16ème dimanche C
Nous connaissons bien ce texte de l’hospitalité de Jésus par Marthe et Marie. Je voudrais en parler avec vous ce matin et pour enrichir notre méditation, vous en proposer 4 lectures différentes.
La scène se passe à Béthanie où Jésus demeurait quand il était à Jérusalem. On ne le voit jamais rester la nuit à Jérusalem – sauf la dernière avant sa mort – mais chaque soir à la fermeture des portes du Temple et de la ville, Jésus gagne Béthanie chez ses mais et revient à Jérusalem dès le matin.
St Luc ne dit pas que nous sommes à Béthanie. En effet, le plan de son évangile est un plan théologique : après un séjour en Galilée, Luc donne comme plan à son évangile une longue montée de Jésus vers Jérusalem… car un prophète ne peut pas mourir hors de Jérusalem. Nous sommes au chapitre 10 de St Luc : il ne peut pas nous dire « à Béthanie » … nous serions déjà arrivés à Jérusalem.
Nous sommes donc à Béthanie… une scène delà vie quotidienne familiale, un soir : Jésus parle, Marie s’est assis à ses pieds et écoute… Marthe prépare le repas tout en écoutant Jésus comme elle peut ! Puis tout à coup, cette femme réactive, dynamique, maîtresse de maison accomplie, explose : « cela ne te fait rien que Marie me laisse seule à la préparation du repas, dis-lui donc de m’aider ! »
Demande qui nous paraît bien légitime !
La réponse est étonnante : Jésus reproche d’abord à Marthe de « s’agiter et de se mettre en tumulte » pour le repas. C’est un appel à distinguer « agir et s’agiter »… l’action est bonne et légitime, l’agitation non ! S’agiter, se mettre en tumulte, c’est se mettre au centre de son action et se regarder faire.
Puis Jésus ajoute : « tu t’agites pour bien des choses… une seule suffit » : de quoi parle-t-il ? Veut-il dire que Marthe habituellement s’agite pout toute chose ? Veut-il dire qu’elle a prévu trop de choses pour le repas… que pourtant Jésus prendra …
Surtout que certains manuscrits des Evangiles ont une variante de texte : non pas « une seule chose est nécessaire » mais « un seul est nécessaire »… et ce UN Seul serait Jésus lui-même ! Ce qui serait demander à Marthe de le mettre lui Jésus au centre…
Voilà pour la 1ère lecture !
2ème ! St Augustin. St Augustin voit dans les deux femmes les deux étapes de vie différents de notre existence : Marthe représente la vie que nous menons maintenant sur la terre faite d’actions et d’écoute de la Parole de Dieu mêlée, interrompue, imparfaite… Marie, au contraire, anticipe la vie future dans le royaume où nous ne serons qu’écoute de la Parole et contemplation de Dieu. C’est pourquoi cette part de Marie ne peut lui être enlevée !
3ème lecture : Maître Eckhart
Pour lui, Marthe représente la forme de vie parfaite : elle allie l’écoute du Maître Jésus, l’action de service de préparer le repas nécessaire – elle sert ses frères Jésus, Marie et Lazare – et en plus, elle se soucie de la vie spirituelle de sa sœur en demandant au Seigneur que Marie découvre qu’elle aussi doit servir concrètement ses frères !
Enfin une 4ème lecture, Ste Thérèse d’Avila.
La sainte raconte qu’il est un danger pour ses sœurs carmélites, c’est d’oublier que la vie en présence du Seigneur n’est pas qu’oraison. Quand elle en voit certaines « encapuchonnées à l’oraison et prolongeant outre mesure ce temps, elle s’approche, leur tapote l’épaule et leur dit : ma sœur, ne faites pas votre Marie, comme Marthe allez à la cuisine, Dieu est aussi au fond des marmites. »
Amen
Commentaires
Je trouve que ces 4" lectures " proposées ,concernant notre vie "sur la terre comme au ciel" se complètent bien.
Dans les 2 1ères, il y a le risque que l'agitation et le tumulte prennent le pas sur l'action vraie et nous centrent trop sur nous mêmes oubliant le Seul Nécessaire !
Nous sommes moins habitués aux 2 dernières...qui visent Marie en remettant en cause sa paresse et son indifférence à travers Marthe qui n'en peut plus...et l'observation de ste Th d'Avila regardant vivre sa communauté carmélitaine...
Il y a aussi Maître Eckhart qui voit Marthe soucieuse de la pleine avancée spirituelle de sa sœur...et qui demande pour cela la médiation de Jésus.
Toutes ces figures sont bien intéressantes.
Merci Père.B.
Ouf... ça fait du bien d'accueillir ces compléments de lecture. Même si l'Evangile nous fait pressentir ce à quoi nous sommes appelés, la réalité de la vie quotidienne n'en reste pas moins vraie.... En tant que mère de famille, sans le savoir je rejoignais un peu St Augustin et dans cette vie "active" où l'écoute de la Parole de Dieu est interrompue, imparfaite, je me disais que Dieu tiendrait quand même bien compte du désir du coeur !
Merci pour ces compléments libérateurs et rassurants.
Marie-Odile