30ème dimanche A

Nous connaissons bien cette réponse de Jésus qui lie deux versets de l’Ancien testament : « « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. ». L’originalité de la réponse de Jésus est de lier – parce que semblables – l’amour de Dieu, l’amour du prochain et l’amour de soi. 

 

Jésus lie donc l’amour de Dieu, l’amour du prochain et l’amour de soi et comme dit St Bernard, en parlant ainsi, Jésus unifie et ordonne notre amour. » L’amour se réalise vis à vis de 3 personnes : Dieu, le prochain et soi-même et selon un ordre:/ Dieu en premier, le prochain ensuite selon/ à la mesure l’amour de soi. 

L’amour vis à vis de Dieu : il doit nous mobiliser tout entier « cœur, âme et esprit » mobilisant notre intelligence et notre attitude spirituelle, partant du cœur de nous-mêmes. Et cela est premier ! Cela n’est pas si simple... 

Saint Bernard – grand maître en la matière ! - distingue quatre degrés de l'amour. 

Le premier degré est l'amour de soi pour soi. 

Pas difficile ! C’est l’amour naturel qui est déjà participation à l’amour parfait de Dieu, participation minimale... Cet amour égoïste est nécessaire : il est le point de départ d'une élévation vers Dieu. Il est travaillé de l'intérieur pour le mener à l'accomplissement de l'amour. L'amour est encore intéressé, mais il s'ouvre à un autre que lui-même. 

Il ne s’agit pas, bien sûr, de l’idolâtrie de soi ! ... Si fréquente : je suis au centre de tout, je fais tourner tout autour de moi ... sans m’en rendre compte ! Mais l’idolâtrie de soi peut revêtir une autre forme : la détestation de soi qui est orgueil à l’envers. Comme l’écrit Bernanos, « Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même comme n'importe lequel des membres souffrants du corps de Jésus Christ ». 

Eh bien ! Pour progresser dans l’amour, le deuxième degré en effet, est de découvrir l'amour de Dieu pour soi : autrement dit, sa miséricorde pour moi ! Si je m’aime, je m’aime comme un membre du corps de Jésus Christ, pardonné de ses péchés, aimé par Dieu dans ses limites, comme je suis... ! ... « je me glorifierai disait St Paul, dans mes faiblesses, car c’est quand je suis faible, - justement -, que je suis fort de l’amour et de la grâce de Dieu. » 

Le troisième degré est l'amour de Dieu pour Dieu : non plus pour ce qu’il m’apporte, mais pour ce qu’il est ! La liturgie nous donne un modèle de cet amour gratuit pour Dieu : c’est le gloria... « Gloire à Dieu au plus haut des cieux. Nous te 

louons, nous te bénissons, nous t'adorons, nous te glorifions, nous te rendons grâce pour ton immense gloire »... c’est-à-dire « parce que tu existes, parce que Tu es Dieu, parce que tu existes et que nous pouvons te contempler et te louer ». L’amour de Dieu seulement parce qu’il existe et que c’est merveilleux que je le sache... avant même que j’en bénéficie. C’est l’amour désintéressé pour Dieu, plus profond encore que mon amour d’action de grâces pour tous les bienfaits reçus. 

Le quatrième et dernier degré est l'amour de soi pour Dieu. Je me sais aimé et choisi par Dieu dès avant la création comme dit St Paul, j’ai éprouvé l’amour de Dieu pour moi... il m’a créé, il m’a sauvé, il veille sur moi, il se fait connaître à moi, je lui ressemble en vivant selon l’Evangile : parvenu à ce sommet de l'amour, l'homme est déifié. La pureté suprême de l'amour est de s'aimer soi-même comme parfaitement ressemblant à Dieu révélé dans le Christ, autrement dit d'aimer pleinement et uniquement Dieu qui est présent en moi-même et qui m’a saisi en Lui.