5ème dimanche de Pâques
Dans les textes qui sont proposés à notre méditation aujourd’hui, il aurait été regrettable que je ne m’arrête pas sur l’évocation de l’institution, par la prière et l’imposition des mains des douze apôtres, des sept premiers diacres de l’Eglise, que nous avons entendue dans le passage des actes des apôtres de ce jour.
Car Étienne, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, ainsi qu’ils ont été nommés, sont les sept premiers diacres institués par les apôtres pour le service de la charité, afin d’aider les apôtres et les remplacer au service des tables. Les choses sont bien décrites : « les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien. ».
Et cet événement, représente un tournant important dans l'histoire de la communauté chrétienne de Jérusalem, car cette crise interne entre des groupes de langues différentes (l’araméen et le grec) suscite une institution nouvelle. Parmi les juifs devenus disciples de Jésus, tous ne parlent pas l'araméen ; un groupe important, sans doute venu de la diaspora, parle plus volontiers grec, au moins en privé et entre eux. Or dans cette communauté naissante, les veuves de langue grecque sont désavantagées, il y a des tensions et des plaintes. En effet, plusieurs étaient convaincus qu’il y avait une certaine partialité, dans l’aide apportée aux veuves, à la charge de la communauté, et surtout pour ce qui concernait la distribution de nourriture. A cette occasion, la communauté, sous l'autorité des Douze, prend conscience de ses limites. Spécialement pour le service des tables : il faut donner des auxiliaires aux Douze. La communauté choisit sept hommes qu’approuvent les Apôtres. Sept, parce que ce nombre est pour les Grecs le symbole de l'universalité (pour les juifs, douze). Et ceux qui sont proposés portent des noms grecs. Ceux que l’on n’appelle pas encore « diacres », Diakonos en grec, ce qui veut dire serviteur, seront les collaborateurs des Apôtres, non seulement pour l'entraide matérielle, mais aussi pour l'évangélisation.
Ce sont les premiers diacres à qui l’Esprit Saint a confié le service de la charité et qui ont témoigné par toute leur vie du Christ mort et ressuscité qui se révèle en ce dimanche à l’apôtre Thomas comme « le Chemin, la Vérité et la Vie, » ainsi qu’à l’apôtre Philippe comme l’Image parfaite du Père (« qui m’a vu a vu le Père »). Et une belle image du diaconat est le Christ à genoux devant les apôtres leur lavant les pieds… C’est notre Dieu créateur qui s’abaisse pour servir sa création et l’élever a rang de Dieu et lui dire son amour infini.
Alors, je vous propose de regarder ce que sont devenus ces premiers diacres :
Saint Etienne (en grec Stephanos - couronné), fut le premier diacre, ainsi que le premier martyr de la chrétienté. Son service l’a poussé au témoignage, jusqu’à la mort. Au moment de son martyre à Jérusalem, après avoir contemplé les cieux ouverts, il confie son âme au Seigneur et il demande le pardon pour ses agresseurs (Ac 7, 56-60). Très vénéré dans l’Orient et l’Occident chrétien, nombreuses sont les églises et les cathédrales du monde qui portent son nom, comme les cathédrales de Toul et de Metz
Le diacre Philippe est à distinguer de l’apôtre Philippe. Les Ecritures Saintes nous informent qu’il exerça sa mission après le martyre d’Etienne. Il évangélisa la Samarie et baptisa deux personnes célèbres : Simon le Magicien (Ac 8, 4-13) et le trésorier de la reine d’Ethiopie (Ac 8, 27-38). Il est l’une des figures caractéristiques de l’engagement missionnaire de l’Église naissante. On le retrouve, de nouveau, à Césarée, dans les actes où il est nommé comme « Philippe, l’évangélisateur, qui était l’un des Sept, » (Actes 21,08).
La tradition de l’Eglise fait de Procore un neveu d’Etienne, ainsi qu’un compagnon de l’évangéliste saint Jean qui l’aurait fait évêque de Nicodémie, en Bithynie (Région de Constantinople). il aurait été martyrisé à Antioche de Syrie.
Nicanor fut extrêmement dévoué aux apôtres et dans une profonde communion avec eux. Une tradition le fait martyr à Jérusalem en compagnie d'Etienne, tandis qu'une autre le dit supplicié à Chypre au premier siècle. L'Eglise de Chypre honore particulièrement sa mémoire.
Timon aurait exercé d’abord sa mission en compagnie de saint Etienne. Il aurait été nommé évêque de Bosra, capitale de la province romaine d’Arabie, dans l’actuelle Syrie. La tradition ajoute qu’il serait mort martyr à Corinthe pour avoir prêché l’Évangile : Juifs et Grecs l’auraient jeté dans les flammes, sans qu’il reçu la moindre atteinte avant de le crucifier.
Parménas fut martyre sous l’empereur Trajan à Philippes, en Macédoine. Il est considéré par les chrétiens orientaux comme l’apôtre de cette région.
Le diacre Nicolas a un parcours particulier : né dans le paganisme, il embrassa le judaïsme pour se convertir finalement au christianisme. Les Pères de l’Eglise attribuent à Nicolas l’origine des Nicolaïtes dont parle l’Apocalyse.
Ils étaient institués pour le Service des tables et ce service les a poussés vers des horizons qu’ils n’imaginaient pas. Le beau témoignage de ces saints diacres nous dévoile le cœur de la vocation chrétienne, à savoir le service et la prière ; service de l’Eglise et de ses frères et parfois même jusqu’à donner sa vie… La disponibilité à la volonté de Dieu mène là où on ne l’imagine pas.
Et si le ministère des diacres existe depuis les premiers temps de l'Eglise, pour des raisons de pouvoir, à partir du XIIème siècle, il n’a été qu’une étape intermédiaire avant d’être ordonné prêtre. Depuis Vatican II, il est rétabli comme ordre permanent et peut être exercé par des hommes mariés, comme votre serviteur.
Le Magistère de l’Eglise nous enseigne que les diacres ont reçu le premier degré du sacrement de l’Ordre (Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 1536). Pour le pape Benoit XVI, le diacre est appelé à servir « le Peuple de Dieu dans la diaconie de la liturgie, de la Parole et de la charité » (Lettre apostolique Omnium in Mentem1). Le diacre a trois grandes missions : l'annonce de la Parole, le service de la liturgie et le service de la charité et j’en rajouterais volontiers une quatrième, la docilité à l’Esprit Saint qui l’enverra parfois ailleurs que prévu, comme les sept premiers diacres. Concrètement, le diacre est au service direct de l’Evêque, comme les premiers diacres étaient au service des apôtres. Ils ont des missions confiées par l’évêque et sont affectés à une paroisse pour le service de la table et de la parole (C’est ce que je fais aujourd’hui). Enfin, ils peuvent présider les mariages et célébrer les baptêmes. Ils peuvent aussi présider les funérailles.
Mais le diacre n’est pas le seul appelé à servir. Ce serait trop facile, cela dédouanerait trop de monde de leurs responsabilités et il faudrait trop de diacres. Oui l’Eglise se doit d’être construite par des « pierre vivantes » que nous sommes toutes et tous. Edifice spirituel vivant, l’Eglise a besoin de chacun d’entre nous pour que ce corps mystique soit actif et accueillant à tous.
Et ce service, nous devons le faire en nous rappelant les mots mêmes du Christ pour qui :
« Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son Seigneur. » (Mat 10.24); « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Mc 9.35); « Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi ! » (Lc 12.43) ; « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. » (Jn 12.26)
Prions chers frères et sœurs, pour que le Seigneur nous donne de saints diacres et qu’il sanctifie ceux qui le servent déjà, prions aussi pour que l’Esprit vienne nous habiter et qu’il nous permette d’être docile à sa volonté afin qu’à l’important rendez-vous final avec Notre Seigneur nous soyons considérés comme des serviteurs « bons et fidèles » (Mat 25.21) dignes de siéger à ses côtés « dans la joie de notre Seigneur » (Mat 25.21) et que le Maître ne nous « appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître » mais qu’il nous « appelle ses amis. » (Jn 15.15) et qu’au moment du départ de cette terre nous puissions faire nôtre la prière de Siméon : (Lc 2,29-31) « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples. »
Amen
Jean-Marie Blondel, diacre