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Exode 2ème temps

Mercredi 24 février 2021

L’Exode est un événement survenu dans l’histoire, ce n’est pas une légende ni une parabole.

Nous devons donc autant que faire se peut chercher à comprendre comment cet événement s’insère dans l’histoire de l’humanité. De nombreux travaux ont abordé le sujet et nous donnent quelque clarté pour un événement lointain et surtout si petit et inaperçu dans l’histoire des hommes de cette époque.

 

Faisons un peu d’histoire aujourd’hui. Voici ce qu’on peut dire :

En fait, il existe deux chronologies possibles pour situer Moïse et l’Exode dans l’histoire. 

Et aucun élément ne peut départager ces deux points de vue, riche l’un comme l’autre.

 

Le mieux est donc de donner les deux. Faisons donc de l’histoire cette fois-ci.

 

Première chronologie retenue habituellement, celle qui situe l’Exode au 13ème siècle. 

 

Le cadre est opulent, c’est la 19ème dynastie, le nouvel Empire à son apogée. C’est le temps de Ramsès… de la colonnade magnifique de Karnak, de l’obélisque de Louxor, de la grande alliance politique Egypte/Hittite dans la vallée des Rois. L’entrée des hébreux en Egypte se fait sous Aménophis IV ou Thoutmès IV.

Moïse naquit à la fin d’El Amarna, vers 1305 alors que l’esclavage avait commencé sous Séti 1er qui règne en 1313. La persécution commence sous Ramsès II vers 1292 au commencement de son règne.

 

En effet, le règne de Ramsès II se caractérise par un pouvoir absolu, une sévérité extrême, violent : un bas relief du temps montre un paysans égyptien couché par terre et bastonné par un agent du fisc. L’esclavage est de son temps. Sous son règne, on désigne les groupes d’esclaves étrangers du nom d’Apirou… variation d’Habirous ?

Ramsès II meurt en 1225.

 

Le buisson ardent a lieu sous le pharaon Méneptah dont la fameuse stèle présente pour la première fois le mot « Israël » gravé dans la pierre pour annoncer que l’Egypte l’a vaincu. Mais que veut dire le texte ? Ce n’est pas tout simple. Il semble qu’on puisse en conclure que l’Exode a eu lieu en 1220… quand commencent les difficultés pour l’Egypte, difficultés venues de peuples  de la mer.

 

« Ni brillante, ni romanesque,  commente le rabbin André Neher, les arguments qui soutiennent cette seconde chronologie sont d’austères considérations exégétiques, de critique textuelle, d’archéologie. La nature d’un mot, l’interprétation d’une poterie, bref un ensemble susceptible d’emporter le jugement de l’historien mais revêche à une transcription digne d’intéresser le profane. 

La vie même de Moïse ne s’accroche d’ailleurs, dans ses étapes intimes, à aucun événement saillant. »  (Neher Moïse  Seuil collection les Maîtres spirituels n° 8 p. 64)

 

« Le lecteur comprendra que ce n’est pas la simple prudence mais l’intérêt même de l’étude de Moïse qui interdit de choisir entre les deux chronologies. Il nous faut, dans l’une et l’autre, reconnaître les dominantes qui ne sont pas, au fond, contradictoires. » (idem p .76)

 

merneptah.jpg

Stèle de Merneptah, le nom Israël apparait dans le rectangle éclairé du bas.

 

Deuxième chronologie, celle qui situe l’Exode au 15ème siècle.

 

« Survient un nouveau pharaon »  Ex 1/8… Sûrement pas le doux Thoutmès IV. Mais les deux terribles Aménophis III et IV.

 

Nous connaissons bien cette période grâce aux découvertes faites dans la ville d’El AMARNA[1], entre Memphis et Thèbes. Nous avons un courrier diplomatique entre l’Egypte et ses vassaux cananéens.[2]

 

- Les lettres d'El Amarna de la correspondance entre grands rois nous donnent de nombreuses informations sur le contexte politique de cette période, qui s'avère particulièrement mouvementé, même si le pharaon est alors un acteur plus passif qu'actif, les grandes campagnes égyptiennes en Asie s'étant arrêtées.  En Anatolie (Turquie actuelle), le royaume hittite d’abord en grande difficulté au tout début de la période couverte par les archives, est redynamisé par le nouveau roi hittite Suppiluliuma Ier, reprend le contrôle de l'Anatolie et commence à s’apprêter à attaquer tous les royaumes cananéens qui crient au secours, notamment l’allié du roi d’Egypte, le roi de Syrie.

 

- l’autre ennemi signalé par les lettres sont les HABIROUS. Les Habirous (ou Hapirous) sont des sémites descendants d'Héber appelés "hébreux" dans nos Bibles. (le son "ou" à la fin de Habirous est simplement la marque du pluriel) Dans la Genèse, Abraham est souvent appelé "Abraham, l'hébreu". Ce que les sources antiques (sumériennes, égyptiennes, akka-diennes, hittites et ougaritiques) disent des « Habirous » correspond parfaitement à ce que la Bible dit des hébreux:

 

 * Les dates d'abord On parle des "Habirous" de - 2000  à -1200 (temps des "Juges", établissement des Hébreux en Canaan suite à l'Exode)

* L’éthnie : Ils sont sémites, originaires du nord-ouest de la Mésopotamie (d'où vient la famille d'Abraham: Haran, près de Mari) et sont présents dans le Croissant Fertile, depuis les frontières de l'Égypte, jusqu'en Canaan (c'est bien ce que décrit la Genèse: migrations entre Egypte et Canaan).

 

* Le type de peuple ensuite : ils sont nomades, semi sédentaires, hors-la-loi, marginaux, rebelles, mercenaires, esclaves en fuites, travailleurs migrants, etc. Cela correspond là encore parfaitement à ce que dit la Bible: bergers, nomades, esclaves en Egypte, puis nomades 40 ans avant de s'emparer du pays de Canaan devenu abâtardi et très corrompu.

 

Mais, tout occupé à sa réforme religieuse, le Pharaon Akhenaton (18ème  dynastie) ne tient pas compte des nombreuses lettres reçues de ses vassaux du pays de Canaan. Ceux-ci appellent le pharaon au secours car leur terre fait face à une invasion d'Habirous (Hébreux). L'installation israélite en Canaan demande justement une éclipse totale du contrôle égyptien. La réforme religieuse d'Akhenaton (introduction du "dieu" Aton au détriment du panthéon égyptien traditionnel, en particulier "dieu" Amon) est tout à fait propice à cette installation.

 

« Les lettres s’achèvent au moment où Jérusalem annonce sa chute imminente devant les habirous vainqueurs. »(Neher p. 61)

De plus on sait par les fouilles, que Jéricho s’est effondrée au temps d’El Amarna, sous Aménophis III qui commence à régner en 1450. Aménophis IV, lui, régnera de 1410 ou 1408 :

 

Si l’Exode a lieu sous Aménophis III, c’est  vers 1447 ; si sous Aménophis IV, en 1407. Les Lettres d’El Amarna parlent des conquêtes en Canaan à ce moment… mais pendant un long temps de 1407 à 1350.

 

« Ainsi l’histoire de Moïse s’éclaire t-elle le long des repères dont les principaux sont l’expulsion des Hyksos (commencement de l’esclavage des hébreux en Egypte), le règne étonnant d’Hatshepsout ( Moïse sauvé des eux par la fille de Pharaon), les représailles de Thoutmès III à la mort de sa femme (Moïse persécuté par Pharaon), le règne d’Aménophis II (Exode) les règnes d’Aménophis III et IV ( mort de Moïse au mont Nébo et conquête de Canaan par les Habirous/hébreux)(Neher p. 62)

 

D’autres faits s’ajoutent :

 

- les inscriptions de SERABIT-EL-KHADIM[3]

 

zone minière de turquoise du Sud Sinaï , en plein massif du Sinaï sont datées du 15ème siècle, 

 

- L’aventure spirituelle d’Aménophis IV : « le côté lyrique de sa vie, la beauté et la simplicité de l’amour que lui voue son épouse Nefertiti, les joies familiales que connut le peuple et dont témoignent les arts plastiques si étonnamment renouvelés sous son règne. Son œuvre politique, sa lutte fanatique contre le Sacerdoce d’Amon à Thèbes, dieu protecteur de la dynastie, sa recherche du dieu unique, Aton le dieu suprême, Amenophis que devient AKHENATON, sa capitale El Amarna… 

C’est du moins dans l’antiquité, en dehors d’Israël, l’unique instant de monothéisme…Toutankhamon remit le paganisme. » (Neher p. 64)

louvre-roi-amenophis-akhenaton.jpg

Buste d' Amenophis IV, musée du Louvre 

[1] Les lettres d'Amarna sont des tablettes d'argile d'ordre diplomatique, retrouvées sur le site d'Amarna, nom moderne d'Akhetaton, la capitale du Nouvel Empire d'Égypte antique sous le règne d'Amenhotep IV, plus connu sous le nom d'Akhénaton, qui régna de 1369 à 1353 av. J.-C. On en dénombre actuellement 382. Un premier ensemble des tablettes concerne les lettres échangées par les rois d'Égypte avec les grandes cours étrangères de l'époque : Babylone, l'Assyrie, le Mitanni, les Hittites, l'Arzawa et Alashiya (Chypre) Wikipedia

[2]La plus importante partie du corpus des lettres d'el Amarna concerne la correspondance entre la cour égyptienne et ses vassaux de Palestine et de Syrie. Les principaux sont les royaumes de Gaza, Jérusalem, Lakish, Sidon, Tyr, Byblos (Gubla), l'Amurru, Ugarit, Qadesh, Qatna.

[3] En 1905, alors qu'il explore le site de Serabit el Khadim, Flinders Petrie découvre une série de graffiti qui ressemblent à des hiéroglyphes mais qui appartiennent visiblement à un système d'écriture diffèrent et inconnu à ce jour.  Petrie pressent que ce système est alphabétique mais ne parvient à aucune conclusion.  Ce n'est qu'en 1916 que Sir Alan Gardiner montre que cet alphabet utilise des signes hiéroglyphiques  pour traduire une langue de type sémitique qui serait l'ancêtre de l'hébreu.Ce système est consonantique (les voyelles ne sont pas transcrites) et acrophonique :il se sert pour noter les sons de la représentation simplifiée d'un objet dont le nom commence par ce son:Ainsi pour écrire " b ", on utilise le signe qui représente une maison, qui se dit " beit "...Cette langue aurait était parlée par les ouvriers sémites au service de pharaon dans les mines de cuivre et de turquoise. Cette découverte a été faite lors du déchiffrement d'une série de caractères ou Gardiner a lu le nom de Ba'alat, féminin de Ba'al, un des dieux du panthéon cananéen et qui a pu être assimilé à la déesse égyptienne Hathor , maîtresse de la turquoise.

 

Commentaires

  • Merci beaucoup Jacques pour cette leçon d'histoire très passionnante , je m'intéresse depuis plus de 50 ans à l'histoire de l'Egypte , certains textes que tu écrits m'étaient inconnus
    Bonne journée
    Philippe

  • L'aventure d'Akhenaton est particulièrement intéressante car unique dans l'histoire de l'Egypte ancienne. Je me suis parfois demandé si Akhenaton dans sa volonté d'imposer le monothéisme en Egypte avait pu être influencé par la religion des Hébreux; s'il ya des similitudes avérées entre le dieu Aton et le Dieu des Hébreux.

  • Je suis très séduit pour ma part par l'hypothèse haute de l'exode au XVème siècle av.JC. Elle cadre assez bien avec l'histoire générale et il me paraît important de montrer que l;e texte biblique s'enracine dans l'histoire humaine. L'éducation de Moïse à la cour du pharaon n'est pas un fait anodin, même s'il faut se garder de faire des déductions trop hâtives.

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