25ème dimanche A
Ce n’est pas dans son village de Nazareth que Jésus a pu voir une scène comme celle racontée dans l’Evangile de ce jour. C’est dans la grande plaine d’Yzréel qui va jusqu’à la mer méditerranée : là sont implantées de grandes exploitations qui vivent grâce au travail journalier de ceux qui se font embaucher.
Si l’on veut comprendre cette parabole, il convient de bien saisir le contexte… que la lecture de l’Ecriture par petits morceaux ne permet pas ! Jésus aujourd’hui ne nous donne une nouvelle loi de doctrine sociale.
En effet, il faut bien lier le chapitre 19 et cette parabole étrange du chapitre 20 : en 19/16, un homme a demandé à Jésus : « que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? Voilà donc la question ! De plus, en 19/27, Pierre demande à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera donc notre part ? »
Et Jésus avait d’abord répondu : « lors du renouvellement du monde, lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. » Cette réponse là est pour les Douze. Mais Jésus avait poursuivi : « Et celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle ». Voilà à nouveau le sujet : la vie éternelle ! et Jésus avait conclu : « Beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers. ». Phrase que nous avons entendu encore ce matin… pas tout à fait la même !
Puis Jésus poursuit : la parabole, en effet, commence par « CAR » : « car le Royaume des cieux … » C’est donc la suite de la réponse de Jésus à Pierre ! Il y a une place spéciale pour les apôtres mais « celui qui aura tout quitté à cause de mon nom… recevra toutes choses abandonnées au centuple » mais Jésus ajoute : « et il héritera de la vie éternelle » : la parabole de ce jour évoque justement ce salaire commun à tous : la vie éternelle… ce « salaire » donné également à tous, quelle que soit leur heure d’arrivée au travail dans la vigne !Elle est donnée à tous, même aux tout derniers, à ceux qui n’ont pas été embauchés dans la vie, car sans doute jugés inaptes et inintéressants ! Elle est pour tous sans distinction.
Cette vie éternelle : précisons !
* La vie éternelle, c’est la vie divine, la vie de Dieu lui-même, éternelle comme est éternel Dieu. Ce mot « éternel » nous fait peur, nous lasse par avance… cela fait pour nous monotonie durable ! Comme disait à son curé la mère d’un jeune homme décédé : qui la consolait ainsi : « il a la vie éternelle… il loue Dieu à tout instant ». Elle avait répondu : « Mr le Curé ce n’est pas une occupation pour un jeune homme. »
Mais Dieu, si on écoute St Bonaventure, Dieu est « fontaine jaillissante de vie », « engendrement continuel du Fils, lancement de la création… ou si l’on écoute Maitre Eckhart : Dieu est « bullitio », bouillonnement de vie. Toujours neuf.
* Et le pape Benoît XVI ajoute : cette vie divine éternelle n’est pas marquée uniquement par la durée ; cela veut dire plutôt que « La Vie éternelle désigne une qualité de l’existence en Dieu dans laquelle disparaît la durée : tout converge dans le présent de l’amour, dans une qualité d’être qui ne connaît plus le morcellement, la fatigue, la fuite du temps et l’ennui. Comme un grand amour, elle ne peut plus nous être ravie par les malheurs, les événements…
* Cette éternelle est la vie divine qui commence en nous par notre acte de foi et notre baptême : St Jean 3.36 dit : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle. » Dans son épitre, Jean l'exprime simplement : « Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils. Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n'a pas le Fils de Dieu n'a pas la vie. » (1 Jean 5.11-12).
* Et St Paul, dans l’épitred e ce jour, nous dit ce qu’est la vie éternelle : c’est vivre en Christ : « Pour moi, vivre, c’est Christ ! » et un peu plus loin : « être toujours avec le Christ ». Benoît XVI commente : « Dans le Christ [ressuscité], l’homme que je suis, est entré dans l’intimité de Dieu d’une manière inédite et nouvelle. Cela veut dire que l’homme peut trouver un espace en Dieu pour toujours…C’est bien plus audacieux, bien plus grand : [le Ciel,] c’est l’homme qui prend place en Dieu sur le fondement de l’interpénétration de l’humanité et de la divinité dans l’homme Jésus. »[1]… Le Christ est lui-même ce que nous appelons Ciel. Car le Ciel n’est pas un espace mais une personne. La personne de Celui en qui Dieu et l’homme sont UN pour toujours, sans séparation. »[2]
* Enfin, cette connaissance porteuse de vie du Père et du Fils n'est pas qu'une connaissance intellectuelle, mais personnelle, intime, chaleureuse, affectueuse.
Et ce don fait à tout homme, le même, n’a pas d’autre raison que la bonté divine : « ton œil est-il mauvais parce que, moi, je suis bon ? » dit le maître à celui qui dénonce l’injustice du salaire égal !
Oui l’Evangéliste Matthieu a raison de répéter le bouleversement divin : non plus une hypothèse… mais une réalité : « les derniers sont premiers et les premiers sont derniers. »
[1] Dogme et annonce 2012 p. 329
[2] Dieu nous est proche 2012