La chaire de Saint Pierre
Alors que nous fêtons aujourd’hui la chaire de Saint Pierre, apôtre, nous voici avec le Christ et ses disciples dans la région de Césarée de Philippe. Nous sommes au nord de la Palestine, tout près du Liban, à 40km de la Mer de Galilée aux pieds du Mt. Hermon. C’est aussi l’emplacement de l’une des plus grandes sources alimentant le Jourdain.
Nous sommes, à cette époque, dans une ville moderne et commerçante, en grand chantier d’expansion et de restauration. Le prince Philippe, fils d’Hérode le Grand, reconstruisait la ville à grands frais. Dans ce grand chantier urbain, l’image de la « Pierre » de construction était omni présente. Celle de fondation encore plus symbolique. Et c’est dans ce lieu cosmopolite, que le Christ interroge ses disciples et va poser la première pierre de son Eglise en la personne l’apôtre Simon-Pierre.
Pour commencer, Jésus questionne ses disciples en se présentant ici comme le « Fils de l’homme ». Expression utilisée 70 fois, exclusivement par le Christ, dans les évangiles, c’était très vraisemblablement une expression type de Jésus quand il parlait de Lui, expression tirée du livre de Daniel où l’on voit un homme qui reçoit de Dieu la royauté universelle. Ainsi, Jésus demande à ses amis ce que pensent « les hommes » à son sujet. Et les réponses sont variées : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. ». Pour les gens de son temps, la figure du Christ appelle nombre d’hypothèses, liées à de fortes figures de l’ancien testament et du nouveau même si l’on retient Jean le Baptiste, mais aucune n’est la bonne.
Les habitants de Césarée voyaient le monde de demain s’élever avec puissance et superbe, au travers de bâtiments en cours d’édification. Mais ils ne voyaient pas le petit groupe des proches de Jésus et cette Eglise naissante. Ceux qui voyait en Jésus un autre « Jean-Baptiste », « Elie », « Jérémie » ou « l’un des prophètes », ne voyaient pas en Lui le Christ, le Fils du Dieu sauveur. Leurs cœurs n’étaient pas prêts. Seule la proximité familière avec le Christ ouvre aux merveilles de sa connaissance et de son amour.
Alors Jésus précise sa question et, en interpelant ses disciples, nous interpelle directement nous aussi : « mais pour vous, qui suis-je ? ». Question posée dans l’agitation d’une ville en construction, et non pas à l’issue d’un long moment de réflexion et de prière, question posée à brule pour point à nous-mêmes, à l’instant, maintenant, dans nos vies souvent trop agitées ou qui se construisent sans Dieu : « mais pour vous, qui suis-je ? ». « Qui suis-je ? Maintenant tout de suite, dans vos vies de chaque jour ? ». A cette question, Jésus attend de notre part une réponse claire et précise. Il a besoin de disciples qui ne doutent pas et qui savent témoigner de leur foi en toutes circonstances, Il a besoin d’hommes et de femmes qui vivent par Lui, avec Lui et en Lui.
La profession de foi qu’il espère de nous est celle qui doit animer tous les jours nos vies, celle qui anime nos actes de chaque jour, celle qui nous fait témoigner de l’amour dont on vit. Et c’est Pierre qui, le premier, fera cette profession de foi : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ! », Réponse qui touche le cœur de Jésus : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas » et qui permettra à Jésus de fonder son Eglise sur Pierre : « Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ».
Toute une symbolique dans cette ville de Césarée-de-Philippe, en ébullition, en devenir ; toute une symbolique qui nous fait assister à la pose de la première pierre de l’Eglise que le Christ est en train d’édifier. Pierre, mû par une inspiration divine, exprime sa foi solide en Jésus, le Fils de Dieu et le Messie promis. En réponse à cette profession de foi limpide, faite par Pierre, mais aussi au nom des autres Apôtres, le Christ révèle à son ami la mission qu’il entend lui confier, autrement dit celle d’être la « pierre », le « rocher », le fondement visible sur lequel est construit tout l’édifice spirituel de l’Église.
Le nouveau nom que Simon reçoit de Jésus résume sa vocation et sa mission d’apôtre. Il dit aussi que sa mission est fondée sur sa relation au Christ, depuis le jour de sa rencontre lorsque son frère André est venu le chercher sur les bords du lac (Mat 4,18), en passant par ses doutes lorsqu’il rejoint Jésus marchant sur la mer (Mat 14,30), par son reniement lors de la Passion (Mc 14,68), jusqu’à la plage où le Ressuscité lui a fait faire l’expérience de son amour tendre et miséricordieux : « Pierre m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21,17).
Pierre a une place toute particulière auprès du Christ. Les synoptiques tendent à faire de lui le premier appelé (Mat 4,18-22), Il est en tête des listes d’apôtres ou du groupe des trois privilégiés avec Jacques et Jean (Mat 10,2), C’est dans sa maison que Jésus habite à Capharnaüm (Mc 1,29), C’est Pierre qui parle au nom des autres, comme nous venons de l’entendre aujourd’hui (Mat 16,16). Le message de la résurrection confié par les anges aux saintes femmes (Mc 16,7) comporte la mention spéciale de Pierre ; Jean le laisse entrer le premier dans le tombeau (Jn 20,1-10). Enfin et surtout, Jésus apparaît en premier à Pierre avant de se manifester aux douze (Lc 24,34). Partout dans le nouveau testament est mis en évidence la prééminence de Pierre.
Ainsi, la profession de foi qui a retenti pour la première fois à Césarée a permis de fonder l’Eglise sur un homme avec toutes ses limites mais au cœur entièrement donné à Dieu. D’un patron de pêche d’un petit village de Galilée, Jésus a fait le pasteur de son Eglise avec pour dernière invitation « Suis-moi » (Jn 21,19)
La fête d’aujourd’hui place au premier plan le rôle de Pierre et de ses successeurs lorsqu’ils guident la barque de l’Eglise sur l’océan trop souvent houleux de notre monde et Dieu sait que la tempête est forte !
Dans l’épitre que nous venons d’entendre, Pierre exhorte « les anciens en fonction » à être « les pasteurs du troupeau de Dieu qui se trouve chez eux ; à veiller sur lui, … par dévouement ; non pas en commandant en maîtres …, mais en devenant les modèles du troupeau. ». Et nous en avons besoins encore aujourd’hui de ces saints hommes pour nous guider.
A la suite de Pierre une multitude de prêtres et, parmi eux, des Evêques, et des Papes ont été appelés à gouverner l’Eglise et à paitre le troupeau. Et ils en ont traversé des tempêtes, des tourments, des persécutions pour certains même jusqu’au martyr. Malgré tout, ils ont été et sont pour nous le roc sur lequel nous pouvons appuyer notre foi, le rocher sur lequel le Christ a agrégé les pierres vivantes que nous sommes pour former le Temple saint de son Eglise. C’est grâce à eux que nous sommes aujourd’hui, ici réunis.
Alors rendons grâce pour le témoignage fidèle de Pierre et de ses successeurs et prions, chers frères et sœurs, prions avec force pour nos pasteurs pour qu’ils soient habité par l’Esprit, pour qu’ils nous confirment et nous confortent dans notre marche sur les chemins de la foi. Prions aussi pour que leur fidélité à l’enseignement du Christ soit pour nous un exemple et qu’elle nous stimule ; qu’ils ne manquent jamais de la force dont ils ont besoin quand vient l’heure du témoignage. Prions pour que nous ayons de bons et saints prêtres et pasteurs et que nous sachions aussi les soutenir par notre présence aimante à leurs côtés.
Amen.
Diacre Jean-Marie Blondel