Exode 3ème temps
Vendredi 26 février 2021
Prière
Psaume 56
« Mon cœur est prêt, mon Dieu
Mon cœur est prêt !
Je veux te chanter, jouer des hymnes !
Eveille-toi ma Gloire !
Eveillez-vous harpes, cithares
que j’éveille l’aurore !
Je te rendrai grâce Seigneur parmi les peuples et jouerai mes hymnes en tout pays.
Ton amour Seigneur est plus grand que les cieux
Et ta Vérité plus haute que les nues.
Gloire au Père et au Fils … »
Temps de silence.
Lecture attentive du texte. Exode 2, 23 à 3, 15
Lecture du commentaire.
Moïse est au désert, en fuite ! L’altercation avec l’Egyptien qui battait un juif a mal fini: Moïse, passionné de justice, a tué l’Egyptien et, apprenant le lendemain que le fait était connu, il s’est enfui.
Il s’est marié avec la fille d’un bédouin, Jéthro appelé aussi Réuel.
Et maintenant qu’il a été buriné, laminé, vidé, vidé de lui-même par le silence brûlant du désert, il mène la vie calme et retirée du berger du désert qui se déplace lentement au gré des besoins du troupeau. Il est revenu au réel : une épouse, des troupeaux, une vie de bédouin. Moïse est devenu « le humble des hommes » dit le livre des Nombres (12/3)
C’est dans cette tranquillité dépouillante et silencieuse que Dieu va le rejoindre, au Buisson.
2/23-25 : Pendant ce temps, l’esclavage des hébreux continue mais un grand changement s’opère : le peuple crie vers son Dieu ! Jusque-là, ils avaient perdu même leur prière !
Et Dieu n’attendait que cet appel : et au nom de l’Alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, il intervint mais notons bien comment il intervient : « Dieu se fit connaître ».(v.25)
3/1-3 : Un berger n’a presque rien à faire et il est seul avec lui-même. Le paysage du désert est monotone et renvoie l’homme à lui-même. Ainsi, le berger médite et s’élève vers les réalités éternelles; il apprivoise sa peur, il apprend à se connaître, à connaître ses démons intérieurs; ainsi, peu à peu, il se purifie et son être s’unifie, tour à tour avec combat ou dans le calme.
Quelle distance avec l’agitation de notre vie, des autres et peut-être de la nôtre ! Agitation, bruit, paroles incessantes, musiques bruyantes, assourdissantes, pensées agitées, imagination galopante... Musique et bruit pour fuir le silence qui fait peur, peur d’être devant Dieu,... face à soi...
Ai-je des temps de silence dans ma vie ? Est-ce que je mets toujours la musique ou la radio, en voiture par exemple, dès que je monte dans mon véhicule ? Quel temps de désert dans ma vie, chaque jour ? Chaque semaine ? On parle du carême comme d’un temps de désert ....!
On vit dans le bruit et dans l’agitation et on est surpris du silence de Dieu. Silence de Dieu ou surdité du disciple ?
Silence de Dieu ou bruit incessant qui couvre sa voix ?
Après la purification du désert, Moïse reçoit la visite de Dieu. Dieu utilise un signe étonnant: un buisson qui brûle sans se consumer.
Remarquons que ce buisson est à l’écart: Moïse doit faire un détour pour aller auprès du buisson. Dieu lui donne un signe, mais librement et cette liberté divine sollicite celle de Moïse: « je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? »
Les signes de Dieu dans notre vie sont parlants...mais discrets; on peut toujours ne pas les voir...ou les voir, sans s’arrêter ni faire un « détour »...
De plus ce buisson est une prophétie: une prophétie de Moïse qui va brûler de l’Esprit d’amour pour son peuple sans être consumé; sa mission sera lourde, elle lui brûlera le cœur mais il n’en sera pas détruit. Tel est l’homme conduit et embrasé par l’Esprit de Dieu !
« Enflamme-nous de Ta lumière
Emplis nos cœurs de ton amour,
Affermis toujours de ta force
La faiblesse de notre corps. »
(Veni Creator)
- v. 4-6 : Et voici la rencontre avec Dieu ! Le Dieu des Pères – Abraham, Isaac et Jacob - qui se souvient de son peuple réduit en esclavage. Les israélites ont crié vers Dieu... ils ont mis du temps mais enfin, ils se sont tournés vers le Dieu des Pères et Dieu n’attendait que cela pour intervenir.
Moïse est envahi de crainte : il entend son nom… car Dieu l’appelle personnellement … Dieu établit toujours une relation personnelle avec chacun. Et Moïse a le réflexe des hommes pieux : il se voile le visage pour éviter de fixer (nabat) sur Dieu son regard.
Dieu lui demande d’enlever ses sandales pour approcher...
Et Dieu se nomme en se liant aux Pères : Il est le Dieu personnel d’Abraham, le Dieu personnel d’Isaac, le Dieu personnel de Jacob ! Un Dieu lié aux hommes qui l’ont reçu.
Et Moïse n’ose même pas regarder le buisson ardent… Dieu est si transcendant qu’on ne peut lever les yeux sur lui car le Dieu Saint se montre dans une réalité insignifiante : un buisson d’épines, même pas de fleurs !... si petit que si Moïse regardait, il verrait Dieu « de haut » !... « nabat » veut dire regarder de haut en bas. Alors Moïse ferme les yeux ! 1ère annonce voilée de l’Incarnation !
- v.7-10 :
Dieu révèle d’abord à Moïse qu’il a entendu la misère de son peuple en Egypte et qu’il a vu (répété deux fois !) son esclavage. Il connaît même les angoisses du peuple.
Et surprise : Dieu vient délivrer le peuple - il est donc la source de la liberté humaine et non son concurrent - et cette délivrance s’accomplira par Moïse ! Dieu libère en suscitant des libérateurs, Dieu sauve en faisant des sauveurs.
Une différence fondamentale entre Abraham et Moïse est à remarquer : « Abraham est le père de la multitude des peuples, Moïse est le maître de ce peuple. En Abraham se préfigure la communion de tous les peuples, en Moïse, au sein de la même communion, se réalise l’irréductible vocation du peuple juif. »André Neher Moïse p. 23 coll. Maîtres spirituels
- v. 11-12 : Moïse est paniqué… de devoir reparaître devant Pharaon… tout cela lui paraît si loin, si étranger à la vie qu’il mène depuis des années. Et puis il n’est plus tout jeune… comme Abraham. Dieu choisit souvent des personnes âgées pour réaliser son œuvre !
Et Dieu répond en donnant un signe double : Je serai avec toi (la présence indéfectible de Dieu pour guider et soutenir Moïse dans sa mission) et, comme toujours, un signe qui ne sera visible que lorsqu’on a obéi : vous servirez Dieu sur cette montagne. Le buisson ardent est au pied de l’Horeb.
- v. 13-15 : Moïse résiste… et maintenant, il demande à Dieu son Nom !
Adam a nommé toutes choses de la Création et par cet acte capital, il prenait possession en quelque sorte de la création où Dieu le plaçait comme intendant du monde, charge de garder et de cultiver le jardin. Un fils d’Adam peut-il nommer Dieu ? Non ! Ce serait en quelque sorte mettre la main sur Dieu.
Et pourtant Dieu ne renvoie pas Moïse. Il lui répond, il lui donne un Nom qui peut être compris comme « tu ne peux pas savoir » !- « Je suis qui je suis », que t’importe !
Cela peut aussi être lu de multiples façons : Je suis qui je suis, J’étais qui j’étais, Je serai qui je serai… mais aussi je suis qui j’étais, je serai qui je suis, je serai ce que j’étais… Une manière de dire : Je Suis l’Eternel.
Un Nom - « je suis ce que je serai » qui se révélera au fur et à mesure que Moïse marchera devant Dieu comme un fidèle serviteur ! ...
Mais c’est tout de même une révélation extraordinaire: Dieu donne prise à l’homme en révélant qu’il EST.... et c’est pourquoi ce Nom ne sera jamais prononcé à voix haute, sauf par le Grand Prêtre, une fois par an lors de la fête du Kippour.
Comme homme, nous savons que nous avons un commencement et une fin. Notre existence se déroule dans le temps. Nous ne possédons pas la vie, nous la recevons de Dieu par nos parents.
Dieu se révèle à Moïse au buisson ardent comme Celui qui n’a pas de commencement, comme Celui qui n’a pas de fin. Il n’est pas dans le temps. IL EST dans un présent éternel.
Dieu se révèle comme Celui qui EST : Il possède sa vie, Il ne la reçoit de personne, Il est l’auteur de lui-même, de son existence. Il fait exister tous les autres êtres
Moïse au buisson ardent, fresque de la synagogue de Doura Europos, IIIème siècle
Tel est donc Celui qui sera toujours à Moïse.
Moïse est l’homme du premier commandement : il est l’homme que Dieu désigne, recherche, empoigne. Je suis Ton Dieu, je serai avec toi.
Il est « l’homme dont la personne est éternellement seconde et interpelée, qui n’est jamais seule en son moi, dont la solitude ne peut être qu’illusion et mirage et qui tôt ou tard, dans le baiser ou la blessure, rencontre son Interlocuteur divin » (Neher p. 22)
Mais en plus, Moïse a compris ce tutoiement divin comme le mystère d’Israël, non comme un appel lancé seulement à une personne individuelle ni comme un appel adressé à l’humanité entière, mais comme la Parole dite une fois pour toutes au peuple juif, peuple dont l’évasion devient désormais impossible. « Dieu est sur ta route, il est ton chemin, ton époux, ton père, ton juge… Caché ou révélé, il t’accompagne et lorsque tu crois lui échapper, c’est vers Lui que tu te diriges. Dans l’altérité absolue de ton existence, tu es celui dont l’être est à Moi. »(Neher p. 22)
Acculé, Moïse tente un dernier argument : il faut aller au chapitre 4/10 pour entendre Moïse dire à Dieu : « mais je ne suis pas un homme de discours »… ce qui étonne car Etienne dit en 7/22 : « Moïse était puissant en paroles et en œuvres». Peut-être, faut-il comprendre ainsi chez Etienne : instruit de toute la sagesse des Egyptiens, Moïse savait parler.
Mais son expérience l’avait convaincu de l’inutilité de l’éloquence humaine pour convaincre ses frères… ou pharaon ! Dans le désert, Moïse s’était réfugié dans le silence… au point de devenir « lourd de bouche » comme il dit en 4/10 (kevad peh, bègue)
Mais Dieu lui répond en 4/12 : « Maintenant va (comme en 3/10-12), je serai avec ta bouche et je t’inspirerai ce que tu vas dire. »
Non seulement je serai avec Toi mais je mettrai mes propres paroles dans ta bouche. Et ta bouche que tu trouves lourde (kaved) sera le lieu où je manifesterai ma gloire (kavod) en y déposant ma parole (Torah).
« C’est très bien que tu ne veuilles pas parler de toi-même, cela me permet de mettre mes propres paroles, mon enseignement dans ta bouche. »
A rapprocher de Jésus qui déclare : « Car je n'ai point parlé de moi-même; mais le Père, qui m'a envoyé, m'a prescrit lui-même ce que je dois dire et annoncer. » Jn 12/49 « Car je leur ai donné les paroles que tu m'as données; et ils les ont reçues, et ils ont vraiment connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m'as envoyé. » Jn 17/8
Voilà donc le sens de « bouche à bouche » de Nb 12/8. Dieu recherche la pauvreté et le silence de l’homme, ce vide intérieur de l’homme dans lequel il peut descendre, habiter et à partir de là, rayonner de sa présence et de sa Parole. Il a trouvé cette grande humilité en Moïse.
ENTRER DANS LE SILENCE.
« Entre dans le mystère du silence. Le but de ta vie n’est pas de te taire mais d’aimer tes frères et sœurs, de te connaître toi-même et d’accueillir ton Dieu. Tu as besoin d’apprendre à écouter, à rentrer au plus profond et à t’élever au-dessus de toi.
Le silence te convie à tout cela.
Recherche-le donc avec amour et vigilance.
Méfie-toi pourtant du faux silence : ton silence ne doit être ni taciturne, ni renfrogné, ni disciplinaire, ni systématique, ni raide, ni endormi.
Le vrai silence ouvre à la paix, à l’adoration, à l’amour.
Vis ton silence, ne le subis pas. Tu ne l’aimeras que si tu en sais la valeur et le prix. Nulle théorie ne saurait t’en convaincre. Mais quand tu l’auras goûté, tu ne pourras plus t’en passer.
Prie donc pour demander la grâce du vrai silence dont Marie a le secret, elle qui conservait fidèlement tous ses souvenirs et les méditait en son cœur. Si tu aimes la vérité, sois amant du silence. A l’instar du soleil, celui-ci fera que tu seras illuminé en Dieu. Il te libérera des fausses connaissances et à Dieu lui-même t’ouvrira le silence » (St Isaac de Ninive) »
(Livre de vie de Jérusalem p. 41-42)
TOI LE BUISSON QUE VIT MOÏSE ET QUI NE SE CONSUMAIT PAS
NOUS TE CHANTONS MARIE MERE DE DIEU : LE VERBE ETERNEL BRÛLE EN TOI COMME UN FEU.
1 - C’est la Sagesse divine qui délivra le peuple saint d’une nation d’oppresseurs.
2 - Elle entra dans l’âme de Moïse, serviteur du Seigneur qui tint tête à Pharaon par des prodiges et des signes.
(D’après Sagesse 10/15-16)
Moïse au buisson ardent, Chagall, XXème, Nice