eglise d’Ephèse avec les promesses de Jésus, s’achève dans le texte au verset 7 ! Cela s’apparente à un massacre. Rassurez-vous, nous sauterons demain le message aux Eglises de Smyrne, Pergame, Thyatire … pour arriver tout essouflé à Sardes au chapitre 3 !
Commentaire du texte du jour.
Jean à Patmos (Ap Isabelle de France)
Nous sommes sur terre : à Patmos, un île non loin d’Ephèse à Jean s’est retiré peut-être pour visiter une communauté chrétienne ou en solitude. Nous sommes le dimanche – « le Jour du Seigneur - et Jean reçoit la visite de Dieu qui lui montre comment, en Jésus Christ, les réalités du ciel et de la terre s’entremêlent, en marche vers la venue définitive du Royaume.
Jésus commence par s’adresser aux Eglises de la terre.
v.1-3 : « Révélation de Jésus Christ ». C’est un dévoilement (sens du mot apocalypse en grec) de Jésus Messie ; c’est Jésus qui le Père manifeste, dans sa puissance de Ressuscité. Ce n’est pas une méditation de St Jean. Cela vient de Dieu… « donnée par le Père » dans le but de « montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver »
La Résurrection du Christ a fait advenir les derniers temps et a opéré une rupture du temps parce qu’elle est l’irruption de la gloire divine dans le monde.
« Les choses qui doivent arriver »: mais si tout est accompli dans le Christ... alors, qu’est-ce qui peut arriver ? Ce temps qui se prolonge après la venue glorieuse du Christ à Pâques a t-il un sens et une justification pour le chrétien ? Qu’est-ce qu’attendre quelque chose qui est déjà advenu ? Pourquoi n’est-ce pas la fin des temps ?
« Dans le christianisme, il n’y a plus d’histoire au sens propre. La Parole de Dieu ne crée pas une histoire mais opère une fin. L’attente de la première génération chrétienne était juste: cette attente émue, anxieuse, du second avènement du Christ de la fin de toutes choses... Le chrétien est moins appelé à fournir une marche qu’à se jeter à tout instant dans l’abîme divin parce que à tout instant, l’homme se trouve en face de Dieu s’il écoute la divine parole.... L’Apocalypse annonce précisément ce qui advient à tout instant dans l’histoire du monde : Elle dit les lois constantes de cette histoire nouvelle, propre à la conception chrétienne qui place continuellement l’homme dans le face à face avec l’Agneau immolé.... Nous sommes en équilibre entre deux mondes; c’est la condition présente de l’homme. L’homme appartient à un monde qui est destiné à finir... et il appartient au monde de Dieu qui commence à venir. » (Divo Barsotti p.15-16)
Le Concile Vatican II dans la constitution Lumen Gentium exprime cela ainsi: « Devant s’étendre à toute la terre, l’Eglise entre dans l’histoire des hommes et cependant, elle transcende les temps et les frontières des peuples. » (§9).
S’il y a une histoire, c’est une histoire des peuples et l’Eglise entre en rapport avec cette histoire… Les peuples doivent entrer progressivement dans la lumière de cette révélation et dans la possession de ce don. L’Eglise ici-bas « pérégrine » chez les peuples qui lentement s’ouvrent à l’immuable présence de cette lumière; elle chemine aussi en chaque fidèle qui progressivement s’insère dans le Christ. » (Divo Barsotti)
v. 3 : L’Apocalypse n’est donc pas un livre d’histoire mais elle nous révèle que tout événement de l’histoire des hommes, a exactement pour rôle de précipiter l’homme dans la présence de Dieu.
La béatitude du v. 3 (la première des 7 de l’Apocalypse) exprime bien le fruit de la lecture de l’Apocalypse : en lisant le texte et gardant la Parole, le croyant entre dans la vision du Christ et de tout évènement en Christ.
« Le temps est proche » autrement traduit : « il y a urgence ».
On mesure la conversion qui est la nôtre : tout voir en Christ… alors que nous faisons habituellement subsister en nous d’un côté la lecture de l’Ecriture, la prière et la vie liturgique et de l’autre, la vie quotidienne que nous analysons et vivons selon les critères communs à tout le monde avec plus ou moins de complaisance avec le temps, en rupture avec le temps pour certains, en complaisance parfaite avec lui pour d’autres… et la plupart dans la négociation. Nous prions chrétiens et nous vivons païens, sécularisés. Du coup nous n’avons jamais l’attitude évangélique chrétienne ! C’est du point de vue du Christ que nous devons apprécier la réalité… ce ne sera donc jamais un repli identitaire dur et sans dialogue avec l’époque ni son exact contraire !, un accueil béat sans discernement chrétien de toute nouveauté humaine de folie, de goût de la puissance, de maltraitance de l’homme. Ce ne sera pas non plus le grand écart habituellement vécu… jusqu’à la chute finale… Ce sera ce que déjà l’Ancien Testament préconisait déjà : le recours à la sagesse biblique pour se guider dans les écueils du temps.
v.4 : 7 Eglises, 7 communautés: 7, le chiffre parfait, c’est toute l’Eglise de tous les temps. Notons la formule : « Aux 7 Eglises QUI SONT en Asie », pas l’Eglise d’Asie comme si l’Eglise était enracinée quelque part sur la terre. Non, elle est en Dieu, c’est en Lui seul qu’est sa source mais elle « campe » en Asie dans son pèlerinage.
Les Eglises tiennent leur existence de Celui qui les salue : « Il est, Il était et Il vient » C’est une explicitation dynamique de la révélation du Nom de Dieu à Moïse à l’Horeb « celui qui est, qui était et qui vient », l’Eternité divine. Notons le « qui vient » et non qui sera : insistance sur ce surgissement de Dieu dans l’historie humaine pour l’accomplir.
L’aspect trinitaire est très présent dans le livre de l’Apocalypse, d’une manière originale : le Père et son trône (très présent exprimant la transcendance absolue et la souveraineté universelle ; Trône et Père ne font pratiquement qu’un), le Saint Esprit (1 seule Personne mais présentée par les 7 Esprits d’ Is 11 et les 7 dons) et Jésus Christ.
Jésus Christ est présenté par différents titres :
= le Témoin, le Fidèle dans son ministère et dans sa passion
= premier-né d’entre les mots par sa résurrection
= prince des rois de la terre, exalté dans son Ascension.
2/1-2
Ephèse : 150 000/200 000 habitants. Une forte communauté juive. Evangélisée par St Paul et gouvernée par Timothée. Ephèse a la primauté d’honneur.
Les autres Eglises forment comme une couronne autour d’elle : elles sont toutes dans la main du Christ (les 7 étoiles) lui qui marche au milieu des chandeliers (rappel du chandelier à 7 branches du Temple) qui symbolisent l’Eglise. Le Christ est le Seigneur de l’Eglise.
v.2-3 : Le Christ félicite Ephèse pour sa fidélité, son labeur, et sa persévérance au milieu des hérésies, des déchirement du dedans: les nicolaïtes (v 6), les faux apôtres v.2)... et la persécution extérieure. L’Eglise a souffert mais elle n’a pas perdu courage.
Nicolaïtes : difficile de les identifier. St Irénée dit que c’est le diacre Nicolas, un des 7, qui est leur fondateur. Jean Daniélou pense que c’est un groupe d’origine judéo-chrétienne qui repense tout le christianisme comme une gnose (faire de la foi chrétienne une théorie humaine explicative du monde, secrète, destinée à des initiés)
Les faux apôtres : ? Ceux qui prétendent mieux connaître la foi que les apôtres. Peut-être une autre forme de gnose au sens d’une sagesse ésotérique connue d’eux seuls et inconnue aux apôtres.
v. 4 : Mais vient le reproche : « j’ai contre toi que tu as perdu la ferveur de ton premier amour ».
Reproche douloureux à entendre ! Mais si vrai ! Tout nouveau, tout beau : dit le proverbe. Et puis vient la routine, l’habitude. La ferveur du cœur n’y est plus vraiment, on en fait moins, on s’excuse, se donne de bonnes raisons pour ne pas faire, on se dorlote, on n’a plus tout à fait goût …
v.5 : Souviens-toi d’où tu es tombée ! L’Eglise – c’est-à-dire nous - est appelée sans cesse à la conversion et la vie d’une foi fervente.
v.6-7 : Il y a tout de même des promesses (que la Liturgie ne nous donne pas !) Celui qui sera vainqueur dans le Christ vainqueur recevra l’entrée au Paradis (v 7) et le fruit de l’arbre de vie, c’est-à-dire la vie immortelle. Ce dont Adam avait été exclu. Cette récompense merveilleuse est pour l’amitié pure de l’Eglise d’Ephèse avec le Christ.
Jean et l'Ange de l'Eglise d'Ephèse (Ap. St Sever)