L'aveugle né
Quel merveilleux récit ! Nous sommes plongés dans la Jérusalem du temps de Jésus et son ébullition religieuse. Et également dans notre temps par bien des aspects.
Il y a les vieux restes de superstition, il en traîne dans toutes les cultures : « l’aveugle né, qui a péché ? Ses parents ? Lui ? » Et ce sont les apôtres qui posent la question ! liant toujours maladie et péché… malgré les prophètes qui avaient appris que chacun était responsable de ses actes devant Dieu. Mais superstition proclamée aussi par les pharisiens, les plus doctes : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance et tu nous fais la leçon ! ». Tout entier dans le péché depuis sa naissance puisqu’aveugle !
Il y a le poids des idées toutes faites, de l’idéologie même en théologie : la guérison ayant lieu le jour du sabbat, ce ne peut pas être de Dieu !... mais le jour-là, on peut légalement retirer son âne du puits ou son mouton pris dans un fourré… La règle, la loi est devenue un absolu. Ce poids de l’idéologie est dans toute culture : quand au XVIIè siècle le médecin anglais Harvey découvrit la circulation sanguine, on lui objecta que ce n’était pas possible puisque Hippocrate ne l’avait pas dit. Et Harvey de dire : « mais moi je l’ai vue ». De même quand Gassendi découvrit la structure de la matière en atomes, on refusa de le croire et on refusa sa théorie jusqu’en 1925 en France !
Il y a la pression de la pensée unique : pauvres parents, comme ils ont peur puisque on a décidé d’exclure toute personne qui confesserait en public que Jésus est messie ! « Il est bien notre fils – en fait, les opposants allaient même jusqu’à douter de sa cécité pour pouvoir refuser le miracle ! – Il était bien aveugle… mais comment il est guéri, il est assez grand pour répondre ! » L’exclusion de celui qui ne pense pas comme les autorités pensent… ici c’est dans le domaine religieux, aujourd’hui dans le domaine politique, moral, orthographique, médiatique… mais c’est toujours le même obscurantisme de la pensée et la même pression.
Et puis, au milieu de tout de monde, il y a le cheminement de l’aveugle guéri. Un cheminement de liberté. Au commencement, il répond sagement aux questions agressives qu’on lui pose du côté des autorités. Puis devant la mauvaise foi et l’appel à répéter sans cesse le miracle, il s’enhardit, réfléchit théologiquement sur le fait : « Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs, … jamais on a entendu dire qu’un homme ait guéri un aveugle de naissance, Si cet homme là ne venait pas de Dieu il ne pourrait rien faire. » Un peu avant il s’était enhardi à provoquer les chefs et les savants : « Vous ne savez pas d’où il est, voilà bien l’ étonnant ! » ou « Vous voulez devenir ses disciples ? » Et ce chemin de liberté, c’est l’effet de libération de sa personnalité réalisé par la découverte du Christ. « La vérité le rend libre » selon le mot de Jésus. Au commencement, il dit « l’homme qu’on appelle Jésus » puis devant les autorités il l’appelle « prophète » puis quand Jésus lui demande s’il croit au Fils de l’homme devant la réponse de Jésus « je le suis moi qui te parle » il se prosterne et dit « je crois Seigneur »
St Paul écrit : « Si quelqu’un est en Christ, il est une créature nouvelle ». (2 Co. 5/17) Nouvelle ? Paul dit « kainos » en grec, c’est à dire nouvelle mais aussi, différent de ce qu’il était jusque là, inattendu, imprévu, extraordinaire. (d’après Gaffiot) Créature nouvelle, c’est à dire créature unique, originale, créature qui est devenue enfin ce que le Créateur avait voulu qu’elle soit.
Babel, l’image de toute dictature, est faite de brique moulée… c’est à dire de briques toutes semblables, uniformes, moulées sur le même moule. La Jérusalem nouvelle est faite de pierres, chacune originale, chacune unique, belle dans son unicité. Sous nos yeux ce matin, est née une créature nouvelle dans la rencontre de l’aveugle avec le Christ, dans l’action du Christ et dans la foi de l’aveugle.