La fête de la Toussaint
Frères et sœurs, c’est, stimulés par l’écoute de l’Evangile des Béatitudes, que nous venons d’entendre, que nous fêtons aujourd’hui la Toussaint, la fête de tous les saints. Car les Béatitudes nous montrent le chemin qui mène à Dieu, malgré nos faiblesses et nos limites, chemin que le Christ nous invite aujourd’hui à gravir comme un magnifique sentier pentu de montage dont les étapes nécessaires, pour reprendre souffle et force dans l’ascension, sont autant de paliers de conversion qui nous mènent vers la sainteté.
Pauvreté du cœur qui laisse toute place à Dieu ; douceur qui nous fait transmettre la tendresse de Dieu à nos frères ; faim de justice qui nous pousse à faire régner la Loi de Dieu, celle de l’Amour, sur notre terre ; Miséricorde qui nous unit à l’Etre réel de Dieu qui n’est qu’Amour et Miséricorde et nous fait agir selon ses desseins ; Cœurs purs, qui rejettent les faiblesses de ce monde et nous ouvrent à la vision de Dieu ; Artisans de Paix qui se voient appelés fils de Dieu ; Persécutions, lots de tant de frères chrétiens qui annoncent l’Amour quand la haine règne et qui nous ouvrent les portes du Royaume ; Insultes, diffamations qui sont les dernières armes des adversaires de l’Amour quand ils sont à court d’arguments valables et enfin allégresse qui nous fera accueillir notre récompense de bons et inutiles serviteurs lors que nous serons accueillis dans les Cieux…
Autant d’échelons de sainteté qui sont, si nous y réfléchissons bien les étapes d’humilité et d’amour que le Christ a Lui-même gravi jusqu’au Golgotha et qui Lui ont permis de nous ouvrir les portes de la vie éternelle, promise à ceux qui vivent les béatitudes. Echelons de sainteté qui nous sont proposés pour être nous-mêmes des disciples du Christ dignes de siéger proche du Père.
Mais comme l’ascension semble périlleuse allez-vous me dire, les échelons semblent si durs à gravir ! Mais le psaume 7- le proclame si justement : « Dieu, la sainteté est ton chemin ! Quel Dieu est grand comme Dieu ? »
Pourtant, qui que nous soyons, dès l’instant où nous nous réclamons disciples du Christ, ce chemin est celui qui mène à Dieu. Nous ne pouvons donc pas le refuser puisque la vocation de chaque chrétien est d’être saint et de s’élever vers la grandeur de Dieu. Il peut, et c’est normal, nous paraît impossible ou nous donner le vertige : « m’élever vers la grandeur de Dieu », moi qui suis si imparfait ! C’est pourtant le défi que Jésus nous lance aujourd’hui. Le suivre sur le chemin de la sainteté, malgré tout, avec nos faibles forces mais avec une confiance solide en Celui qui nous a montré le chemin en premier et avec l’exemple de ceux qui l’ont suivi avant nous.
Thérèse de Lisieux disait : « J’ai toujours désiré être une sainte, mais hélas, j’ai toujours constaté lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne et le grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants. » Mais elle poursuit en disant : « Au lieu de me décourager, je me suis dit que le Bon Dieu n’inspire pas de désires indésirables ; je puis donc, malgré ma petitesse, aspirer à la sainteté. »
Si donc, celle dont on a dit qu’elle était une des plus grandes saintes des temps modernes s’est jugée incapable de se sanctifier par elle-même, nous ne pouvons, nous non plus, nous décourager. Nous n’avons pas à nous dire que la sainteté n’est pas pour nous, sous prétexte que nous sommes convaincus de ne pas pouvoir y accéder. Pourtant, c’est à chacun de nous que le Seigneur propose d’avancer, avec sa grâce, sur le chemin de la sainteté.
Il y a tant de saints, issus de notre terre et nous pouvons dire qu’au milieu d’eux, qu’il y a une place pour quelqu’un comme nous !
Alors aucune excuse ! Regardons-les : à tous les âges, dans toutes les époques, avec les cultures, les tempéraments, les caractères, les cheminements les plus variés, Dieu finalement les a tous sanctifiés.
Il y a ceux qui le sont devenus dans le grand âge, comme saint Antoine, mort à cent quatre ans, ou même à la toute petite enfance, comme les saints innocents, d’autre adolescents comme Saint Carlo Acutis. Certains sont de grands savants, comme Albert le Grand ; d’autres des analphabètes, comme Sainte Bernadette au moment des apparitions. Il y a des rois, comme Saint Louis, des archiducs comme le bienheureux Charles de Habsbourg Lorraine et des sans terre ni maisons comme Benoît Joseph Labre, toujours sur les chemins. Certains ont vécu la droiture dès le berceau, comme sainte Claire et d’autre ne se sont réveillés qu’après une vie dévergondée comme Saint Augustin ou saint Charles de Foucauld. Les uns se sont sanctifiés par le travail intellectuel, comme saint Thomas d’Aquin, d’autres par la prière, comme saint Benoît, le silence, comme saint Bruno, l’action caritative comme saint Vincent de Paul ou Sainte Mère Teresa, ou au travers de la maladie comme sainte Bernadette.
Tous, et c’est bien réconfortant pour chacun de nous, avaient des faiblesses, en étant, par exemple : Colériques comme saint Jérôme, farfelus comme saint Philippe Neri, scrupuleux, comme saint Ignace, bavard comme sainte Catherine, autoritaires comme saint Cyrille d’Alexandrie.
Tous étaient pécheurs, comme saint Pierre et saint Paul, les premiers à se reconnaître bien incapables d’être sauvés sans la surabondance de la grâce. Et le premier des canonisés, par le Christ en personne, n’est-il pas le bandit crucifié à ses côtés et introduit par lui le soir même au paradis ?
Que dire alors de cette foule d’anonymes qui, au jour le jour et par myriades, dans la ville, la campagne, la famille, le cloître, la rue, le bureau, le magasin, l’université, l’hôpital, la prison, l’école, l’atelier, les marmites et les ordinateurs, la science, la foi, l’humilité, l’amour de jour et de nuit, partout ont sanctifié !
Alors chers frères et sœurs, plus d’excuse, arthrose ou pas, vertige ou pas, fatigue ou bonne santé, et je pourrais poursuivre la liste longtemps, le merveilleux sentier de la sainteté nous attend. Au sommet se trouve la récompense du Royaume, il n’est jamais trop tard pour le gravir, sinon l’ouvrier de la dernière heure n’aurait jamais son salaire.
Amen.
Jean-Marie Blondel