L'aveugle né

4^ème de carême 

 

Dimanche dernier, Jésus en enseignant la samaritaine nous a révélé que le Messie qu’il est , est venu pour donner l’Eau Vive de l’Esprit Saint qui jaillit dans le cœur du baptisé en source de Vie éternelle. Cet Esprit conduit le cœur du baptisé à prier en Esprit et en Vérité, devenant ainsi, dans le Christ,  parfait adorateur du Père.

 

Aujourd’hui, avec le récit de l’aveugle-né, Jésus nous enseigne qu’il est la Lumière qui illumine tout le baptisé : âme, cœur, esprit, raison, affectivité …

 

Devant Dieu,  tout homme qui naît, est un aveugle-né. Il ne voit pas la réalité profonde dans sa beauté, il ne voit pas qui est Jésus, il ne voit qui il est lui-même.

Si Jésus ne poursuit pas son œuvre de création en lui mettant de la boue sur les yeux et s’il ne l’envoie pas être lavé dans la piscine du baptême à Siloé, l’homme ne peut voir Dieu et la réalité complètement. 

Le péché rend tout opaque.

 

Nous le savons bien : lire la Bible sans la foi est impossible : c’est incompréhensible. Que de gens ont essayé seul et se sont vite arrêtés ! C’est la foi – en même temps acte de foi et contenu de la foi – qui illumine et permet de lire et de comprendre. On le voit bien : quand on veut lire la Bible uniquement avec sa raison, et selon la raison, il ne reste plus rien que des histoires sans queue ni tête. Et surtout inintéressantes ! Seul l’acte de  foi et la clé de lecture donnée par elle, ouvre le livre au sens. En revanche, dans la grâce de la foi du baptême, nous est transmise, dans la communion de l’Eglise, la connaissance du Vrai Dieu révélée par le Christ et transmise par les Ecritures.

Regardez l’aveugle-né de l’Evangile : sa guérison lui ouvre l’esprit. Les chefs du peuple en font les frais ! Avec perspicacité, Il les questionne et avec audace les interpelle par sa propre foi! Et ils ne savent pas quoi lui répondre…

leur seule arme est de le jeter dehors !

 

Nous le savons : sans la foi nous ne savons qui est Jésus. Sans la foi, Jésus n’est qu’un homme. Certes il a existé réellement – seuls les sots le nient aujourd’hui – mais sans la foi, Jésus n’est tout au plus qu’un homme éminent, impuissant à nous sauver de nos problèmes, exemple inimitable. Avec lui nous restons dans nos questions et nos impasses. Mais dans la foi, nous le savons Fils de Dieu, faible par amour pour nous et fort, dans cet amour, pour nous sauver.

 

Mais la foi illumine aussi la vision de la création : sans la foi, nous sommes devant « dame nature » … mais qui n’est pas comprise et regardée dans toute sa profondeur, comme le cadeau de Dieu aux hommes « L’homme en exil de Dieu ne voit plus le monde comme un miroir, comme une « image transparente de Dieu » mais comme une fin en soi, comme une réalité opaque, close sur elle-même ». Dans la foi, la création à nouveau dévoile la beauté du Créateur et la fraternité avec Frère Soleil, Sœur la lune et les étoiles, sœur eau … et même sœur la mort !... pour parler langage de St François. « La nature est sacrée. Le monde est un sacrement de la divine présence, un moyen de communion avec Dieu. L’environnement consiste non pas en la matière morte, mais en la relation vivante. Le cosmos tout entier est un vaste buisson ardent, pénétré par le feu de la puissance et de la gloire divine. » 

Notre regard est d’abord simplement admiratif de la réalité magnifique des fleurs, des paysages, des objets, des temps … ce regard, nous le partageons avec toute âme  poétique. « Nous allons percevoir et apprécier chaque chose en elle-même et pour elle-même, chaque créature devient réelle pour nous, et immédiate. Nous  explorons alors la variété et la particularité de la création, ce que saint Paul appelle la " gloire " de chaque chose. "  »

 

 Puis ensuite, il y a la transparence : « ayant évoqué et savouré l’être propre de chaque chose, nous pouvons faire un second pas : nous pouvons regarder à l’intérieur et au-delà de chaque chose, découvrir en elle et à travers elle la présence divine. St Maxime le Confesseur du 7^ème siècle écrit « Le monde est un, car le monde spirituel dans sa totalité se manifeste dans la totalité du monde sensible… Et le monde sensible tout entier est secrètement transparent au monde spirituel tout entier. ». Nous avons à traiter chacune de ces créatures comme un chemin de communion avec Dieu. Ainsi, par la création, nous remonterons jusqu’au Créateur. « Car il est impossible de donner son sens au monde si nous ne regardons pas aussi au-delà du monde ; le monde n’acquiert son vrai sens que lorsqu’il est considéré comme le reflet d’une réalité qui le transcende. » 

 

Mais la foi illumine aussi la vision de l’homme. Et la foi nous découvre la destinée exceptionnelle de tout homme : choisi et aimé de Dieu avant la fondation du monde, chaque homme est appelé à devenir enfant de Dieu pour partager dans l’éternité avec ses frères la communion avec Dieu qui divinise dans l’amour. 

Jésus l’homme parfait – si on ne le trafique pas comme si souvent -, est ainsi donné et manifesté comme témoin de la bonté de Dieu et de la grandeur de l’homme qui ne se prend pas pour dieu lui-même, décidant de tout, tout seul, sans Dieu mais se reçoit de Dieu. 

 

Même si l’homme a oublié cette destinée, reste en lui un vide terrible, qui lui donne le vertige. Ce vide appelant, comme tout vide qui donne le vertige, est tel, que l’économie – dite libérale - de la société de consommation s’en sert pour appâter le consommateur lui faisant miroiter que l’accumulation de biens va combler ce vide qui le taraude secrètement. 

C’est un dévoiement majeur et grave qu’opèrent ainsi cette économie et cette idéologie. L’homme est réduit à son être de consommateur de biens… et on feint d’ignorer que cette prétention à combler l’homme, non seulement est impossible mais qu’en plus, elle engendre et augmente une frustration encore plus douloureuse : elle avilit l’homme et le laisse démoli profondément, alors qu’elle prétend le rendre heureux. C’est sur ce dégoût que se greffe le mépris de la vie qui caractérise nos sociétés dites d’abondance : chute terrible de la natalité, mépris de l’enfant à naître, violence dès le plus jeune âge comme l’ont révélé plusieurs faits dramatiques de ces derniers jours… mais aussi euthanasie et irrespect des  personnes âgées, … restant sauf la compensation – un peu hypocrite - de la lutte contre la peine de mort.

 

La foi nous redit la beauté de tout homme – beauté possible, beauté espérée, beauté imparfaite, beauté finale. Elle nous fait voir la beauté et la saveur de chacun, appelant chacun à servir cette beauté chez l’autre. Chaque créature est potentiellement le lieu d’une manifestation de Dieu d’une théophanie,l’expression d’une pensée divine unique que nous avons à déchiffrer.

 

Bien sûr, cette vision lumineuse de la foi que nous recevons du baptême ne peut s’accomplir facilement, comme par enchantement, d’une manière désinvolte ou automatique. C’est un Don généreux de Dieu à mettre en œuvre ! Voir Dieu en toutes choses et toutes choses en Dieu demande de la persévérance, du courage et de l’imagination, de la patience mais quelle joie alors nous est donnée quand nous commençons à en vivre ! Amen

 

Ouvre mes yeux, Seigneur Jésus,
Je verrai ta gloire.
Par le baptême de ta mort,
Tu es notre Vie.
C’est Jésus le Messie
Qui met la boue sur mes yeux,
C’est lui qui m’appelle.

 

« Va te laver à Siloé, 
et vois la Lumière ! »
Eveille-toi, ô toi qui dors, 
le Christ t’illumine ! »
Je me lave et je vois,
je crois que Tu es, Seigneur, 
la clarté du monde !

 

Je viens à toi, Seigneur Jésus,
Car je suis aveugle.
Pour ceux qui vivent dans la nuit,
Tu es la lumière.
Guide-moi, conduis-moi,
Sois ma lampe et mon soutien,
Et guéris-moi.

 

Tu viens redire au fond de nous : 
« Crois au Fils de l’Homme ! »
« - Et qui est-Il, pour que je croie ? »
« - C’est Lui qui te parle ! »
De mes yeux, je Te vois, 
et prosterné devant Toi, 
mon Dieu, je T’adore !

 

Vers la fontaine de ta croix,
Seigneur, je m’avance,
Là tu éprouves notre nuit
Et rends la lumière.
Là mon cœur aveuglé
S’ouvre à ton mystère,
Là il ressuscite.