Dans l’Evangile selon Matthieu, c'est le début du premier discours de Jésus. Les Béatitudes sont donc un commencement. Un commencement au même titre que d’autres commencements dans la Bible… la création… où chaque jour, Dieu vit que cela est bon, très bon… Naissance du monde ! les 10 Paroles de Vie au Sinaï, une autre montagne. … Naissance du peuple de Dieu.
Sur la montagne de Galilée, il s’agit aussi d’une naissance, le Nouveau Peuple de Dieu, continuité de l’Ancien mais aussi Nouveauté absolue. : le Christ est au centre, comme celui qui enseigne – Moïse recevait la loi de Dieu – le Christ est au centre comme le modèle – qui a mieux vécu selon les Béatitudes que lui-même – Le Christ est au centre qui donne l’Esprit Saint.
Ce commencement du Nouveau Peuple de Dieu est une joie inouïe. Le mot ''heureux'' revient neuf fois… 9 béatitudes… et une 10ème encore plus joyeuse avec deux injonctions « Réjouissez Vous ! Soyez dans l’allégresse ».
Et pourtant quel paradoxe ! Ceux et celles que Jésus déclare heureux, ne se croyaient sans doute pas tels ! Mais Jésus leur déclare qu’en cela, il va les rendre heureux. Car la fin du texte devient tout à coup direct: ''Heureux êtes-vous lorsque…'' alors qu'avant, Jésus paraissait s'adresser d’une manière plus générale… là il se tourne vers ses disciples et la foule qui l’entoure.
Attachons-nous à la première béatitude : Heureux les pauvres en esprit, le Royaume des cieux EST à eux. Chaque béatitude énonce un état spirituel de l’homme (pauvre, doux, miséricordieux, pacifique, pur, passionné de la sainteté (justice= être juste), supportant l’épreuve) puis comme une récompense conséquente : toutes au futur… « seront consolés, hériteront le terre, seront rassasiés »… sauf pour la première, où le Royaume est à ceux qui sont pauvres en esprit.
C’est comme si la première béatitude ouvrait le royaume… un royaume d’aujourd’hui et d’avenir où nous serons consolés, rassasiés…où nous devenons fils de Dieu, pardonnés…
Heureux ?
Selon les traducteurs, le mot hébreu peut signifier : « bienheureux, béni, magnifique, enviable, prospère. » Mais le mot grec Makarios traduit un mot hébreu qui exprime « l'idée de marche, de mouvement », exprimant la notion de dynamisme. Chouraqui le traduit par en marche : il ne s'agit pas d'un état de béatitude passif, mais d'un état de béatitude actif, d'une marche en avant, d'un bonheur... actif ! Une action qui, si nous écoutons la fin de la phrase, peut nous amener à entrer dans le royaume des cieux, tout de suite ! « Il est à eux », dit il, au présent.
Etre pauvre ? Dans la langue hébraïque, le mot qui désigne les pauvres est « 'anawim ». Il évoque ceux qui sont « courbés, prostrés, opprimés ».C’est devenu dans les derniers siècles avant Jésus Christ, dans le peuple d’Israël, une spiritualité, une attitude spirituelle, une manière de se tenir devant Dieu : cela signifie tout simplement accepter d'être totalement dépendants de Dieu. Savoir comme dit Jésus qu’ « une seule chose me manque », suivre le Christ jusqu’à être persécuté pour lui.
Ces pauvres en esprit sont humbles, savent compatir (ceux qui pleurent) sont doux, artisans de paix, purs, miséricordieux, assoiffés de sainteté… plus exactement, joyeux dans leur humilité, dans la douceur, dans la paix, dans l’épreuve de la persécution, dans le pardon…
Ces pauvres en esprit, connaissent leur faiblesse, leur fragilité, ils se savent souvent incapables de résister au mal, c’est l’attitude décrite par Paul, un homme intellectuellement puissant, qui écrivait : « C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. » (2 Co 12/9-10) Mais encore en 2Co. 5/15 : « Jésus est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux ». Ces avis de Paul éclaire notre compréhension : le pauvre en esprit, c’est celui qui sait ses faiblesses et ses manquements mais qui sait surtout qu’il ne veut plus vivre pour lui-même mais pour le Christ mort pour lui… qui sait que dans l’acception de ses faiblesses se trouve sa force.
Sa force ? Cette phrase de St Paul nous donne sans doute la clé de « pauvre en esprit » que l’on pourrait traduire - ne l’appelle-t-on pas « Père des Pauvres » (pater pauperum) dans la séquence de la Pentecôte ?- pauvre selon/par l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas d’être timide, servile, écrasé, faible, ni de se tenir à l’écart, ni de ne jamais se faire remarquer. Être "pauvre en esprit" ne consiste pas non plus à se minimiser ou à écraser sa personnalité.
« Les Pauvres en Esprit » sont ceux qui sentent que l'Esprit Divin leur manque » ! qui ne veulent pas prendre appui sur eux-mêmes mais qui rebondissent – heureux - dans leur manque et leur petitesse, vers le Christ dans la joie de l’Esprit Saint.