14ème dimanche A
« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. » (Evangile selon St Matthieu 11/25 et s)
Ce petit enseignement de Jésus donné aujourd’hui est d’une très grande densité. Nous y apprenons d’abord que Dieu veut se révéler, à qui et comment. On a un peu oublié, en parlant beaucoup du péché et de sa rémission, que le grand désir de Dieu est de se faire connaître et d’être aimé.
Dieu veut se révéler. Avant Jésus, tout l’Ancien testament proclame cette volonté divine : Dieu a créée le monde te l’humanité pour que l’humanité le connaisse, s’en réjouisse et puisse vivre éternellement dans la communion de Dieu, seul être capable de combler le cœur de l’homme créé justement pour cette communion !
Le livre de la Sagesse reproche aux païens de ne pas avoir été capables de passer de la beauté et de la bonté de la Création à la beauté et à la bonté du Créateur ![1]
« De nature, ils sont inconsistants, tous ces gens qui restent dans l’ignorance de Dieu : à partir de ce qu’ils voient de bon, ils n’ont pas été capables de connaître Celui qui est ; en examinant ses œuvres, ils n’ont pas reconnu l’Artisan. Car à travers la grandeur et la beauté des créatures, on peut contempler, par analogie, leur Auteur. »
Les juifs de leur côté, interpelés par Dieu en Abraham et par tous les prophètes ont eu beaucoup de mal à accueillir réellement Dieu dans leur existence personnelle et communautaire : dès l’Exode, ils souffrent de l’invisibilité de ce Dieu qui vient de les sauver[2] :
« Le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne. Il se rassembla contre Aaron et lui dit : « Debout ! Fais-nous des dieux qui marchent devant nous. Car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Égypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. » Et il font un Veau d’or… comme plus tard, ils honoreront les idoles des Cananéens. Un dieu qui marchent devant nous et qu’on voit dans la statue.
C’est donc toute l’humanité qui est à la fois attirée et travaillée par un désir d’absolu et qui cherche partout comment combler ce désir, partout sauf en Dieu, qu’on en voit pas, qu’on ne sent pas, dont on ne voit pas la présence. Comme le dit Isaïe[3], lui, fidèles disciple de Dieu dans le temple de Jérusalem : « Vraiment tu es un Dieu qui se cache, Dieu d’Israël, Sauveur ! »
Dans son désir de se faire connaître et aimer en réponse à son amour créateur, Dieu rencontre un double échec : le refus de l’homme dès les commencements d’entre dans cette alliance avec Dieu, la création devient opaque pour l’homme : écoutons encore la Sagesse[4] : « ils n’ont pas été capables de connaître Celui qui est ; en examinant ses œuvres, ils n’ont pas reconnu l’Artisan. Mais c’est le feu, le vent, la brise légère, la ronde des étoiles, la violence des flots, les luminaires du ciel gouvernant le cours du monde, qu’ils ont regardés comme des dieux. »
Dieu semble se cacher… même à Israël, qui est à la fois séduit par ce Dieu qui lui parle, dérangé dans ses projets humains et incapables de supporter de ne pas « voir Dieu »
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la parole de Jésus : Pour se faire connaître et pour entraîner l’homme dans la communion de vie et d’amour avec Lui, Dieu nous envoie son Fils et se révèle et même se montre en lui : « Qui me voit, voit le Père ». Le but de la venue de Jésus, le Fils Bien Aimé du Père ayant assumé une nature humaine, est de révéler le Père. « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Comprenons bien : il ne s’agit pas seulement de découvrir l’existence de Dieu.
Cette découverte, en effet, l’homme peut la faire avec sa raison : Dans la Constitution Dei Filius, le concile Vatican I affirme que la raison naturelle de l’homme peut arriver à la connaissance claire que Dieu existe, en tant que Créateur du monde. Ce fut le cas de bien des philosophes grecs, Descartes, … et même, c’est le cas des astrophysiciens aujourd’hui, comme le montre le livre récent : « Dieu, la science, les preuves, l’aube dune révolution » par Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, préfacé par le prix Nobel de physique, Robert Wilson. Je cite : « les découvertes de la relativité, de la mécanique quantique, de l’expansion de l’univers, de sa mort thermique, du Big Bang, du réglage fin de l’univers, ces connaissances nouvelles sont venues dynamiter les certitudes ancrées du 20ème siècle au point que l’on peut dire aujourd’hui que me matérialisme est en passe de devenir une croyance irrationnelle ». De ces merveilles de l’univers, les astrophysiciens nous conduisent à l’Intelligence qui les a pensées.
Découvrir que cette Intelligence appelée Dieu, existe, par l’existence de la création, c’est une chose. Très belle et bonne ! Mais découvrir QUI IL EST, cela l’esprit de l’homme en le peut.
Seule l’écoute de Jésus dans la foi, Jésus celui que le Père a envoyé pour se révéler, peut nous dire qui est Dieu. « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Et c’est pour cela que la condition pour connaître qui est le Père, c’est d’être un « tout petit » et non pas « un savant ».
Le savant, « sage ou sagace » dit le texte c’est celui qui se confie seulement sur sa connaissance humaine, celui qui s’appuie uniquement sur sa raison pour connaître… Dieu (pour les païens) ou le sens des Ecritures divines (pour les juifs)
Les « tout petits » c’est le mot qui désigne dans l’Evangile selon St Matthieu, les disciples de Jésus ; ceux qui se sont mis à son écoute, ceux et celles qui le suivent. Les « tout petits », ce sont les pauvres des Béatitudes.
Est-ce à dire qu’il faut renoncer à la raison pour croire ? Non pas renoncer… Cette raison c’est Dieu qui nous l’a donnée… et c’est pour que nous nous en servions à bon escient : pour le monde naturel, notre raison suffit même si nous sommes loin de tout comprendre ! Mais pour Dieu, notre raison ne peut être une aide que dans la foi, dans l’acte de foi : le raison doit accepter de se soumettre à ce que Dieu dit, pour, ensuite, chercher et trouver la compréhension des enseignements divins, découvrir la beauté, la bonté et la vérité de Dieu., ce que St Jean Paul II appelait : « la splendeur de la vérité » quand il écrivait au commencement de son encyclique : « LA SPLENDEUR DE LA VERITE se reflète dans toutes les œuvres du Créateur et, d'une manière particulière, dans l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu : la vérité éclaire l'intelligence et donne sa forme à la liberté de l'homme, qui, de cette façon, est amené à connaître et à aimer le Seigneur. C'est dans ce sens que prie le psalmiste : « Fais lever sur nous la lumière de ta face » [5]
[1] Sagesse 13/1 et 5
[2] Exode 32/1-11
[3] Isaïe 45/15
[4] Sagesse 13/2
[5] Ps 4/7