Jeudi saint
« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? » Voilà la question du jour que Jésus nous adresse à chacun d’entre-nous en ce jeudi saint. Comprenons-nous ce qu’il vient de faire ?
L’épitre de Paul aux Corinthiens nous relate la première scène que chaque jour nous célébrons dans nos églises, en mémoire, justement de cette soirée unique. L’Evangile, quant à lui, vient compléter la description de cette soirée intime et emplie d’amour et de charité, emplie d’humilité et d’abandon de soi : La soirée du dernier repas avant la Passion de notre doux Jésus d’amour. Passion durant laquelle il nous dira toute sa passion pour sa création c’est-à-dire pour chacun de nous. Passion amoureuse qui le mènera jusqu’à la mort au travers de l’ignoble, humiliant, douloureux supplice de la croix… Passion qu'il a endurée dans son corps, par amour pour nous, afin de nous délivrer de la mort éternelle et de nous préparer le chemin du Royaume céleste.
« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? »
Oui, frères et sœurs, il y a des actes que l’entendement humain a du mal à comprendre tant ils semblent en opposition avec les valeurs de notre monde tant ils semblent hors de monde et du temps et, ce soir il nous est donné de méditer les gestes les plus sublimes posés pour notre humanité : les derniers gestes du Christ avant sa Passion destinés à fortifier notre foi et à renforcer notre action auprès de nos frères.
Ce soir Jésus nous donne sa présence réelle au travers de l’Eucharistie, mémorial de son offrande ultime et nous montre le chemin de l’humilité et du service au travers du lavement des pieds. Deux actes qui nous ouvrent les portes de l’Eternité. Deux actes aussi qui évoquent deux rangs des ministères ordonnés d’ailleurs : celui de la prêtrise au travers du service de l’Eucharistie et celui du diaconat au travers du service humble des frères.
Ainsi, aujourd'hui nous rappelons la veille de la Passion du Seigneur, le jour sacré où il voulut faire un repas avec ses disciples, et, dans sa bonté, accepta d'endurer tout ce qui avait été écrit et annoncé touchant ses souffrances et sa mort, en vue de nous libérer tous du péché et donc de la mort. Nous assistons au plein achèvement, dans le Christ, des rites sacrés évoqués dans la première lecture que nous venons d’entendre. Et pour achever ces rites et les rendre salvateur et éternels, le Christ, confie à ses disciples le pain qui est son corps et le vin qui est son sang pour qu'ils en fassent l'offrande dans les mystères éternels, et les donne en nourriture à tous les fidèles pour le pardon de toutes leurs fautes. Jésus n’a-t-il pas dit Lui-même à ses disciples : « Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. » (Jn 6,35). En cette nuit mystérieuse qui précède sa Passion, Christ nous offre la nourriture qui seule sauve ! Il nous offre sa présence qui seule apaise.
Jésus confie, à son Eglise naissante sa présence réelle qui ne cessera de l’habiter jusqu’à nos jours si mouvementés et difficiles où il reste présent au milieu de notre humanité dans le cœur de nos églises, présente de Paix et d’Amour toujours disponible au cœur à cœur et au pardon.
Ainsi, aujourd’hui encore Jésus nous invite à venir à Lui pour apaiser notre faim de vérité et notre soif d’Amour. Il garde ouvertes, pour chacun de nous, les portes du pardon, Il nous donne les clefs des portes du salut éternel, à nous de savoir les utiliser à bon escient pour avoir part au salut.
Et justement, ce salut offert par le Christ passe d’une façon incontournable par son exemple de ce soir, comme l’Evangile de St Jean nous le relate. Christ nous montre le chemin pour avoir part avec Lui à la vie éternelle et ce chemin s’appelle humilité, humilité qu’il poussera jusqu’à l’humiliation sur le Croix. Il s’appelle aussi service du frère.
Ainsi, en ultime exemple, Lui, le Maître du monde, le Créateur de l’univers et de tout ce qui l’habite, le créateur de l’homme et ce chacun d’entre-nous, prend le rang d’esclave et de l’esclave de plus bas niveau : celui qui lavait les pieds souillés des hôtes. Il lave les pieds de ses apôtres. Acte inconcevable dans la culture de l’époque qui, par sa valeur dégradante a de quoi faire réagir Pierre ! Mais peut-il comprendre, alors qu’il n’est pas encore habité par l’Esprit ce que Jésus veut signifier ? Et ce que Jésus veut signifier, c’est que nous devons suivre son exemple en apprenant, nous aussi, à servir nos frères, mais aussi en acceptant de nous laisser purifier par Lui au travers du Pardon. Pierre n’a pas fini d’être surpris, décontenancé, désarçonné, la leçon du maître ne fait que commencer. La Croix l’attend avec toute ce qu’elle a de plus violent, dégradant pour un être humain et pour Dieu alors ? Oui, l’amour de Dieu va jusque-là ! Pierre sera tellement impuissant, face à cette épreuve qu’il ira jusqu’à renier le Maître. Notre nature humaine est bien faible… C’est justement ce pourquoi le Christ est venu la sauver par son sacrifice ultime.
Or en recevant ce soir, comme à chaque Eucharistie le corps et le sang du Christ livré pour nous, nous accueillons en nos corps, concrètement le corps du Christ et il vient ainsi habiter en nous. Il s’invite dans nos existantes pour les transfigurer. Il nous invite à être, nous-aussi membre de son corps.
« Devenez ce que vous recevez, devenez le corps du Christ, devenez ce que vous recevez, vous êtes le corps du Christ » Chante le chant qui s’inspire de la 1ère lettre de St Paul aux Corinthiens : « Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. » (1Co 12-27)
Alors chers frères et sœurs, Comprenons-nous ce que le Christ vient de faire ?
Ce soir Jésus nous invite à avoir foi en sa présence réelle, à la laisser habiter, vivre en nous et à servir nos frères le plus humblement possible. Quand Dieu s’humilie au point de se faire serviteur de sa création, il est impossible de ne pas faire de même pour nos frères. Jésus a lavé les pieds de tous ses apôtres, même de Pierre qui le reniera trois fois, même de Juda qui le trahira. Il nous montre que le service de nos frères est sans exclusion. Libre à eux de ne pas être aimés… Mais force pour nous de servir sans compter.
Dans cette nuit mystérieuse qui précède la Passion du Christ, voilà des orientations nettes qui nous sont proposées : Vivre de l’Eucharistie – Servir nos frères… Amen
Jean-Marie Blondel, diacre