Vendredi Saint
Le Christ est mort ! La Croix se dresse maintenant sans le corps martyrisé qu’elle a vu souffrir et mourir. Grand silence sur la terre, le Christ est mort ! La haine, les quolibets et les insultes, les crachats et les gifles, les coups de fouets, la couronne de dérision, le chemin du Golgotha puis le crucifiement, ultime humiliation, ont eu raison de l’amour.
L’amour infini a accepté le chemin du martyr. Le maître a accepté de devenir serviteur jusque dans le supplice ultime réservé aux esclaves. Le Seigneur a souffert les blessures de la haine des hommes. Dieu est mort sur le bois de la croix.
Mais à cause de qui est-Il mort ? A cause de chacun de nous qui, dans une petit vie bien réglée, restons dans le péché et refusons de changer radicalement pour répondre à son amour.
Il est mort à cause de la haine de ceux qui le rejettent avec virulence laissant penser que l’homme peut se suffire à lui seul, laissant penser qu’il peut tout maîtriser par la science et la raison. Je lisais récemment dans un quotidien un article sur la prochaine loi sur la fin de vie (dit-on avec pudeur pour ne pas parler d’euthanasie) où l’un des débatteurs disait : « On en a assez de ce Dieu qui veut tout gouverner ! » … On en a assez de ce Dieu qui veut tout gouverner ! … en d’autres termes, on préfère exclure l’amour de nos vies, prétendant être capables de gérer nos propres existences jusqu’à la mort, sans autre règle que notre propre discernement… Aux premiers jours de notre humanité, le serpent dit, lui aussi : « Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, (de ce fruit) vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. ». Retour aux premiers temps de l’humanité où l’homme refusa Dieu au nom de sa pseudo propre liberté… Enfoncement dans les ténèbres de la mort sans discerner que seul l’amour sauve.
Mais l’Amour ne recule jamais, même devant la haine. Christ est mort pour répondre à l’insulte par le pardon, à la haine par l’amour, au reniement par le baiser de l’amour, aux coups de fouets par la douceur, à la couronne d’épines par la couronne de gloire, à la mort par la vie. Seul l’Amour peut vaincre la mort !
Et c'est par sa Croix que nous sommes sauvés. L'instrument de supplice est devenu source de vie, de pardon, de miséricorde, signe de réconciliation et de paix. Au mal il apporte la guérison, c’est pourquoi frères et sœurs, comme le disait Saint Augustin, « Pour être guéris du péché, regardons le Christ crucifié ! »
Oui, en levant les yeux vers le Crucifié, nous adorons Celui qui est venu enlever le péché du monde et nous donner la vie éternelle. Et l'Église nous invite à vénérer avec fierté cette Croix pour que le monde puisse voir jusqu'où est allé l'amour du Crucifié pour les hommes, pour tous les hommes. Elle nous invite à rendre grâce à Dieu parce que d'un arbre qui apportait la mort, va surgir à nouveau la vie. C'est sur ce bois que Jésus nous révèle sa souveraine majesté, nous révèle qu'Il est exalté dans la gloire. Oui, « Venez, adorons-le ! ». Au milieu de nous se trouve Celui qui nous a aimés jusqu'à donner sa vie pour nous, Celui qui invite tout être humain à s’approcher de lui avec confiance.
L'Église a reçu la mission de montrer à tous ce visage aimant de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Saurons-nous comprendre que dans le Crucifié du Golgotha c'est notre dignité d'enfants de Dieu, ternie par le péché, qui nous est rendue ?
Tournons nos regards vers le Christ. C'est Lui qui nous rendra libres pour aimer comme il nous aime et pour construire un monde réconcilié. Car, sur cette Croix, Jésus a pris sur lui le poids de toutes les souffrances et des injustices de notre humanité. Il a porté les humiliations et les discriminations, les tortures subies en de nombreuses régions du monde par tant de nos frères et de nos sœurs par amour du Christ.
Frères et sœurs, si notre cœur est blessé par les souffrances, la maladie, la dérision, la pauvreté, la solitude, montons au Golgotha ; si notre cœur pleure car il reconnait ses limites, ses égoïsmes, ses duretés, montons au Golgotha. Car là se trouvent le seul amour qui guérit et console, l’amour qui pardonne et relève ; là se trouve l’amour que rien ne surpasse, l’amour qui aime chacun de nous jusqu’à la mort la plus infamante pour nous dire combien chacun de nous a de l’importance à ses yeux.
Amen
Jean-Marie Blondel