6ème dimanche de Pâques B

         Jésus nous a parlé, dans la parabole de la vigne, des relations qui existent entre lui le Sauveur et les sarments que nous sommes en lui par le baptême. Il s’agit de l’inhabitation mutuelle de Jésus et de ses disciples. Dans l’Evangile de ce dimanche voyons d’un peu plus près ces relations entre le maître et ses disciples que nous sommes.

 

         L’Inhabitation de Dieu dans le croyant est  une réalité qui dure (v.9-10)

         En effet, cette inhabitation demeure – c’est le verbe clé – elle n’est pas passagère, elle demeure à l’image de l’inhabitation du Christ en son Père. C’est la plus grande merveille qui puisse nous arriver. Dieu se révèle dans une alliance intime avec chacun, dans une réciprocité étonnante où l’homme accueille la générosité divine infinie à son égard et ensuite va la manifester, à sa manière, dans son existence historique avec ses limites, sa personnalité, son langage …

 

         Pour décrire cette inhabitation, Maurice Zundel a une expression magnifique que je vous ai citée souvent : maintenant, dit-il, « Dieu transparaît plus qu’il n’apparaît ». « La transparence vient de l’intérieur du cœur humain qui a accueilli Dieu comme une Puissance libératrice et comme la Vie de sa vie. La transparence seule est le fruit d’une rencontre intime. »[1] On comprend alors le conseil de Zundel « Emerveille-toi et dialogue en silence avec ce Dieu présent en toi. » et sa douleur de voir tant de chrétiens vivre dans l’ignorance ou l’indifférence à Dieu si présent en eux.

 

         Connaissance d’une joie en plénitude par cette inhabitation. (v. 11)

         La joie est un fruit de la Pâque de Jésus. Jésus tient à ce que Sa joie soit en nous. Parce que c’est la joie de Dieu qu’il nous donne, comme la Paix de Dieu qu’il nous donne. Ce n’est donc pas une joie qui vient de la terre, ce n’est pas une émotion des circonstances, ce n’est pas une joie soumise aux circonstances, c’est une joie qui tient à la Présence de Dieu en nous. C’est pourquoi elle n’est pas incompatible avec la souffrance ou les événements contraires.

 

         De plus Jésus la lie à l’amour fraternel (v. 12 et 17).

         Quel est ce lien ? Une phrase de Maurice Zundel l’éclaire magnifiquement : « Dans la joie, on cesse de se regarder ». Saisi par la joie divine, on ne se regarde plus. On est délivré de soi-même, tiré vers l’Autre. L’homme ne devient lui-même qu’en se déprenant du narcissisme et de toute forme d’accaparement. La joie de Dieu qui nous ravit nous retire à nous-mêmes et nous permet l’amour fraternel.

         Cet appel à l’amour fraternel est ancien – il est déjà dans l’Ancien Testament – mais il  nouveau par sa mesure et par sa source : « aimez-vous comme je vous ai aimés ». Jésus donne la mesure de cet amour fraternel en se présentant lui-même : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie... » et se déclare la source, le modèle et la mesure. Dieu se révèle comme Amour : source, initiative, action créatrice. Cet Amour se manifeste éminemment dans le Seigneur Jésus, tant dans l’Incarnation que dans la  Rédemption: la Croix est le point ultime et le sommet de cette manifestation de l’Amour de Dieu.

         Le critère de vérification de l’accueil de cet amour divin est ici l’amour vécu dans la communauté chrétienne. L’amour de Dieu ne cesse de s’écouler dans la communauté des croyants. C’est plus qu’imiter l’amour de Jésus : c’est plutôt un écoulement de la vie de Dieu en nous à travers l’amour de nos frères : il s’agit d’aimer ses frères de l’amour même de Dieu reçu par le Christ confessé comme Fils de Dieu. « La relation que nous entretenons avec nos frères visibles nous introduit dans le mystère invisible de Dieu. » (Jean Laplace)

 

         Devenir amis avec le Christ (v. 14- 16) L’amour mutuel des disciples vécu dans l’amour du Christ donné aux disciples change leur relation avec le Christ : ils ne sont plus serviteurs – c’est-à-dire exécutants d’ordre dont ils ne mesurent pas la signification et la portée et qu’ils n’ont d’ailleurs pas à savoir[2] - mais amis – l’ami obéit en connaissance de cause - ; Jésus les traite désormais en amis car il leur a révélé intégralement[3] les intentions du Père et même plus : il leur a donné l’amour même du Père !« Dès lors, leur obéissance qui est une œuvre d’amour devient aussi une œuvre de liberté. »[4]

 

         L’amitié suppose un choix mutuel. Jésus rappelle pourtant la priorité du choix qu’il a fait lui. Et ce choix s’exprime dans la tâche spécifique donnée à chacun dans la mission du Christ qui se prolonge, se poursuit, s’accomplit dans celle des disciples. C’est donc à la fois un choix d’amitié et un établissement dans une mission personnelle de faire participer les hommes à la vie éternelle offerte en Jésus. Dieu lui-même est engagé dans ce choix si bien que tout ce qui est demandé au Père dans le cadre de cette amitié/mission par le Christ sera exaucé. Et comme dit la Tob très justement : « la prière confiante qui appelle l’aide de Jésus est un aspect essentiel de l’amitié et de la mission. L’efficacité apostolique en dépend radicalement. »

Amen.

 

 

^[1] Marc Donzé préface à Maurice Zundel  La pierre Vivante 2009 p. 2

^[2] Note H de la Tob

^[3]Tout est dit du mystère de Dieu de ses intentions et de sa volonté … mais ne sera compris que progressivement par les saints et la Sainte Tradition de l’Eglise toujours en progrès, au long des siècles,

^[4] idem