Présentation au Temple

         Tout au long de cette année, nous faisons plus attention à l’action de l’Esprit Saint dans la vie chrétienne : avant la Toussaint nous avons redécouvert que c’est lui l’auteur de notre sainteté… un peu avant Noël, en méditant le mystère de l’incarnation dont il est l’auteur, nous avons découvert aussi qu’il faisait naître en nous le Christ et nous incorporait au Seigneur.

         Aujourd’hui contemplons son action dans le milieu qui entoure Jésus enfant. Dans l’immense empire romain, dont le poids se fait sentir partout et qui mourra par effondrement sous le poids de ses structures, il y a, à Jérusalem, un milieu fervent qui échappe même à l’encadrement pharisien si rigide et si fermé.

 

         Marie et Joseph : ils accomplissent fidèlement le rachat du fils aîné comme le demandait la loi et les relevailles de la maman… et les voilà qui viennent discrètement au temple pour accomplir ce qu’ils auraient pu faire à la synagogue de Bethléem. Sans doute sont –ils fidèles à une inspiration de l’Esprit …qui le pousse à faire ce déplacement.

         Syméon : il vit un dialogue intime avec Dieu : en effet, il a exprimé à Dieu son désir de voir le Messie avant de mourir et l’Esprit lui a révélé que Dieu le lui ferait voir. Et voilà que poussé par l’Esprit, il vient au Temple à un moment où il n’avait pas l’habitude de le faire… L’Esprit conduit sa vie et son âme est assez délicate et attentive pour déceler les inspirations intérieures de l’Esprit saint.

         Et voilà qu’ils rencontrent Marie Joseph et leur enfant : et aussitôt le voilà qui fait un magnifique acte de Foi en reconnaissant le messie dans ce petit bébé de 40 jours ! « En tenant le bébé il dit : « J’ai VU ton salut » Et cette rencontre le comble de joie, il en exulte à haute voix sous l’inspiration de l’Esprit qui lui fait aussi confesser que ce bébé est « lumière des nations et gloire de son peuple Israël ».

         Et le voilà qui prophétise maintenant, en expliquant que cet enfant sera signe de contradiction en Israël et que sa mère en souffrira.

         Anne maintenant : elle est fille de Phanuel, Phanuel signifie face de Dieu. Anne – la grâce – est fille de la face de Dieu ! Son séjour régulier et quotidien dans le temple de depuis de très longue années – « elle ne s’écartait plus du temple »  dit St Luc -  et son nom nous indiquent qu’elle est devenue elle-même le temple de Dieu, le temple de l’Esprit. Et là encore, l’Esprit la fait parler, témoigner : elle annonce son espérance – la délivrance d’Israël – son espérance accomplie dans ce bébé qui vient de naître.

         Revenons aux parents dont il nous est dit  qu’ils s’émerveilent et s’étonnent de ce qu’ on disait de l’enfant. Et l’émerveillement est ans doute un des fruits de l’Esprit Saint. ! Sans s’attarder cependant, ils regagnent la Galilée et leur bourg de Nazareth ! Ils s’enfoncent dans un silence qui va durer de longues années. L’Esprit fait agir dans le secret comme Dieu aime.

 

         Voilà en acte une vie dans l’Esprit.

         Voilà en acte une vie qui se construit avec Dieu et en lui.

         Ce qui va bouleverser le monde, se fait dans le secret mais dans la qualité extrême de ceux qui sont les protagonistes de cette histoire. L’Esprit de Dieu les façonne avec leur consentement.

         Notre monde ressemeble toutes proportions gardées avec le 1^er siècle romain. Dans ce monde étouffant de bureaucratie où nous vivons, où, comme dit le théologien Hans U. von Balthasar, l’homme « court le danger d’être dominé par la machine qu’il a créée puis déshumanisée, où la machine par laquelle il espérait parvenir à la liberté, lui vole précisément sa liberté », se pose la question de savoir comment retrouver une liberté humaine ? « Surtout que  la politique et l’économie enchevêtrées l’une dans l’autre, sont devenues une mécanique qu’aucun individu aujourd’hui ne peut plus apparemment stopper. »^[1]

         Heinz Shürmann, un théologien du temps de la RDA, expert à Vatican II et professeur de théologie à Erfurt, répondait à cette question : « Quand tout semble bouché – et en RDA il en savait quelque chose, avant nous j’allais dire – on doit essayer de vivre dans les espaces intermédiaires ». Selon l’Apocalypse, les chrétiens aussi  échappaient à la marque de la Bête dans des « ilots intermédiaires ».

 

         Eh bien nous venons d’en contempler un si je puis dire à Jérusalem à la barbe d’Hérode et du procurateur romain. Un ilot humain, fin, joyeux, paisible sous l’ombre de l’Esprit, l’ombre de l’Esprit que chante le cantique illustré dans notre exposition d’entrée dans l’Eglise, cet Esprit qui façonne nos vies si nous l’accueillons en vérité :

 

« Souffle imprévisible, Esprit de Dieu

Flamme de lumière dans nos ténèbres

Source de Sagesse

Ciel de nos rencontres

Joie donnée aux hommes

Vent de Pentecôte qui parle en tes prophètes

Esprit de vérité

Esprit de liberté

Passe en nos cœurs et conduis-nous 

Amen. »

 

^[1] Hans Urs von Balthasar Entretiens sur l’Eglise Cerf  2022 p. 57-59. Les entretiens édités en francais en 2022 datent de 1985 !