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Saint Jean Passion IV

19/ v. 28-30 : La soif et la mort de Jésus 

 

1 - Nous sommes à l’ultime moment. « Jésus sachant » (v 28)... Jean emploie plusieurs fois cette formule : « Jésus sachant » de 13/1 et de 18/4: les commencements de la passion avec les disciples (13) dans les faits (18).

 

 

2 - Trois fois, le terme « accomplir » (achever/parachever). Le sens est ici, « c’est achevé, c’est parfait ». Tout ce qui était à faire, est fait. « Il les aima jusqu’au bout » du chapitre 13: même mot, même idée.

 

3 - Parmi les paroles de Jésus prononcées ne croix, St Jean retient :

 

« J’ai soif » 

 

* à prendre d’abord au sens littéral, la soif terrible des condamnés. Les Pères ont insisté sur la réalité de l’incarnation contre les docètes (Chrétiens pour qui Dieu ne pouvait s’unir à la chair d’un homme ! Jésus n’avait que l’apparence - dokeiv en grec veut dire apparaître- de l’humanité)

 

* Par là Jésus réalise les Ecritures : Ps 62 (« Mon âme a soif de Dieu ») et le Ps 68/22... et la réponse évoquée par le psaume est réalisée effectivement par les soldats  (le vinaigre). La mention de la branche d’hysope peut faire penser à un des rites de la Pâque où l’on se servait d’une branche d’hysope pour marquer de sang les linteaux de la porte. (Cf Ex12/22).

 

* écho du « j’ai soif » de Jésus devant la samaritaine.

 

* les auteurs du Moyen Age ont lu ce « j’ai soif » comme une parole adressée à chaque croyant: j’ai soif de ta foi, de ton amour.

 

* André Feuillet (le sacerdoce du Christ  p 188) écrit : « Avec insistance Jésus se représente sa Passion comme une coupe que son Père lui donne à boire...La coupe en question est celle de la colère divine que Yahvé destine à ses ennemis. Jésus la boira donc à la place des pécheurs et c’est parce qu’il l’aura bue que nous pourrons ensuite boire à la coupe du salut, celle de l’eucharistie: il y a en effet un rapport caché entre les deux coupes de la Cène et de Gethsémani. »

Voir le Psaume 10/6; 15/5; 22/5  (coupe désigne la vocation) Ps 74/9 «  Dieu a en main une coupe et c’est de vin fermenté qu’est rempli le breuvage; il en versera, ils boiront jusqu’à la lie tous les impies de le terre. » ; coupe de colère : voir Is 51/17.

 

* confidence à Ste Catherine de Sienne: le tourment du Christ de ne pouvoir supporter des souffrances que dans les limites de son humanité individuelle alors que son Amour, venant de sa Personne divine, était illimité. Ce qui expliquerait que, même si à Lui seul Jésus est l’Agneau de Dieu portant le péché du monde, il le cherche pas moins en ses membres des humanités de surcroît qui acceptent de « compléter en leur chair ce qui manque aux épreuves du Christ en faveur de son Corps qui est l’Eglise. »

(Col 1/24)

 

4 - « Il incline la tête et remet l’Esprit. »

 

Deux remarques :

= Jésus décide du moment de sa mort. Sa mort est volontaire (à la différence de nous). Il donne  sa vie on la lui prend pas. (Jean10/11.15.18). Il incline librement la tête pour le don de l’Esprit.

 

= le dernier souffle du maître est le souffle de l’Esprit répandu sur la petite Eglise du pied de la Croix. « Il livra l’Esprit » est une expression totalement inventée par St Jean pour exprimer le dernier soupir d’un mourant ! L’emploi est à dessein. Jésus est venu pour donner l’Esprit : 1/33; 3/34; 4/14; 7/37-39 et 20/22.

 

 

 

19/v. 31-37 : le coup de lance 

 

Ici encore nous avons une scène que le 4ème  évangile est seul à rapporter. Témoin oculaire. Une nouvelle mention de la Pâque (le Grand Jour de la Parascève, la Préparation)

 

Cet épisode comprend plusieurs éléments :

 

La démarche des juifs auprès de Pilate.

 

La logique est implacable: toujours la pureté légale ! St Jean ne rapporte pas ce fait sans une certaine ironie. Certes les juifs suivent le Dt 21/22 ss. car un pendu est une malédiction. St Paul y fera allusion en Ga.3/13. Comme le note Mollat : « le corps de Jésus ne doit pas souiller la Terre Sainte. »

 

L’acte du brisement des jambes 

 

pour accélérer la mort des condamnés ( par étouffement). 

 

Le coup de lance 

 

donné à droite, sous le sternum, pour sûrement atteindre le cœur; le verbe utilisé (enuxen) signifie percer ou frapper...comme le rocher du désert ! (cf St Paul). L’écoulement d’eau et de sang est physiologiquement  probable. Mais pour St Jean, ce fait a une profonde signification pour la foi. Cette disposition de la Providence est lourde de sens: d’où l’insistance sur la fiabilité de son témoignage et la gravité du ton !

Il faudrait ici évoquer tout le développement futur en christianisme de la symbolique du cœur ouvert, du Sacré Cœur, côté ouvert du Christ par lequel on entre dans le mystère de Dieu, côté ouvert de l’amour qui a aimé le monde, cœur ouvert par lequel nous avons accès au sanctuaire de l’amour du Christ, au foyer même de l’amour dont brûla Jésus. Une longue tradition mystique autour de ce thème depuis Ste Gertrude de Helfta (1256-1302) jusqu’à la dévotion de la communauté de l’Emmanuel aujourd’hui, en passant par Ste Marguerite Marie (1647-1690) au 17ème mais aussi St Jean Eudes (1601-1680), renouvelé dans la mystique Ste Faustine (1905-1938).

 

Le voile du St des Sts est déchiré comme dans les synoptiques.

 

La source de la découverte centrale de St Jean: Dieu est Amour. Paul Claudel a une lecture audacieuse : « La lance au bras de Longin est allée plus loin que le cœur du Christ ; elle a ouvert Dieu, elle a passé jusqu’au milieu même de la Trinité. » (L’Epée et le Miroir)

 

 

Le sens profond des faits de la passion est atteint à la lumière des Ecritures.

 

Notons un indice de lecture de la Ste Ecriture. Aujourd’hui, on relève volontiers la diversité des livres bibliques (73), les différentes époques de leur composition (12 siècles environ entre les premières lignes du temps de Moïse sur la pierre et les derniers écrits du Nouveau Testament) et on parle de la Bible comme d’une bibliothèque. On a raison.

 

Mais le fait le plus marquant est l’unité de ce livre: la variété des auteurs, des époques et des styles aboutit à l’unité d’UN LIVRE: une lente préparation, un lent dévoilement du salut et du Fils, Messie, qui EST le SALUT. Tout le Christ est caché dans l’Ancien Testament et manifesté dans le Nouveau. La manifestation du Nouveau ne se comprend que dans le secret de l’Ancien... La Bible explique la Bible et St Jean est un maître dans cette lecture unifiée de l’Unique Ecriture.

 

Le passage que nous expliquons est un modèle: St Jean comprend à la lumière de deux textes de l’Ancien Testament, « Moïse et les prophètes » comme disent les Juifs; St Jean les prend dans l’ordre:

 

* Ex 12/46 et Nb 9/12 : le rituel de la Pâque mentionne la nécessité de ne pas briser les os de l’agneau pascal. Au moment où on immole les agneaux dans le Temple, on ne brise pas les os du véritable agneau pascal qu’est le Christ sur le Golgotha. Autrefois l’agneau pascal libérait d’Egypte et préfigurait une libération plus grande et définitive qu’Israël avait peu à peu pressentie et désirée... Le Christ véritable agneau pascal délivre vraiment de la servitude de la mort, du péché dont elle est le salaire (8/31-36: Jésus l’avait annoncé!)... (1/29: Jean Baptiste avait raison de présenter le Christ comme l’agneau de Dieu). St Jean est tout près ici de St Paul.

C’est aussi une sollicitude de Dieu pour le Juste persécuté (cf psaume 33,21 « le Seigneur garde tous ses os; pas un ne sera brisé. »). Mais dans le cas du Christ c’est aussi une prophétie sur la Résurrection: rien du corps du Christ ne sera abîmé.

 

* Za 12/10: un autre texte capital très négligé par les chrétiens et pourtant capital dans la compréhension de Jésus. Zacharie parle d’un innocent mis à mort à Jérusalem sur lequel on pleure comme sur un premier né... qui apporte une grâce de repentir et de pardon. Jérusalem fait alors pénitence, un esprit nouveau est répandu, une source est ouverte... et on regarde vers celui qui a été transpercé. C’est tout ce passage que Jean évoque dans ce seul verset: le mystérieux oracle est maintenant clair: il prophétisait la scène du calvaire que Jean vient de décrire minutieusement. (cf aussi l’allusion en Apo1/7: « chacun le verra même ceux qui l’ont transpercé. »)

 

- le fils premier-né

- côté ouvert : le transpercé de Zacharie et le regard du transpercé qui manifeste la foi (cf aussi  le serpent d’airain de Nb 21/8 et Sg 16/6 que Jésus a évoqué devant Nicodème 3/14s)

- le Christ qui est pardon et repentir

- le côté ouvert d’où coulent sang et eau: la source du salut

 

Sur cette lecture johannique bien des Pères ont lu dans le sang et l’eau les sacrements de baptême et de l’eucharistie par lesquels la vie divine nous est communiquée. Ce développement correspond bien à la pensée de St Jean.

Vatican II le dit sans ambage : « C’est du Christ endormi sur la Croix qu’est né l’admirable sacrement de l’Eglise. » (cf le côté ouvert d’Adam pour faire Eve). St François de Sales à Ste Jeanne de Chantal: « Le Sauveur mourant nous a enfantés par l’ouverture de son Sacré Coeur. »

 

Mais aussi 1 Jn 5/6-8: Jésus venu par l’eau, le sang et l’Esprit (comme un doublage: eau du Jourdain/eau de la Croix, Esprit manifesté au Jourdain/Esprit donné à la Croix, Sang de la Croix)

Il faut même ici citer Jean interprétant Jean: l’eau jaillissante du cœur en 7/37;39 et l’enseignement à la samaritaine sur l’eau vive en 4/14. L’eau est liée à l’Esprit donné. 

 

Le sang est nommé d’abord : pour qu’il soit possible de donner l’Esprit, il faut le sacrifice de Jésus; peut-être même plus: une allusion au sacrifice pascal. Selon le rite pascal juif, le sang de l’Agneau devait couler; le prêtre perçait le cœur de la victime. (cf la Michnah Tamid, 4,2).

 

 

 

 

19/ v. 38-42 : l’ensevelissement 

 

Tous les évangiles racontent avec précision la scène de l’ensevelissement du Christ. Chez St Jean, plusieurs détails particuliers (là aussi témoignage d’un témoin oculaire):

 

* Joseph d’Arimathie: Jean évoque sa démarche auprès de Pilate. Grand personnage influent du Sanhédrin, il peut se le permettre. D’où son poids auprès de Pilate alors que les condamnés étaient d’habitude jetés dans la fosse commune sans possibilité pour les familles de reprendre le corps.

 

* c’est Nicodème qui apporte les aromates et… beaucoup d’aromates ! (= 32 kg 700), prodigalité inouïe comme celle de Marie à Béthanie. « Myrrhe et aloés » baume et parfum précieux, en quantité tout à fait inhabituelle. Jésus a vraiment un ensevelissement royal. 

Ces deux hommes étaient disciples en secret par peur jusque-là... maintenant avec audace, ils se montrent ! Jésus avait donc des disciples juifs, riches, importants dans le monde juif, qui le connaissait bien et prennent soin de lui. De ne pas avoir tenu compte de ces faits, a égaré bien des chrétiens de notre temps dans la fabrication d’un Jésus des pauvres seulement, révolutionnaire, rebelle et même violent. Ce n’est pas la réalité. Jésus ne fait pas de différence entre les hommes selon leur naissance ou leur richesse : il traite chacun selon le cœur de chacun, riche ou pauvre, cela n’importe pas, là est la grande nouveauté dans les relations avec Jésus ! Jésus reconnaît aussi qu’il est plus facile de croire à un pauvre qu’à un riche. D’où le mérite de ces deux amis du tombeau.

 

* la mention du jardin qui entoure le calvaire et le tombeau: c n’est pas un hasard ! Jean y annonce le jardin du paradis réouvert ! Le tombeau de Jésus est un tombeau de riche, creusé dans la pierre. Personne n’y avait été mis.

 

* Et à nouveau, la mention de la Pâque clôt le chapitre: « à cause de la Préparation (parascève) de la Pâque, c’est là qu’ils mettent Jésus ».

 

O MARIE, NE PLEURE PLUS

TON FILS NOTRE SEIGNEUR S’ENDORT DANS LA PAIX.

ET SON PERE DANS LA GLOIRE OUVRE LES PORTES DE LA VIE.

O MARIE, REJOUIS-TOI !

JESUS RESSUSCITE A VAINCU LA MORT !

 

Quand tombe la voix de la meule

Quand s’arrête la voix de l’oiseau,

Tu vois mourir ton Fils bien Aimé

Livré au pressoir de la croix ;

Et de sa chair prise au filet de l’oiseleur

L’Esprit s’est répandu sur l’Eglise.

 

Lorsque se taisent les chansons,

Et qu’on a des frayeurs en chemin,

Tandis que l’homme s’en va vers sa maison d’éternité,

Ton Fils a crié : “Père pardonne leur !“

Et dans sa chair clouée sur la Croix de souffrance,

S’ouvre un chemin de Pâque pour la vie éternelle.

 

Aux jours où tremblent les gardiens de la maison

Où se courbent les hommes en pleine force,

Tandis que s’enténèbrent la lumière et le soleil,

Ton Fils s’en va fonder aux cieux une Demeure

Et sa chair brisée par le poids du péché, 

Se relève déjà dans la Puissance éternelle.

 

Lorsque le coupe d’or se brise

Et que la jarre se casse à la fontaine

Quand le souffle retourne à Dieu qui l’a donné,

Tu vois jaillir de son côté l’eau et le sang,

Et le tombeau reçoit le grain jeté en terre, 

Sur l’arbre de la Croix fleurit un fruit de vie.

 

Lorsque le jour baisse aux fenêtres

Lorsque la porte se ferme sur la rue, 

Quand les pleureuses tournent déjà dans la ville, 

Tu vois se réveiller Ton Soleil à l’aurore,

Et tu sais qu’Il se tient à la porte,  

Pour donner le salut à ceux qui ouvriront.

 

Il y a un temps pour enfanter, un temps pour mourir,

Un temps pour détruire, un temps, pour bâtir :

Ton Fils Unique a fait de toi la mère de ses frères,

« Femme, voici ton Fils, fils voici ta mère »

Et depuis ce temps, tout disciple t’accueille chez lui,

Et depuis cette heure, nous sommes enfants de Dieu ».

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