A propos de l’Evangile de Thomas en St Jean ….
Tout est paradoxal dans les textes d’aujourd’hui, entre l’apparition du Christ à St Jean dans l’Apocalypse et le récit de la 1èreapparition du ressuscité aux apôtres :
- Nous sommes le soir de Pâques. Jésus a rencontré les femmes le matin, et seulement tard le soir les hommes… les laissant dans la foi seule et le travail pour digérer le témoignage des hommes dont on nous dit qu’ils se sont moqué.
- « Il est là au milieu d’eux » : surprise devant une manifestation extraordinaire de quelqu’un qui demeure ordinaire (pas de lumière, pas d’éblouissement, pas de vêtement blanc mais les ordinaires, ceux d’avant, pas d’effet foudroyant sur les apôtres sauf la surprise et le désappointement, puis enfin la joie) « Jésus resplendit moins qu’à la transfiguration, … il afranchi la mort, il est remonté des enfers, et il est là malgré tout avec une pudeur inexplicable, à se manifester comme un passant. Les évangélistes insistent sur cette modestie, « il est là au milieu d’eux. »[1]Dois-je rappeler Marie Madeleine qui l’a pris pour le jardinier, les pèlerins d’Emmaüs pour un étranger… et les apôtres pour un fantôme !!
- «Jésus tient à se montrer simplement humain et rien que cela suffirait à prouver qu’il est Dieu (car un simple humain ne voudrait surtout pas paraître simplement humain, il aurait même cette fâcheuse tendance à en faire des tonnes pour paraître comme un dieu. Il ne veut pas briller comme une vedette. »1Les cicatrices de la passion demeurent… qui rappellent sa faiblesse et non sa force !
- Le Christ leur fait deux dons : la paix ( je vous donne MA paix : harmonie avec Dieu, avec soi-même, avec els autres, avec la nature) et l’Esprit, ou plutôt le Souffle qui doit totalement dynamiser leur vie, le quotidien de leur vie, la pratique de leur vie. Car tout est là : après tout, Jésus a mieux à faire que de réaliser des choses extraordinaires ou de parler de choses extraordinaires… Il vient pour réjouir les siens, les apaiser et illuminer l’ordinaire de la vie humaine de l’intérieur… « cet ordinaire qu’il a, comme créateur, inventé et qu’il nous a donné… « La gloire du ressuscité épouse le quotidien des hommes »1lui toute sa beauté, sa profondeur, sa dimension divine.
Tout dans la Lumière pascale, lumière diffuse, est transformé à nos yeux : le monde divin affleure, éclaire nos actes, montre leur beauté, féconde nos paroles, bénit, fortifie, consacre notre amour, … nous fait apprécier tout acte, toute parole, tout sentiment à sa profondeur réelle,.. Quelle joie au lever de voir la lumière, les couleurs, la mélodie du vent, et même de la pluie… Quelle beauté d’être père ou mère, de se rencontrer entre ami ! St François d’Assise et son magnifique chant des créatures est le disciple qui a compris que la rencontre aujourd’hui avec le Christ Ressuscité se fait dans l’amour de la création et de la créature.
Mais alors,ayant évoqué et savouré l’être propre de chaque chose, nous pouvons faire un second pas : nous pouvons regarder à l’intérieur et au-delà de chaque chose, découvrir en elle et à travers elle la présence divine. Voilà que la création retrouve sa vocation première : conduire à Dieu qui l’habite en son secret.« le monde n’acquiert son vrai sens, ne retrouve son vrai sens que lorsqu’il est considéré comme le reflet d’une réalité qui le transcende. » (Kallistos)
- Le ressuscité apprend donc aux apôtres et aux disciples « à aimer la création pour elle-même, dans sa consistance et son intégrité propres… puis de permettre à cette création de devenir comme transparente, pour qu’elle nous révèle la présence du Ressuscité créateur en elle. Ce que nous ferons en recevant tout à l’heure le pain consacré comme un pain qui nous donne la présence incandescente du Seigneur, comme un buisson ardent.
Lors de l’incendie de la cathédrale Notre Dame de Paris, au milieu de toutes les déclarations et envolées plus ou moins lyrique et médiatiques, Mgr Aupetit a rappelé que cette splendeur de pierres sculptées, de verres, de bois a été élevée par les catholiques pour abriter un morceau de pain… dans lequel les catholiques voient et dorent la Présence de Dieu. La beauté de l’édifice veut surtout honorer et servir « ce morceau de pain »… mais la splendeur de la cathédrale, son « impact » et son message sont le rayonnement de ce « morceau de pain » au sein de la cité humaine.
Dans cette église, il y a bien les 7 chandeliers d’or[2]que décrit l’Apocalypse… ils entourent l’autel sur lequel va reposer dans quelques instants le Seigneur Jésus ressuscité présent dans un peu de Pain.
Amen.
[1]Les citations sont de Fabrice Hadjadj « Résurrection mode d’emploi ».
[2]Allusion à la disposition des grands chandeliers autour de l’autel dans le nouvel aménagement liturgique de notre église paroissiale Saint Pierre à Nancy.