St Pierre et St Paul
Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un de nos saints patrons du jour : St Paul. Nous connaissons bien sa vie, au mois près. Et le suivre dans son itinéraire est bien fascinant.
Il est né dans une famille juive de Cilicie, à Tarse, autour de l’an 10 de notre ère. Dans sa famille, on parlait l’araméen, le grec et sans doute comme citoyens romains, le latin qui commençait son essor à l’époque.
Paul est un citadin. Tarse, sa vile, est alors une grande ville universitaire de presque 300 000 habitants. Elle était le centre de la philosophie stoïcienne qui marquera la pensée de Paul. Le géographe Strabon écrit : « Les habitants de Tarse sont tellement passionnés par la philosophie, ils ont l’esprit si encyclopédique que leur cité a fini par éclipser Athênes, ... »[1] Le poète Aratos – de philosophie stoïcienne - que Paul citera à l’aréopage d’Athènes était de Tarse.
Paul est d’une famille d’import/export dans les draps de cilice recherchés pour les voiles de bateaux et spécialité de la région. C’est une famille où on voyage énormément dans tout le bassin méditerranéen, à partir du port tout proche de la cité. La famille juive de Paul travaillait dans le drap : peut-être dans la fabrication mais sûrement dans le commerce tout autour de la méditerranée : « c’était une entreprise familiale à succursales multiples, dirigée chacune par un frère ou un cousin… Entre elles, circulaient des marchands itinérants et des convoyeurs maritimes. »[2] Paul lui-même tissait et transportait avec lui son métier à tisser avec lequel il gagnait sa vie pour ne pas être à charge des communautés. Son métier à tisser faisait partie des bagages avec les rouleaux de la Torah et un grand manteau qu’il oublie souvent à ses étapes !
C’est avec un couple de tisserands itinérants – tiens donc ! - que Paul organisa la mission de l’Evangile : Aquilas et Priscille son épouse. Juifs originaires du Pont (Nord de la Turquie), ils se déplaçaient à Rome ou en Grèce selon la demande, avec leur atelier de tissage. En particulier, ils travaillaient au tissage des grands velums nécessaires aux grands festivals athlétiques panhelléniques pour abriter pèlerins ou spectateurs.
Paul après ses études profanes à l’Université de Tarse, fut envoyé à Jérusalem en 30, par son père, afin d’étudier auprès du grand maître des Ecritures et du Talmud qu’était Gamaliel. Et dans la foulée de ces études et de sa fréquentation des milieux juifs influents à Jérusalem, allant « plus loin dans le judaïsme que la plupart de mes frères de race qui avaient mon âge, et, plus que les autres, défendant avec une ardeur jalouse les traditions de mes pères » comme il dit dans les Galates[3], Paul se met à participer et à organiser la persécution des chrétiens.
C’est comme cela que Jésus Ressuscité l’arrête sur le chemin de Damas en 36, 6 ans donc après la Résurrection du Seigneur et l’année où Ponce Pilate quitte la Judée.
A Damas, dans la communauté chrétienne autour d’Ananie leur prêtre, Saul est baptisé, il reçoit une première catéchèse et célèbre l’eucharistie avec les chrétiens selon le rituel déjà établi. Puis il part « en Arabie » c’est-à-dire autour de Damas capitale des nabatéens. C’est à la fois une retraite – il lui faut digérer le retournement brutal que Jésus a opéré en lui et prendre le temps de réorienter toute sa culture religieuse et païenne autour du mystère du Christ, « revêtir le Christ » comme il dira. Retraite donc et premiers essais de prédication… ce qui lui vaut la persécution du roi : laissons parler Paul : « «A Damas, l'éthnarque du roi Arétas faisait garder la ville pour m'arrêter et c'est par une fenêtre, dans un panier, qu'on me laissa glisser le long de la muraille, et ainsi j’échappai à ses mains. »[4] Paul alors repart à Tarse.
C’est là que Barnabé vient le chercher en 44 ! Dans l’immense ville d’Antioche (la 3ème ville de l’Empire romain, où réside le légat impérial, avec 500 000 habitants), en effet, la communauté chrétienne grandit très vite : deviennent chrétiens des juifs, mais aussi des païens déjà proches du judaïsme et des païens sans lien avec le judaïsme. Tout le monde parle grec. « Il y avait à Antioche écrit Renan, un grand mélange de populations ; la ville était un ramassis inouï de bateleurs, de charlatans, de mimes, de magiciens, de sorciers, de prêtres imposteurs; une ville de course, de jeux, de danses, de processions, de fêtes sans fin, de bacchanales, un luxe effréné, toutes les folies de l’Orient, les superstitions les plus malsaines, le fanatisme de l’orgie. » On a besoin pour instruire les nouveaux chrétiens de quelqu’un qui possède les deux cultures juive et grecque : Paul est l’instrument parfaitement adapté à la mission.
Antioche va devenir la première grande ville d’attache de Paul, la première plaque tournante de son apostolat : il y réside un an puis part avec Barnabé pour son 1er voyage apostolique qui dure du printemps 45 au printemps 49 : il évangélise à Chypre où Saul devient Paul, et dans la Turquie du Sud : Antalia, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres puis Pergé.
Après 6 mois à Antioche, Paul entreprend son second voyage apostolique de l’automne 49 à l’automne 52 : c’est là qu’il passe en Europe en venant évangéliser la Grèce : Philippes, Thessalonique, Bérée, Athênes et Corinthe où il arrive pour l’hiver 50 : Il va y demeurer 18 mois. Luc devient le compagnon de Paul jusqu’à la mort de l’apôtre.
Corinthe, 2ème grande ville de résidence de Paul est « une énorme cité marchande, au double port de transit entre l’Adriatique et la mer Egée. A travers l’isthme, on tirait, d’un port à l’autre, les navires avec leur fret. La population était composée d’un ramassis d’aventuriers et d’esclaves qui avaient submergé les corinthiens d’origine grecque et les colons romains que César y avait Ètablis. La vieille cité grecque du dieu des mers Poséïdon était devenue la cité de la déesse de la prostitution, Aphrodite, dont le temple dominait la ville. Ses mille « prêtresses », dans leurs villas fleuries de roses, au flanc de la colline, attiraient marins, soldats, commerçants, voyageurs oisifs et leur communiquaient, au service de la déesse, « la maladie de Corinthe », tristement célèbre dans tout l’Empire où le terme « fille de corinthienne » était devenu synonyme de prostituée, où le verbe « corinthiser » voilait les dernières turpitudes… Parmi les nouveaux adeptes de la communauté de Corinthe, il y avait des propriétaires et des fonctionnaires… Mais la plupart des convertis de Corinthe faisaient partie de la plèbe malheureuse qui peuplait la cité… Paul connaîtra à Corinthe les jeux « olympiques » qui s’y déroulaient régulièrement et attiraient des athlètes de tout l’Empire[5]. ».
Après un retour à Antioche, Paul repart pour son 3ème voyage apostolique qui va durer 5 ans, du printemps 53 au printemps 58. Là il passe par la terre et revisite les 1ères communautés qu’il a fondées… et cela ne se passe pas si bien que cela… et il arrive à Ephèse l’opulente, la 3ème grande ville de 200 000 habitants où il va résider pendant 2 ans et demi. Paul change de pratique pastorale : il se consacre directement aux païens, s’installe pour prêcher et enseigner en louant des salles dans l’école de rhétorique de Tyrannos. Son équipe est totalement renouvelée et davantage d’origine païenne. Ephèse est la plaque tournante de l’équipe d’évangélisation, toute bourdonnante auprès de lui.
Lors du retour vers Jérusalem, Paul est averti que une arrestation l’attend. Il passe par Milet pour dire au revoir aux Anciens de la communauté sur la plage.
Arrivé à Jérusalem pour le Pentecôte 58, il est arrêté et tenu en captivité à Césarée pendant 2 ans à cause du changement de procurateur et de son appel au tribunal impérial. La communauté chrétienne locale prend soin de lui .
A l’automne 61 il part avec Luc pour Rome aux frais de l’empire, connaît un naufrage à Malte et arrive à Rome accueilli par la communauté : il est en captivité – en résidence surveillée avec beaucoup de libertés – du printemps 61 au printemps 63 : l’affaire se clôt sur un non-lieu. C’est durant ces voyages et ces captivités que Paul a écrit les 13 lettres que nous avons de lui.
A sa libération, d’après St Clément de Rome, Paul est allé en Espagne. De 63 à 66, il retourne en Orient, notamment en Crète… tandis que les chrétiens sont persécutés à Rome par Néron et que Pierre est martyrisé en 64.
De retour en 66 à Rome, Paul est arrêté et décapité en 67 ou 68.
[1] Strabon Géographie XIV,V,13.
[2] MF Baslez l’Eglise à la maison p. 97
[3] 1/14
[4] 2 Corinthiens 11, 32
[5] 1 Co 1/26-29 Jean Colson, Paul apôtre et martyr, p. 93 et ss.