Jeudi Saint

Dans ce dernier repas de Jésus avec les siens, un repas d’adieu, Jésus associe deux gestes étonnants, autant l’un que l’autre : le lavement des pieds raconté par St Jean et l’institution de l’eucharistie racontée par les autres évangélistes. 

Le lavement des pieds, vous le savez, est assuré normalement par l’esclave non juif de la maison. Jésus en l’accomplissant lui-même, assure donc un des travaux les plus bas dans le monde juif... et il l’exécute par amour, pour permettre aux apôtres de participer au repas qui va devenir la 1ère eucharistie. De cette eucharistie jaillit – en même temps - notre communion familière avec Dieu et notre fraternité communautaire... En effet, non seulement nous devons refaire les gestes eucharistiques –« faites cela en mémoire de moi » - mais aussi le geste du lavement mutuel des pieds – « c’est un exemple que je vous laisse : vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » - ! 

 

Ce geste du lavement des pieds représente toute la vie de Jésus : « se lever de table, déposer le vêtement de gloire, se pencher vers nous dans le geste du pardon, se mettre au service de la vie et de la mort humaines. La vie et la mort de Jésus, fait remarquer Benoît XVI, « ne se tiennent pas l’une à côté de l’autre. C’est dans la mort de Jésus qu’apparaît la substance, le véritable contenu de sa vie. Vie et mort deviennent transparentes et révèlent ce qu’est l’amour poussé à l’extrême, un amour infini qui seul peut purifier l’homme et le rendre capable de communier avec Dieu, seul capable de le rendre libre.1 » 

Et ce geste du lavement des pieds est profondément semblable et lié à celui de l’institution de l’eucharistie. L’événement de la dernière Cène anticipe la mort et la résurrection de Jésus, la transformation de la mort en acte d’amour. « Ceci est mon corps... livré pour vous » tout à l’heure – le même jour - sur la Croix ! « Ceci est mon sang... versé pour vous et pour la multitude » tout à l’heure, sur la Croix. L’Eucharistie est donc la Présence totale du Sacrifice du Christ, de cet acte suprême d’adoration du Père par le Fils qui est en même temps, acte suprême d’amour du Père et des hommes. 

Lavement des pieds, Cène, Croix et Résurrection sont inséparables : on peut même dire que tout a un sens par la Résurrection finale ! Le Christ se relève de l’humiliation extrême du lavement des pieds et reprend place à table en disant que s’il est serviteur, il est aussi Maître et Seigneur comme l’appellent les apôtres ! La Cène liée intimement à la Croix, sans la Résurrection serait impossible, ne serait que le naufrage de l’espérance de communier à Dieu et d’être sauvé ! 

L’eucharistie nous conduit à la source de la véritable Vie, de la vie qui n’a pas été vaincue par la mort à travers laquelle elle est passée en vérité et dont elle a triomphé. La cène liée à la Croix et à la Résurrection nous fait communier au serviteur Jésus, celui qui a lavé les pieds des siens et s’est fait serviteur de tous. 

Aussi communier à Dieu c’est, en même temps, communier à tous mes frères 

et recevoir l’eucharistie pascale m’engage à devenir moi-même serviteur des autres dans le Christ. Mais mon service des autres n’atteint sa perfection que dans l’offrande que j’en fais à l’eucharistie, dans l’offrande même du Christ au Père. Amen. 

1 Ratzinger J. Le Ressuscité 1986 p. 110