5ème dimanche de Pâques B
Voilà des paraboles bien concrètes qui nous sont données en ce temps pascal. La semaine dernière, Jésus se présentait comme le Bon Pasteur, utilisant une image parlante pour ses contemporains, le peuple juif n’était-il pas un peuple de pasteurs ? Les premiers témoins de la naissance du Christ n’étaient-ils pas des bergers ? Aujourd’hui, il empreinte des termes propres à la culture de la vigne pour toucher des auditeurs habitants la Palestine, terre de vignoble... Et en choisissant la vigne, il prend pour exemple une culture qui dépend autant du travail attentif et ingénieux de l’homme, que du rythme des saisons. Christ tient à nous enseigner sa Bonne Parole en touchant concrètement nos cœurs et nos âmes à partir d’exemples que nous sommes capables de comprendre. Son enseignement est pour tous « « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.» (Mat 5,3). Alors écoutons-le avec toute la simplicité de nos cœurs...
Oui, la Palestine a enseigné à Israël le goût des fruits de la terre, à mettre tout son cœur à une tâche prometteuse, celle de sa culture, mais aussi à tout attendre de la générosité divine. Plus particulièrement, la vigne, si précieuse, a quelque chose de mystérieuse dans la culture du peuple choisi : elle ne vaut que par son fruit. Son bois est sans valeur (Ez 15,2-5) et ses sarments stériles ne sont bons que pour le feu (Jn 15,6) ; mais son fruit réjouit « Dieu et Hommes » (Jg 9,13) ; la vigne cache donc un mystère plus profond : si elle apporte la joie au cœur de l’homme (Ps 104, 15), il est une vigne dont le fruit est la joie de Dieu.
Et nous voici à la parabole de ce jour où Jésus nous invite à porter « beaucoup de fruits » qui feront « la Gloire du Père. » N’est-ce pas la mission donnée à Adam et Eve au jours de la création ? « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn1, 28). Ainsi, la vigne, prise ici comme référence, permet à Jésus d’éclairer notre foi et de la purifier pour qu’elle soit féconde.
« Je suis la vigne », a-t-il-dit ; « et vous les sarments » (Jn 15,5). Nous savons tous que les sarments ne vivent que grâce à la vigne à laquelle ils sont attachés, ils ne tirent pas de leurs propres racines la sève qui les féconde, c’est elle qui les vivifie et qui leur permet de porter des fruits. Constamment ils empruntent leur vitalité à cette sève qui vient du cep.
Et bien en est-il de même pour nous, les baptisés, greffés au corps Christ, greffés aussi à l’Eglise, corps mystique du Christ, dont les membres sont en communion avec Lui. Nous ne pouvons porter des fruits que si nous savons tirer notre sève, notre force, notre énergie du Christ qui Lui seul nous conduit à poser les vrais gestes d’amour, qui nous feront porter « beaucoup de fruits ». « N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1Jn 3,18) nous l’enseigne aujourd’hui St Jean.
Mais pour rester de bons sarments, nous devons sans cesse reconsidérer notre rapport à Dieu, sachant nous faire émonder par le Vigneron de nos cœurs et de nos âmes, le Père, pour que nous portions davantage de fruits. La réconciliation n’est-elle pas un merveilleux cadeau que Dieu nous offre ? Cadeau difficile à pratiquer pour certains mais permet cet émondage indispensable pour laisser la bonne sève de la Parole nous nourrir. Parole qui purifie, des mots mêmes de Jésus, et qui nous faire vivre et agir selon sa volonté, Parole dont nous devons nous nourrir au travers d’une communion intime avec elle, d’une pratique régulière de son écoute et de sa lecture.
Plus encore, le Christ nous demande de demeurer en Lui, comme Lui demeure en nous. Ne peut-on pas voir ici une invitation à la pratique régulière de l’Eucharistie, présence vivante qui vient nous nourrir, nous habiter et fait de nous des porteurs de Dieu au Monde ? Le Christ nous le dit clairement aujourd’hui : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. ». En dehors du Christ, pas de salut ! « Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. ». Mais avec Lui tout est possible : « Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. ». Voilà de quoi nous donner le vertige ! Voilà le but de nos vies appelées à la sainteté !
Mais certains d’entre-nous pourraient objecter par rapport à cette promesse du Christ à demander tout ce que nous voulons et exprimer leur frustration sur ce thème. En effet qui de nous n’a jamais regretté de voir que ses prières ne semblent pas être exaucées. Pourtant, c’est avec tout son cœur qu’il les a présentées au Seigneur... Et rien, apparemment ne s’est produit...
Que manquait-il alors ? Trois points viennent compléter ce questionnement
+ Notre foi en Dieu est-elle si détachée ne nos propres intérêts ? N’est-elle pas, parfois, une histoire de superstition, de grigri ou de rites et formules magiques. N’oublions jamais que ce n’est qu’au travers d’un cœur purifié et disponible que l’on peut demander au Christ et qu’il peut agir en nous.
+ Nos demandes ont-elles pour but de porter de bons fruits et de devenir des disciples du Christ ?
+ Enfin, sommes-nous si sûrs que nous ne sommes pas exaucés ? Regardons bien nos vies, ce n’est parfois que longtemps après que nous voyons toutes les merveilles que Dieu a faites pour nous !
Et pour conclure, à Saint Augustin de nous répondre :
« Lorsqu'on demeure dans le Christ, que peut-on demander, sinon ce qui convient au Christ ? Que peut-on vouloir, quand on demeure dans le Seigneur, sinon ce qui n'est pas étranger au salut ? Nous demandons une chose parce que nous sommes dans le Christ, mais nous voulons autre chose parce que nous sommes encore en ce monde. Du fait que nous y demeurons, nous sommes parfois tentés de demander ce dont nous ignorons que cela nous est nuisible. Mais chassons l'idée que nous obtiendrons cela si nous demeurons dans le Christ, car il ne fait ce que nous lui demandons que si cela est bon pour nous. Mais si nous demeurons en lui parce que ses paroles demeurent en nous, nous demanderons tout ce que nous voudrons, et nous l'obtiendrons » (saint Augustin : « Tractatus in Johannis evangelium », LXXX 4).
Ainsi, si nous ne voyons pas se réaliser tout ce que nous demandons au Christ, c’est que nous avons encore beaucoup à nous laisser émonder... Le chemin de la sainteté, n’est pas un long fleuve tranquille, bien au contraire. C’est pourtant le seul qui sauve... « Quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable à ses yeux. » (Jn 1,3-22)
Amen.
Jean-Marie Blondel, diacre