24ème dimanche C
Voilà un évangile copieux ! Riche de trois petites histoires que nous connaissons bien et qui se concluent toutes dans un même esprit : la joie ! Les paraboles de la brebis perdue et de la pièce d’argent perdue ont la même conclusion : « Réjouissez-vous avec moi, » et un peu plus loin : « Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. ». La dernière histoire, celle du fils prodigue, fils perdu, se conclue en expliquant au fils qui est resté près de son Père qu’« il fallait festoyer et se réjouir », car son « frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! ». « Perdu » figure 5 fois dans cet évangile, « retrouvé » 6 fois. Et chacune des retrouvailles est source de joie au ciel mais aussi sur terre. Vraiment, ces trois paraboles nous invitent à la joie des retrouvailles ! Retrouvailles entre Dieu et nous, retrouvailles aussi avec des êtres chers qui se sont éloignés de nous, retrouvailles avec des frères qui reviennent dans nos églises…
Et si elles étaient adressées aux scribes et aux pharisiens qui récriminaient contre Jésus, elles s’adressent à nous tous, lorsque nous étouffons précisément notre joie… Lorsque nous pestons, nous bougonnons, nous boudons, nous murmurons, nous ronchonnons, nous grommelons. J’imagine que cela vous arrive… (Comme cela m’arrive trop souvent d’ailleurs…)
Alors revenons sur ces trois paraboles pour qu’elles nous ouvrent à la joie permanente dans nos cœurs, quels que soient notre histoire et nos erreurs. Nos vies sont pavées d’histoires qui nous éloignent et nous rapprochent de Dieu et Dieu attend patiemment de nous retrouver pour nous porter sur ses épaules, tout joyeux, pour nous étreindre dans ses bras, comme le Fils prodigue…
Tout d’abord, revenons sur la brebis égarée et la pièce perdue. Elles ont toutes deux une signification similaire. Elles concernent un bien de valeur qui est perdu. La brebis pour le berger ; même s’il a 100 brebis, à ses yeux toutes sont précieuses et il ne peut envisager d’en perdre une seule. La pièce de monnaie pour la femme. Pièce d’une valeur significative : une journée de salaire d’après ce que j’ai lu en préparant cette homélie.
Et à propos de cette brebis et de cette pièce, Saint Jean Chrysostome s’interroge : « Comment peut-on s’égarer de Dieu qui est partout ? » (Saint Jean Chrysostome : Homélie XI sur l’épître aux Philippiens, 5). Dieu qui est partout mais qui est étouffé par toutes les tentations qui nous font croire en un monde meilleur. Oui, même si Dieu est partout, Il est si facile de se laisser embarquer sur des chemins scabreux qui ne conduisent nulle part et nous éloigne de Lui… Est-il nécessaire d’en faire la liste ? Pourtant, Il est là en permanence à nos côtés, nous disant son amour que nous n’entendons nous, nous cherchant sans relâche pour nous ramener à Lui. « Où vas-tu, malheureux, qui fuis la vie et le salut ? » poursuit Jean Chrysostome « Si tu t’en vas loin de Dieu, où trouveras-tu un refuge ? Si tu fuis la lumière, comment pourras-tu voir ? Si tu fuis la vie, comment pourras-tu vivre ? Dans cette fuite insensée, c’est la perte de tous les biens qui t’attend, c’est la fatigue, la faim, la fièvre, le danger des ennemis ». Et nous retrouvons ici l’histoire du fils prodigue « qui commença à se trouver dans la misère. ». Nous retrouvons peut-être aussi ici certaines de nos histoires… Mais Dieu est un insatiable chercheur d’homme, chercheur de la brebis perdue, qu’il est si content de retrouver, qu’il la ramène, la portant dans ses bras miséricordieux, jusque dans l’étable de sa maison où règnent amour et vérité. Frères et sœurs, sachons, dans nos moments de découragement, de doute, de difficultés spirituelles, de révolte, nous rappeler que notre Dieu d’amour est toujours à nos côtés, qu’il nous aime et nous aimera toujours. « Cherchez-moi parce que je vous cherche nous dit Jésus aujourd’hui ».
Et si des doutes subsistent dans nos esprits quant à cette patience de Dieu, quant à sa passion amoureuse pour chacun de nous, quant à son éternelle miséricorde, l’histoire du fils prodigue ne devrait-elle pas nous établir dans une confiance permanente en cette fidélité de Dieu envers chacun de nous ? Ce qui me touche beaucoup dans cette parabole c’est le récit des retrouvailles : « Comme il était encore loin, » nous dit l’évangéliste, « son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; « il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers ». Cet épisode du récit suscite une remarque : le Père était en attente permanente du retour du fils, comme guettant jour et nuit son retour. Il pose aussi une question : « Comment le Père a-t-il pu reconnaitre son fils de si loin ? ». Le fils devait être en guenilles, sale, hirsute, méconnaissable et en plus « il était encore loin… ». Et ces deux points viennent démontrer, à ceux qui en douteraient encore, combien Dieu attend avec une patience infinie et un amour sans limite que ceux qui se sont éloignés de Lui reviennent dans ses bras… Compassion, Miséricorde, Amour infini de Dieu pour chacun de nous…
Dieu vient au-devant de celui qui, dans le secret de sa conscience, redécouvre tout son amour. Alors, même quand nous sommes encore loin sur ce chemin du retour, il nous voit et il accourt, de peur que des obstacles ne se dressent entre nous et Lui. Notre Père vient au-devant de nous ; sa clémence apparaît dans cet embrassement qu’il donne au fils. Il se penche vers nous afin de relever celui qui était écrasé par son péché. « Le Christ se penche vers vous afin de débarrasser vos épaules du joug de la servitude. » (Saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 230).
Et ce retour vers Dieu ne peut que nous ouvrir les yeux sur nos pauvres limites et nous remettre sur le chemin de la sainteté : « Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. ». C’est le premier aveu qu’attend le Créateur de toutes choses, le dispensateur de la miséricorde, le juge de nos fautes. Cet aveu est nécessaire ; bien que Dieu connaisse tout, il attend de notre bouche l’aveu de notre faute qui restaurera notre humanité à l’image de Dieu. « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense » Psaume 50.
Frères et sœurs, l’aveux des fautes du Prodigue lui a ouvert les portes du festin messianique. L’aveux de nos fautes au travers du sacrement de la Réconciliation nous aussi réinstalle à la table du festin. Sachons donc reconnaître nos erreurs et confions-les au Seigneur. Le sacrement de la réconciliation nous est donné à cet effet. Il est le signe de l´amour infini de ce Dieu qui se précipite pour nous embrasser. N’oublions jamais que le pardon de Dieu est toujours possible, si nous faisons une démarche vraiment sincère : « Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. ». En se reconnaissant pécheur, nous croyons que l´Amour infini de Dieu est toujours le plus fort. En reconnaissant nos péchés, nous nous abandonnons à la miséricorde de Dieu alors, la vraie joie, celle des anges et des enfants de Dieu peut habiter nos cœurs.
Amen
Jean-Marie Blondel