Rameaux 2022

Vous êtes suffisamment familiers des 4 récits de la passion donnés dans les Evangiles pour savoir que chaque évangéliste présente le même événement selon des points de vue théologiques différents, qui, d’ailleurs,  se complètent.

         Un des « fils rouges » de St Luc est que la Croix est l’avènement du Royaume de Dieu dont nous attendons «  la bienheureuse espérance, l’avènement final et glorieux de Jésus Christ notre Sauveur » comme on dit à la messe après le « Notre Père ».

 

         Ecoutons Jésus dans St Luc aux chapitres 22 et 23 :

 

1 - « Quand l’heure fut venue, Jésus prit place à table, et les Apôtres avec lui.

Il leur dit : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu. » Alors, ayant reçu une coupe et rendu grâce, il dit : « Prenez ceci et partagez entre vous. Car je vous le déclare : désormais, jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. »Et pour la coupe, après le repas, il fit de même, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. » Nous sommes donc à la Cène et l’institution de l’Eucharistie est placée dans l’optique du Royaume de Dieu qui va venir. C’est le repas messianique du Royaume qui sera célébré après la Résurrection : il faudrait lire ici le récit des pèlerins d’Emmaüs au chapitre 24. C’est le dernier repas de Jésus avec les siens avant l’arrivée du Royaume… le suivant – Emmaüs et les repas durant les 40 Jours de Pâques à Ascension seront des repas eucharistiques « dans le Royaume advenu. » Pour nous, jusqu’à la venue définitive du Royaume, chaque eucharistie anticipe pour nous ce repas.

 

2 - « Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi. Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. » A ceux à qui il vient de donner le Pain rompu et la Coupe, Jésus parle du Royaume dans lequel ils siègeront comme juges ! En attendant, ils doivent se faire serviteurs les uns des autres.

 

3 – Ce royaume n’est pourtant pas totalement pour maintenant : Pierre est confirmé dans sa charge du nouveau peuple de Dieu qu’est l’Eglise : après son épreuve de reniement : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. ».

 

4 – A propos de Judas, Jésus déclare : « Car, je vous le déclare : il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les impies. De fait, ce qui me concerne va trouver son accomplissement. » Dans l’évènement injuste qui va se dérouler, Jésus mène à son accomplissement ce qu’il est venu faire, instaurer le Royaume.

 

5 – Devant le sanhédrin, Jésus est sommé de s’expliquer : « Ils lui dirent : « Si tu es le Christ, dis-le nous. » Il leur répondit : « Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si j’interroge, vous ne répondrez pas. Mais désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la Puissance de Dieu. »Tous lui dirent alors : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » Il leur répondit : « Vous dites vous-mêmes que je le suis. » Jésus déclare donc que dans sa passion va s’accomplir l’oracle du prophète Daniel : la venue sur les nuée du Fils de l’homme qu’il est ; à la droite de Dieu, il partage la royauté divine : voici ce que dit Daniel « je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » Il s’agit bien de Royaume de Dieu !

 

6 – « Il se retourna et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Voici venir des jours où l’on dira : “Heureuses les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui n’ont pas allaité !” Alors on dira aux montagnes : “Tombez sur nous”, et aux collines : “Cachez-nous.” Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? » L’arbre vert, c’est lui. L’arbre sec, c’est Israël. Et Jésus évoque là la chute de Jérusalem qu’il a toujours associée à la venue du Royaume. Avec compassion, elle évoque ce terrible événement qui aura lieu en 70.

 

7 – Sur la Croix : « Mais l’autre (larron) lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « JÉSUS, SOUVIENS-TOI DE MOI QUAND TU VIENDRAS DANS TON ROYAUME. » Jésus lui déclara : « AMEN, JE TE LE DIS : AUJOURD’HUI, AVEC MOI, TU SERAS DANS LE PARADIS. » Le paradis, c’est le Royaume nouveau… l’Eden retrouvé : Et c’est aujourd’hui !   

Belle inclusion avec Gn 2/8… Dieu plaça l’homme dans le jardin d’Eden… et Gn 3/23-24 :  « Alors le Seigneur Dieu le renvoya du jardin d’Éden, … Il expulsa l’homme, et il posta, à l’orient du jardin d’Éden, les Kéroubim, armés d’un glaive fulgurant, pour garder l’accès de l’arbre de vie. »

 

         Evoquons rapidement deux autres fils rouges : la Croix est l’événement où se montre avec le plus d’éclat l’amour fou de Dieu pour les hommes : alors que Jésus subit une violence inouïe, injuste, cruelle comme on en voit resurgir dans nos jours récents, la seule réponse qu’il donne, c’est une prière : « Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus… Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » et une demande de pardon au Père. St Paul le maître de St Luc a magnifiquement montré cela dans la 1^ère épitre aux Corinthiens chapitre 2 et 3.

 

… Et La croix où Jésus meurt montre la mort de la mort,  mort qui devient une remise paisible de soi à Dieu. « Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira. ». Jésus se remet entre les mains du Père, il passe au Père… comme autrefois Moïse passa à Dieu en mourant « sur la bouche de Dieu » comme dit le texte biblique, dans un baiser donc… baiser qui fut le premier geste de Dieu pour l’homme à la genèse (2/7) : « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla… le souffle de vie. » dont l’homme garde sans fin la nostalgie comme l’exprime l’épouse du Cantique des Cantiques - l’humanité :

« Qu’il me donne les baisers de sa bouche ! »

 

Amen.