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11ème dimanche dans le temps dit ordinaire

Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas prêcher sur les lectures de ce dimanche mais sur le temps de l’année liturgique dans lequel nous entrons, « tempus per annum » dit le missel latin – « temps durant l’année » - et non pas « temps ordinaire « comme on a traduit en français comme si un temps avec Dieu pouvait être « ordinaire ».

C’est plutôt le temps sans Dieu qui est ordinaire ! terriblement ordinaire comme on s’en rend compte de nos jours. Nos contemporains des villes, les jeunes générations surtout, s’ennuient, n’ont plus d’avenir, trouve leur vie absurde… Et les remèdes que proposent noter société – fête tout le temps et consommation tout le temps – au lieu d’assouvir le désir, l’exacerbe et augmente frustration et non sens.

Il y a quelques années le philosophe Philippe Murray décrivait l’homme contemporain comme l’ «homo festivus », l’homme festif qui ne vit que de la fête, pour elle et qui s’y noie… Il suffit d’habiter dans le quartier où je réside pour constater ce phénomène tous les jours… jusqu’à ce stade décrit par Murray où il n’y a plus « l’homo festivus « mais seulement « festivus festivus ». Car le « tout fête » tue la fête et les lendemains de fête sont de plus en plus douloureux. 

Des jeunes m’ont fait découvrir cela il y a quelques années quand je rentrais tout joyeux un soir d’août d’un concert à Froville. Rencontrant en haut de ma rue, une vingtaine de jeunes hommes en train de boire de l’alcool, je fus accompagner par l’un d’eux m’a accompagné jusque chez moi, en m’expliquant qu’ils buvaient avant d’aller en boîte pour être saouls dès la première boisson offerte et ne plus avoir à consommer les boissons proposées trop chères pour eux. Sur le coup j’étais sidéré, j’ai compris après : ils savent que la fête toute seule, si répétitive, est triste, que pour supporter ces fêtes tristes, il faut être ivres… se créer un monde artificiel, même si le réveil, le lendemain matin, est d’autant plus dur et triste.

Ainsi donc ces débordements qui vont en s’amplifiant sont là seulement parce que la fête répétitive, la fête simplement humaine est fondamentalement triste. 

Du coup, en réfléchissant, j’ai découvert la joie que j’avais d’être depuis mon enfance soutenu dans le quotidien ordinaire de ma vie par la fête divine du dimanche, par les fêtes chrétiennes qui transforment complètement notre ordinaire humain par la venue du divin en son sein : Dieu nous rejoint, habite et ouvre l’espace humain fermé, voué au monotone et même, si on ne croit pas en Dieu, à l’absurdité d’une vie sans but et sans sens : la vie humaine naturelle est soulevée par le désir de plénitude qui n’arrive jamais : « Vanité des vanités disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité ! Je résolus de m’adonner au vin, et je me livrai à la démesure, le temps de voir ce qu’il est bon, pour les fils d’Adam, de faire sous le ciel pendant le peu de jours qu’ils ont à vivre. Rien de ce que mes yeux convoitaient, je ne l’ai refusé. Je n’ai privé mon cœur d’aucune joie ; je me suis réjoui de tous mes travaux… Mais quand j’ai regardé tous les travaux accomplis par mes mains et ce qu’ils m’avaient coûté d’efforts, voilà : tout n’était que vanité et poursuite de vent ; rien à gagner sous le soleil ! »

La liturgie que nous vivons nous croyants, renouvelle et rajeunit le temps monotone de nos vies non pas par des moyens humains et artificiels, mais en accueillant l’éternité divine qui vient dans  notre temps. « Nous sommes en route vers un but déjà atteint » dont nous vivons chaque dimanche. « Dans la liturgie, temps et éternité sont inséparables ». La naissance du Christ et sa mort deviennent contemporaines de chacun de nous. Tout ce que Jésus a vécu, tout ce qui lui est arrivé au cours de sa vie terrestre, il l’a emporté avec lui dans la gloire. C’est ce Christ total qui vient à nous dans la liturgie, dans chaque messe comme dans les grandes fêtes des 6 premiers mois de l’année. Grâce à la venue du Christ et par Lui, de la Trinité parmi nous, nous « ouvrons » en Lui notre existence humaine limitée et notre joie vient de Lui, Sa joie nous inonde et sa paix ; sa venue renouvelle le souffle profond de notre vie, élargit nos horizons, nous élève et nous fait déjà goûter la joie du Royaume.

Le Père Stinissen écrit : « au cours de mes contacts avec des psychiatres, des psychothérapeutes et des psychologues, je me suis laissé dire que le rythme de l’année liturgique apporte à l’homme tout à la fois variation et stabilité dans sa conception du temps. C’est aussi une aide à soulager la sensation d’absurdité engendrée par une routine irrationnelle qui imprègne facilement l’existence de beaucoup de gens. » 

Oui ! Celui qui progresse à la cadence paisible de l’année liturgique – celui qui s’est fait une âme liturgique – ne ressent jamais le temps comme vide et creux.  Ce que Jésus a fait ou dit ne passe pas. Je peux le vivre aujourd’hui. « Sur la scène du temps se joue la pièce de l’éternité. L’agitation inquiète se calme lorsque nous sont continuellement rappelées les grandes choses qui nous attendent et qui arriveront sans aucune prestation de notre part ! »

Pâques est la fête des fêtes. C’est à partir d’elle que s’organise toute l’année liturgique : le Seigneur est ressuscité et nous avec Lui déjà. Déjà nous sommes en Dieu et Dieu vit en nous. Pâques nous dit que nous sommes immortels. Le dimanche est la Pâque hebdomadaire… « Tandis que le semaine est le temps du monde – du travail et de la peine – le dimanche, le 8ème jour, est le temps de l’éternité », du repos en Dieu et de la communion joyeuse avec Dieu et les frères.

Dans la première partie de l’année de Décembre à juin, nous allons de fête en fête : l’Avent nous prépare à Noël, venue définitive de Dieu parmi les hommes pour les faire venir à Lui, puis nous suivons Jésus dans le début son ministère avec d’occuper notre cœur à la Pâque : 40 jours de carême préparatoire puis 50 jours de fête pascale. 

Dans le temps après la Pentecôte, de juillet à novembre, nous vivons avec Jésus le temps vert des floraisons, des mûrissements, des récoltes et des vendanges dans un compagnonnage simple, paisible, joyeux, discret… même dans les douleurs humaines légitimes. Pas un moment de vide, de tristesse prolongée, de lassitude possible avec un tel ami divin !... surtout que chaque dimanche nous reconduit à la Pâque du Seigneur. 

Peu à peu, si nous le voulons, le Seigneur prend toute sa place dans nos vies, nous n’avons plus besoin des choses exceptionnelles si décevantes pour être heureux et en paix. Pas besoin des Maldives pour être pleinement heureux. Amen

Commentaires

  • Une homélie précieuse qui ouvre à la réflexion et au désir de vivre...Un grand merci.
    Bernadette

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