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18ème dimanche année C

Une fois n’est pas coutume, après tout nous sommes en période de vacances, permettez que je commence mon homélie par une petite histoire drôle.

C’est justement l’histoire de Lévi qui, apprenant que le lendemain il y avait une super somme à gagner au loto national, demande à Dieu d’être l‘heureux gagnant de cette somme pharamineuse. Et pour faire sa demande, il utilise, dans sa prière, une partie du psaume que nous venons de chanter. Ainsi dit-il au Seigneur : « Seigneur, je sais qu’ « à tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit. Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ; dès le matin, c’est une herbe changeante. », alors permets que je gagne au loto demain, c’est si peu de chose pour toi. »

 

Et le Seigneur de lui répondre « Oui Lévi, attends demain » Mais l’échelle du temps de Dieu n’étant pas la nôtre, et la fortune terrestre n’étant pas ce qui séduit le Seigneur, ni ce qui peut nous rendre heureux, Lévi attend toujours son gain… « mille ans sont comme hier… ». Quel est le demain de Dieu ?

L’humour n’est d’ailleurs pas incompatible avec le plan de Dieu et peut-être que le maitre mot de l’enseignement que nous donnent les textes du jour est ce mot : humour : association d’humilité et d’amour… Humour qui doit nous conduire à faire la volonté de Dieu avec humilité, sans se croire arrivés à quoi que ce soit qui puisse nous positionner au-dessus de nos frères, quels que soient nos fortunes et nos talents et avec amour, laissant à notre prochain la première place et le servant avec tous nos charismes donnés par Dieu. N’attendant aucun rapport sur investissement sur cette basse terre (Là, on est loin des considérations financières qui régissent le monde…)

Et les textes décapants qui sont soumis à notre méditation aujourd’hui, doivent nous maintenir dans cette ligne de pensée : savoir nous détacher des possessions qui nous sclérosent, nous libérer des égoïsmes qui nous isolent, pour vivre nos courtes vies libres de toutes contraintes qui nous éloignent de Dieu avec un recul amusé sur toutes ces petits ou grands travers qui veulent nous faire croire plus importants que nous le sommes : « Bienheureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de s’amuser. » … Voilà une pseudo-béatitude que nous devrions prendre pour mode de vie…

Oui, les textes décapants qui nous venons d’entendre, nous appellent à ce détachement nécessaire pour être disponibles à Dieu. Ils s’adressent à la partie de nous-mêmes qui veut tout posséder, et nous attribuer une supériorité que nous ne méritons pas. A toutes ces illusions, ils nous répondent : « Vanité des vanités, tout est vanité. » et viennent contredire nos rêves égoïstes : à quoi nous servirons toutes nos richesses et toutes nos réalisations, alors que demain ou ce soir nous n’y serons plus ?

Les désirs, les espoirs des hommes semblent buter contre un mur. Calculs et réussites, astuces et fatigues, ne sont que néant, car l'homme ne sait rien ni du commencement ni de la fin de l'univers « Toutes les choses que Dieu a faites sont bonnes en leur temps. Dieu a mis toute la durée du temps dans l’esprit de l’homme, mais celui-ci est incapable d’embrasser l’œuvre que Dieu a faite du début jusqu’à la fin. » (Ecclésiaste, III 11). Le travail des hommes semble poursuite de l'inutile.

Et l’Evangile que nous venons d’entendre vient enforcer le clou en nous mettant en présence d’un homme dont le mot d’ordre semble être : « toujours plus ! ». On pourrait d’ailleurs y reconnaître certains slogans politiques ou certains modes de vie qui régissent notre monde contemporain et l’amène nulle part…

Oui, « Toujours plus ! », telle semble être la devise du riche que nous présente l’Évangile de ce dimanche. Ses greniers débordent de grain ? Il en fait construire de plus grands.

Saint Basile disait à ce sujet : « Je vais démolir mes greniers et j'en rebâtirai de plus grands. » Une fois que tu les auras remplis à leur tour, que vas-tu décider ? Les démoliras-tu pour en rebâtir d'autres une fois encore ? Y a-t-il pire folie que de se tourmenter sans fin, construire avec acharnement et vite démolir ? Si tu le veux, tu as pour greniers les maisons des pauvres. « Amasse-toi des trésors dans le ciel » : ce qui est entreposé là, « les vers ne le mangent pas, la rouille ne le ronge pas, les voleurs ne le dérobent pas » (Mt 6,20).    

Amasser et consommer – tout seul voilà qui s’apparente à de l’égoïsme et de l’avarice et voilà ce qui conduit à la folie.  « Tu es fou. » Dit le Seigneur à l’homme riche. Tu es fou de mettre ta sécurité dans des biens matériels, tu es fou d’ignorer que tu es mortel, tu es fou de te croire au-dessus des autres. Parce que tu possèdes des richesses, tu crois posséder ta propre vie : tragique erreur. Car cette nuit même, tu vas mourir et tes greniers feront la joie de tes héritiers. Qohèleth, le vieux sage désabusé, l’avait prédit : « Vanité des vanités, tout est vanité ! » Illusions perdues, à la mode biblique.

« Ce que nous ne pouvons pas emporter avec nous n’est réellement pas à nous. » écrivait Saint Ambroise. Et de poursuivre : « C’est la vertu seule qui peut s’en aller de ce monde avec les défunts, seule la miséricorde peut nous accompagner, elle qui a le pouvoir, en échange d’une vile monnaie, de nous procurer les tabernacles éternels » (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 122).

C’est pourquoi il nous faut vivre en ce monde dans la confiance inébranlable en l‘amour de Dieu qui récompensera au centuple tous les actes de charité que nous aurons posés, sans calcul, au cours de nos vies et jusqu’à notre dernier souffle.

« La vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses. » nous enseigne le Seigneur.  Elle dépend de sa disponibilité à la volonté de Dieu et du détachement avec lequel il traite ses propres richesses.  « Nous ne sommes pas tous appelés à être des ascètes » me direz-vous. Vous avez raison. Chacun a sa propre vocation, mais ce qui est sûr c’est qu’être riche n’empêche pas de suivre Dieu mais peut compliquer la donne si nos richesses deviennent notre seule raison d’être.

Alors dans ce cas, nous devons nous rappeler que l’abondance, la vraie à la laquelle nous sommes toutes et tous appelés est l’abondance de l’amour et de la joie que Dieu nous offre si nous Lui offrons nos vies afin qu’il nous enrichisse de son amour, si nous prenons les bonnes options de vie en accord avec son enseignement, celles qui ont du sens et du poids. Oui, le Christ nous invite à « être riche » … « en vue de Dieu », comme il nous l’enseigne aujourd’hui. Alors, réjouissons-nous de nos richesses, quelles qu’elles soient (nos biens matériels, mais aussi nos talents, nos vertus, nos compétences, etc.), et rapportons-les à Dieu, pour les mettre au service de nos frères. Saint Paul le dit autrement : « Pensez aux réalités d’en haut, car ce sont les seules durables et même éternelles ». Voilà le meilleur investissement que nous puissions faire sur cette terre avec humour (Humilité + Amour) et détachement.    Amen.

 

Jean-Marie Blondel

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