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Nuit de Noël

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Sermon de la nuit de Noël 2014

         Nous voici donc rassemblés ce soir autour d’un « nouveau-né emmailloté, couché dans une mangeoire ». Humble histoire : un jeune couple arrivé à Bethléem, installé dans une des maisons de leur famille ; la jeune femme est prête à accoucher : on l’installe dans la grotte qui est l’étable de la maison ; elle sera au chaud, les femmes pourront s’occuper d’elle dans le calme et hors du monde des hommes car, comme le dit St Luc, « ce n’était pas une place pour eux dans la salle commune ».

         Nous sommes autour de cet enfant… comme le furent tant d’hommes et de femmes depuis 2000 ans chaque année ! Que vient-on chercher dans la visite à cet enfant comme les autres ?

         Certes toute naissance apporte la joie d’une vie nouvelle et de promesses nouvelles. On se réjouit de ce que la vie continue, plus forte que tous les obstacles et Dieu sait que depuis que l’humanité existe, la vie a rencontré des obstacles de mort et elle les a vaincus ! C’est sans doute la joie des habitants de la maison de Bethléem : il est né un fils à Joseph ! Dieu en soit béni !

         Mais cela ne suffit pas à expliquer cette persistance depuis tant de siècles autour de cet enfant-là, si petit, si faible, si fragile. Que peut-il apporter ? Qui est-il pour être à ce point regardé, admiré ou refusé avec mépris, prié ou rejeté dans le folklore ? Peut-il quelque chose pour enrayer la tristesse de ce monde qui nous guette ou nous envahit ?

         La tristesse… qui ne se sent pas vulnérable devant elle aujourd’hui malgré les flons-flons de la soit disant fête ? Il y a quelques décennies, notre société en se libérant du christianisme, pensait retrouver une liberté illimitée que l’Eglise lui refusait. Le Pape Benoît XVI écrit : « les plaisirs interdits perdirent vite leur attrait dès l’instant où ils ne furent plus interdits. Même poussés à l’extrême et indéfiniment renouvelés, ils semblent fades parce qu’ils sont tous finis et que nous avons besoin d’infini. Aussi voyons-nous aujourd’hui précisément dans le visage des jeunes gens une étrange amertume, une résignation qui est bien loin du départ juvénile dans l’inconnu. La racine la plus profonde de cette tristesse, c’est l’absence d’une grande espérance, l’inaccessibilité du Grand Amour. » Et le Pape d’ajouter prophétiquement car il écrit cela en 1986, on croirait lire un commentaire de l’actualité de ces derniers jours : « Ainsi se concrétise davantage cette vérité que la tristesse conduit à la mort : seul le flirt avec la mort, le jeu cruel delà violence est suffisamment excitant pour créer un semblant de satisfaction. »[1]

         Comment un enfant peut-il nous guérir de cette tristesse, de ce vide qui conduit à la violence et à la mort ? Comment peut-il faire naître ou confirmer en nous une espérance ?

         C’est d’abord une expérience étonnante  que nous faisons : l’espérance ne naît pas en nous à la suite d’un raisonnement… l’espérance,  elle est sans raison ! Elle surgit comme cela…en nous, elle ne donne pas de solutions mais elle ouvre des passages, elle est ouverture à l’avenir, elle redonne confiance… Et nous croyants, nous savons que cette espérance qui est offerte à tout homme, est un don de Dieu : elle rend modeste mais souple, capable de nouveauté, confiant et elle se nourrit de ce qui l’attaque : pas d’espérance sans combat, sans volonté, sans décision.

         La tristesse de l’homme se nourrit d’une illusion : « vouloir être dieu par lui-même, se débarrasser du surveillant qu’est Dieu, reprendre en soi le Dieu projeté au ciel et dominer soi-même la création à l’égal de Dieu. »[2] D’où d’ailleurs une vie surexcitée d’activités, d’invention, de nouveauté sans cesse recherchée… L’enfant de la crèche est là devant nous dans le silence, la paix qui rien en trouble et en venant parmi nous, si nous l’accueillons, il nous fait devenir Dieu en lui : - « Par lui, dit une préface de Noël, s’accomplit l’échange merveilleux où nous sommes sauvés : il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels ».

         La tristesse de l’homme se nourrit du mépris de lui-même. Aujourd’hui, il y a une curieuse haine de la part de l’homme contre sa propre grandeur. L’homme se considère comme « l’ennemi de la vie, de l’équilibre de la création, comme la créature manquée… » L’enfant de la crèche qui est Dieu fait homme nous dit au contraire la grande dignité de chaque homme  - « lorsque ton Fils prend la condition de l’homme dit la préface, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse » - de chaque homme, de chaque enfant.

         La tristesse de l’homme se nourrit de la déception devant la vie : on avait cru qu’on serait heureux par la possession infinie de biens nouveaux… ce n’est plus vraiment possible et cette course semble en panne. On avait cru être heureux en étant comme tout le monde, dans l’indolence, en créant le vide des convictions religieuses, des raisons spirituelles de vivre, en les renvoyant dans le privé ou dans la dérision, la moquerie, en interdisant toute expression particulière – voyez l’affaire des crèches -… et voilà que le vide produit la violence et la mort. L’enfant de la crèche nous parle par son silence : sa simple présence humble, discrète, chaleureuse défie, dans la paix, la société désespérée qui est la nôtre… tellement que certains ne voudraient plus la voir !


[1] Retraite prêchée par le cardinal Ratzinger en 1986 à Rimini « Regarder le Christ ».

[2] idem p. 88

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