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Les pèlerins d’Emmaüs.

         « Les exégètes les plus critiques reconnaissent le caractère intact, quasi originel, de certains épisodes décisifs comme celui des pèlerins d’Emmaüs » [1] que nous venons de lire.

         Et pourtant la localisation exacte de ce village, dont Luc nous précise qu'il se trouve à 60 stades de Jérusalem, soit 12 kilomètres environ, est discutée … car certains manuscrits ont 160 stades… ce qui doit être une erreur, car cela fait plus de 30 kms ! On propose Amwas à côté de l’abbaye de Latrun, à 160 stades comme certains manuscrits, Abu Gosh  ou Qiryat-Téarim, route de Jaffa, où se trouve une abbaye bénédictine et où séjourna autrefois l’Arche d’Alliance et Al-Qubaybah près de Lydda, Lod aujourd’hui. Rien n’est probant totalement.

 

         Je retiens 3 points de méditation dans ce texte bien connu.

         

         Premier fait très intéressant, c’est que les deux disciples ne reconnaissent pas Jésus. C’est très fréquent dans les apparitions racontées par St Luc et St Jean : ils insistent sur le fait que les disciples ne reconnaissent pas immédiatement le Christ ressuscité. Pourquoi ? Pour deux raisons : le corps du Ressuscité se trouve dans un état nouveau qui modifie son mode de présence et l'affranchit des conditions sensibles de ce monde (espace et temps) Il peut être à deux endroits en même temps, apparaître à Pierre et être sur le chemin d’Emmaüs[2]. Mais surtout, il faut un certain temps pour que la foi naisse dans le cœur. Seule la foi peut permettre la reconnaissance. Jésus ne se voit pas comme un objet ou une personne, visible indépendamment de l’avis qu’on porte sur eux, comme un objet de ce monde. Jésus, lui, se fait voir : c’est donc un acte volontaire de sa part et un acte de foi volontaire de celui qui voit !

         De même, pour la fraction du pain : Jésus leur a parlé, les Ecritures sont devenues plus claires, leur cœur est devenu brûlant, leur charité a grandi et ils l’ont invité à rester… alors le geste de la fraction du pain est possible et lisible… leurs yeux  s’ouvrent et il disparaît : si Jésus est tout entier présent dans le pain fractionné et la coupe offerte comme il l’a dit la veille de sa mort, il ne peut pas être présent deux fois… deux présences, l’une à côté de l’autre, si je puis dire… en chair et en os et dans le Pain consacré et fractionné ! Dans le Pain… alors il disparaît.

 

         Deuxième fait à retenir : les disciples qui avaient entendu Jésus pendant deux ans et demi n’avait rien compris à ce que Jésus leur avait enseigné : leur espérance était terrestre et uniquement terrestre : « Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. »
… délivrer Israël de quoi ? Des Romains ! Le témoignage des deux disciples est intéressant : cela ressemble à ce que peuvent dire des gens bien intentionnés sur le Christ… sans la foi. Jésus dans le cadre de cette vie humaine seulement, cette vie humaine cernée entre naissance et mort. Ou bien c’est un bon maître de morale comme sous la 3ème République, ou bien on ne voit pas à quoi il peut nous être utile… voire même, il est même nocif comme on le pense autour de nous aujourd’hui où l’on se sépare volontairement de lui. Tout est mort. Voilà ce que serait le christianisme sans la résurrection… et ce qu’est la société humaine sans lui.

 

            Troisième fait à retenir : ce qui fait sortir les disciples de leur peu de foi, c’est la plongée que Jésus leur fait faire dans les Ecritures, dans continuité millénaire des Ecritures, en les obligeant à voir que les Ecritures ne parlent pas d’un Messie politique humain ! On ne sauve pas politiquement le monde !... pas plus d’un Messie moral, de la Loi : la Loi ne sauve pas ! Elle montre seulement de quoi on peut être sauvé ! Les Ecritures juives annoncent un Messie paradoxal, insaisissable hors des normes humaines habituelles, un chemin toujours refusé, celui qui conduit à la réussite par l’échec, un Messie de service et de mort offerte, donnée : « Ne fallait-il pas que le Christ
souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Tant que l’homme veut maîtriser son salut, il fait plus de mal que de bien, tant que l’homme veut dominer – quelle que soit la forme de domination – il ne sauve pas mais il écrase. Tant que l’homme veut sauver sans Dieu ou à sa place, il aggrave la déchéance humaine. Les disciples n’avaient pas compris… et nous, avons-nous plus compris ? Même nous, les chrétiens ?

 

         On comprend que le centre de la vie chrétienne soit la plongée dans la continuité des Ecritures et l’accueil de la fraction du pain que nous faisons chaque dimanche dans la célébration de l’eucharistie. 

         Dans cette action hebdomadaire, nous sommes unis à tous nos frères chrétiens vivants sur la face de la terre en ce moment mais aussi à ceux du Ciel, nos ancêtres qui nous précèdent auprès du Père, dans la joyeuse liturgie céleste.

         Mais certains de nos frères nous ont laissé trace de leur plongée dans les Ecritures millénaires expliquées par Jésus et comprises par son enseignement :

         - les Icônes des tout premiers temps de l’Eglise et poursuivies dans la parti orientale de l’Eglise.

         - mais aussi, pour le Moyen Age, comme l’ont découvert avec émerveillement les paroissiens de St Pierre, pèlerins de Chartres, dans les vitraux à l’enseignement fabuleux et la statuaire des portails, les uns et les autres réalisés, nous ont dit nos guides expérimentés, pour porter à l’intérieur des cœurs et à l’extérieur de l’Eglise ce qui était annoncé du salut dans la liturgie de la cathédrale. 

 

Amen.

 

 

 

[1] Olivier Clément Le Christ terre des vivants. 1976. Edi. de 2019 p. 50

[2] Voir la conclusion du récit de Luc à la fin !

Commentaires

  • Il était là
    Et je ne le savais pas...
    Dans son corps brisé de fatigue et de souffrance.
    Pourtant les 2 disciples
    Sur leur triste route
    L'ont reconnu à la fraction du temps .
    Et voilà que la phrase trop souvent chantée du cantique :
    "Pain rompu pour un Monde Nouveau!"
    Pour moi ,prends tout son sens!
    Grâce à ce geste du prêtre,
    Donne moi de t'aimer et te contempler
    Chaque messe ,dans ta passion /Résurrection
    Comme une source vive qui déborde
    pour l'éternité.
    Donne moi de toujours te connaître davantage
    Pour te faire aimer ! .....................
    Car l'église
    est plus qu'un club,
    si beau et organisé soit -il,
    Elle est l'eau Vive,
    L'esprit
    jaillissant du Cœur du Christ
    qui coule
    Et déborde du cœur des baptisés
    Vers les périphéries....................
    ........................Merci pour la transmission de ce qui fait
    La beauté de la foi par les enseignements reçus sur les vitraux et la statuaire pendant le pélerinage à Chartres.
    Souffrant du genou ,je n'ai pu faire toutes les visites mais j'ai vu et reçu l'essentiel.
    Merci au père Curé pour la préparation de ce beau temps
    fraternel et pour l'aide la prière et la compassion reçue des membres du groupe de pélerins.

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