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25ème dimanche B

diacre Jean-Marie Blondel

 

Nous voici aujourd’hui traversant la Galilée avec Jésus et ses disciples. Il revient très vraisemblablement de la région de Césarée de Philippe dans l’extrême nord de la Palestine. Il entreprend ici ce que l’on appelle sa montée à Jérusalem. Cette marche, ultime, conduit le Christ vers son destin sanglant.  Et voici qu’Il annonce pour la seconde fois à ses disciples sa passion, sa mort et sa résurrection. Rappelons-nous que la première annonce de la passion du Christ par Jésus, c’était au chapitre précédent, a suscité une violente rebuffade de Pierre alors qu’il venait de confesser sa foi au Messie. Rebuffade qui a été suivie d’une catégorique remise en place de la part du Messie : « Passe derrière moi satan ». Mais comment ne pas être déstabilisé quand on suit fidèlement quelqu’un qui court sciemment à sa mort et pour qui on imagine un tout autre avenir ? 

 

Et aujourd’hui encore, suite à cette seconde annonce de sa passion, l'évangéliste Marc souligne l’énorme contraste entre l’annonce faite par le Christ et l’état d’esprit des douze apôtres. Alors que Jésus parle de son abaissement et de sa mort à venir, les disciples qui ne comprennent pas les propos du Christ et craignent de l’interroger, préfèrent discuter entre eux pour savoir qui doit être considéré comme « le plus grand » parmi eux. Quel contraste ! Jésus annonce son épreuve salvatrice qui passe par son humiliation sur la croix, mais aussi qui ouvre le chemin de la résurrection, les apôtres eux cherchent à savoir qui d’entre eux est le plus grand, chamailleries sur des honneurs qui passent. Nous pourrions dire, avec nos mots d’aujourd’hui que les apôtres sont dans le déni le plus complet… L’annonce du Christ est tellement extraordinaire pour des esprits qui ne sont pas encore suffisamment préparés et qui ne sont pas encore habités par l’Esprit.

Alors, sans désespérer, pour ouvrir leur esprit à cette Bonne Nouvelle si incompréhensible, Jésus, prend le temps de l’explication. En rabbin expert, Il commence par interroger ses disciples sur l’objet de leurs discussions en chemin. Ceux-ci ne sont pas très fiers de leur conversation. Marc l’avoue, ils sont honteux. D’ailleurs, à la question de Jésus, ils ne donnent pas de réponse. Or, ce qu’ils se sont dit en route est très significatif de leur état d’esprit. Ils n’osent pas dire qu’ils briguent les honneurs alors que Jésus marche vers un avenir d’humilité, d’humiliation. Le contraste est flagrant.

L’homme cherche trop souvent à se faire valoir, à acquérir du pouvoir, à dominer … Regardons-nous avec réalisme… Nous serons fort édifiés… Mais ce n’est pas cela le chemin que Jésus nous propose…

Le Maître se doit donc d’intervenir de façon claire pour détourner ses disciples de la course au pouvoir qui les habite. Jésus s’assied, Il prend la position de celui qui enseigne avec autorité. Puis il rassemble les douze, c’est-à-dire les futurs responsables de l’Eglise. Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté dans l’esprit des apôtres. C’est pourquoi Jésus leur explique, avec patience, sa logique, la logique de l'amour qui devient service jusqu'au don de soi : « Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous » et Il appelle un enfant à venir au milieu d’eux. Arrêtons-nous sur ces deux faits et interrogeons-nous :

Tout d’abord en renversant apparemment les valeurs de notre humanité, que veut nous dire Jésus ? Nous pousse-t-il à un rôle de second plan qui nous exclut des sphères décisionnaires et gouvernance de notre monde, de notre société ? Jésus condamne-t-il le désir d’exceller, de faire de grandes choses dans la vie, de donner le meilleur de soi-même ? Privilégie-t-il, au contraire l’inertie, l’apathie, la passivité, le renoncement, la paresse ? Rien n’est moins sûr. Car Jésus n’exclue en aucun cas la possibilité d’être le premier. Il nous le dit d’ailleurs clairement : « Si quelqu’un veut être le premier… ». Il est donc possible de vouloir être le premier, ce n’est pas interdit, ce n’est pas un péché. Jésus non seulement n’interdit pas, le désir de vouloir être le premier, mais il l’encourage. Il révèle seulement une manière nouvelle et différente pour y parvenir : non pas au détriment des autres, mais en faveur des autres. Il ajoute en effet : « …qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». C’est le premier aux yeux de Dieu qu’il nous faut être.

 

Il nous invite ainsi à mettre nos talents au service de tous afin que tous bénéficient de la grandeur de l’un. Celui qui est grand dans le service, est lui-même grand aux yeux de Dieu et rend les autres grands ; au lieu de s’élever au-dessus des autres, il élève les autres avec lui. C’est ce que l’on attend d’un vrai chef, d’un vrai leader. Mais c’est si difficile ! Combien de fois ai-je prié pour ces patrons de grandes entreprises, qui pétris de leur foi cherchent à diriger chrétiennement leur entreprise ?

Mais nous sommes toutes et tous, ces patrons dont le Christ a besoin. Patron de nos propres vies, de nos familles, de nos communautés appelées à l’excellence de l’amour. Appelés à élever nos âmes mais aussi nos frères en humanité vers le seul amour, vers Dieu.

Et à titre d’exemple, très concret, sur ce qu’il attend de nous pour être ces bons serviteurs, Jésus place un enfant au milieu du cercle qu’il forme avec ses apôtres. Les enfants, à l’époque de Jésus étaient tenus pour des êtres insignifiants et l’habitude voulait qu’on les rejette, les exclut de la communauté à cause de leur ignorance de la Loi. Ici Jésus les place au milieu de sa future Eglise. L’enseignement est clair : suivre le Christ, c’est suivre son humble route d’humilité et de souffrance, au travers du service de nos frères, c’est aussi être accueillant aux plus petits…

Le Christ nous demande donc d’être, dans le monde, des hommes et des femmes extraordinaires à la fois implanter dans notre société pour témoigner de la grandeur de son amour et forcer le respecter de toute vie et de la création, mais aussi attentifs aux plus fragiles et tout cela dans l’humilité et l’effacement…

Pas facile me direz-vous. La barre est bien haute. Oui la barre est bien haute car pour relever ce défi il nous faut lutter contre le mal au plus intime de nous-même pour laisser Dieu agir en nous.

Car si nous sommes tous attirés par l'amour, qui, en définitive est Dieu lui-même, nous nous fourvoyons trop souvent sur nos façons concrètes d’aimer au point de laisser corrompre cet amour par le péché et de laisser dériver nos intentions louables en actions qui peuvent se révéler mauvaises. Comme le rappel St Jacques dans son épître, le monde, entaché par le péché originel, est corrompu par tant de dérives qui éloigne l’homme de Dieu : Là où il y a jalousie et chicane, il y a désordre et toutes sortes de mauvaises actions. Tandis que la sagesse qui vient d'en haut est tout d'abord pure, puis pacifique, indulgente, bienveillante, pleine de pitié et de bons fruits, sans partialité, sans hypocrisie.

Il ne fait aucun doute que suivre le Christ est difficile, mais, comme Il le dit, seul celui qui perd sa vie à cause de lui et de l'Evangile la sauvera, donnant tout son sens à son existence. Il n'existe pas d'autre voie pour être ses disciples, il n'existe pas d'autre voie pour témoigner de son amour et tendre à la perfection évangélique.

Une amie religieuse, qui a vécu 69 ans de sa vie en Inde, vient de mourir. Elle nous était très chère, nous lui avons rendu visite plusieurs fois et sa joie et son humilité nous a toujours frappés. L’enseignement donné par le Christ me fait penser à Sœur Marie-Noël et au témoignage de si nombreux chrétiens qui avec humilité et dans le silence, consacrent leur vie au service des autres à cause du Seigneur Jésus, œuvrant concrètement comme serviteurs de l'amour et ainsi artisans de paix.

Voilà ce à quoi nous sommes appelés. Alors chers frères et soeurs, changeons nos cœurs et demandons la sagesse qui vient de Dieu : « Seigneur, Donne-moi la Sagesse, assise auprès de toi » (Sg 9,4) pour que je puisse faire ta volonté dans la plus grande humilité.

 

Amen

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