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Billet spirituel - Page 22

  • 31ème dimanche de l'année A

                Qui oserait prendre la parole après deux telles diatribes, de Malachie contre les prêtres de son temps et de Jésus contre els maîtres et les docteurs pharisiens !!

                Ces passages de l’Ecriture de ce matin font naître en moi les réflexions suivantes.

    1 – Jésus a voulu que des paroles infaillibles, quelle que soit la sainteté du prêtre – puissent toujours construire son Eglise : « Je te baptise » « ceci est mon Corps, mon Sang… » « Je te pardonne ». Ainsi l’Eglise peut naître vivre et grandir… même avec des ministres indignes. Cependant, tout le reste du ministère dépend de la sainteté du ministre. St Paul en est un magnifique exemple. Le texte d’aujourd’hui nous livre son cœur de ministre du Seigneur : une grande affection pour ceux qu’ils sert dans la foi. Une volonté de leur donner non seulement sa prédication mais aussi sa propre vie ! Un travail personnel pour n’être pas à charge … l’acceptation de toutes les difficultés – et elles sont nombreuses et répétitives pour le pauvre Paul - pour annoncer le Christ.

                Nous sommes donc invités à prier pour les prêtres, pour leur sainteté. Le nombre importe peu en définitive…ce qui compte, c’est leur sainteté, leur zèle, le don d’eux-mêmes total au Christ, la livraison de tout leur être à l’action sanctificatrice de l’Esprit Saint et sans doute aussi, comme le dit st Paul, la conviction que la Parole qu’ils portent n’est pas parole « humaine » – à leur taille, modifiable à leur goût, selon les modes et les idéologies – « la Parole même de Dieu à l’œuvre chez les croyants ».

    2 – Avec Jésus, c’est la comédie humaine qui est dénoncée… le paraître, se faire remarquer, prendre les premières places ou du moins les convoiter à en être malades… Comédie sociale qui a aussi, hélas, sa place dans la communauté juive… comme dans la chrétienne. Jésus a des paroles extrêmement sévères : « ils disent et ne font pas »… qui est indemne de ce reproche, parmi chrétiens et prêtres ? « ils font tout pour être remarqués des hommes »… toute la société est remplie des « coups de com. » comme on dit, paraître même si c’est du vent, parler même si c’est pour mentir et tromper, … Faire travailler les autres et soi, ne rien faire, ne pas remuer le petit doigt ! Ces paroles de Jésus sont très incisives. Ne nous dérobons pas à elles !

    3 – Mais le bouquet final est merveilleux : « n’appelez personne Rabbi/docteur car vous n’avez qu’un seul docteur, le Saint Esprit…personne Père car vous n’avez qu’un Père, le Père des cieux…personne maître car vous n’avez qu’un seul maître le Christ et vous êtes tous frères. » Chacun de nous est libre par rapport aux mauvais prêtres, aux docteurs de toutes sortes, plus ou moins bons, aux maîtres de pacotille, aux faux pères… car dans l’état de grâce, chacun est en relation directe, personnelle, avec la Trinité qui habite en lui ! Chacun est inondé de cette Présence douce, forte, illuminante… à une condition - et c’est la dernière phrase - à une condition, l’humilité généreuse : « Celui qui veut être le plus grand se fera le serviteur de tous. »…humilité… serviteur comme le Christ… généreux de tous comme le Christ.

  • Les béatitudes selon St Matthieu.

                Dans l’Evangile selon Matthieu, c'est le début du premier discours de Jésus. Les Béatitudes sont donc un commencement. Un commencement au même titre que d’autres commencements dans la Bible… la création… où chaque jour, Dieu vit que cela est bon, très bon… Naissance du monde ! les 10 Paroles de Vie au Sinaï, une autre montagne. … Naissance du peuple de Dieu.

             Sur la montagne de Galilée, il s’agit aussi d’une naissance, le Nouveau Peuple de Dieu, continuité de l’Ancien mais aussi Nouveauté absolue. : le Christ est au centre, comme celui qui enseigne – Moïse recevait la loi de Dieu – le Christ est au centre comme le modèle – qui a mieux vécu selon les Béatitudes que lui-même – Le Christ est au centre qui donne l’Esprit Saint.

     

             Ce commencement du Nouveau Peuple de Dieu est une joie inouïe. Le mot ''heureux'' revient neuf fois… 9 béatitudes… et une 10ème encore plus joyeuse avec deux injonctions « Réjouissez Vous ! Soyez dans l’allégresse ».

             Et pourtant quel paradoxe ! Ceux et celles que Jésus déclare heureux, ne se croyaient sans doute pas tels ! Mais Jésus leur déclare qu’en cela, il va les rendre heureux. Car la fin du texte devient tout à coup direct: ''Heureux êtes-vous lorsque…'' alors qu'avant, Jésus paraissait s'adresser d’une manière plus générale… là il se tourne vers ses disciples et la foule qui l’entoure.

     

             Attachons-nous à la première béatitude : Heureux les pauvres en esprit, le Royaume des cieux EST à eux. Chaque béatitude énonce un état spirituel de l’homme (pauvre, doux, miséricordieux, pacifique, pur, passionné de la sainteté (justice= être juste), supportant l’épreuve) puis comme une récompense conséquente : toutes au futur… « seront consolés, hériteront le terre, seront rassasiés »… sauf pour la première, où le Royaume est à ceux qui sont pauvres en esprit.

             C’est comme si la première béatitude ouvrait le royaume… un royaume d’aujourd’hui et d’avenir où nous serons consolés, rassasiés…où nous devenons fils de Dieu, pardonnés…

     

             Heureux ?

             Selon les traducteurs, le mot hébreu peut signifier : « bienheureux, béni, magnifique, enviable, prospère. » Mais le mot grec Makarios traduit un mot hébreu qui exprime « l'idée de marche, de mouvement », exprimant la notion de dynamisme. Chouraqui le traduit par en marche : il ne s'agit pas  d'un état de béatitude passif, mais d'un état de béatitude actif, d'une marche en avant, d'un bonheur... actif ! Une action qui, si nous écoutons la fin de la phrase, peut nous amener à entrer dans le royaume des cieux, tout de suite ! « Il est à eux », dit il, au présent.

     

             Etre pauvre ? Dans la langue hébraïque, le mot qui désigne les pauvres est « 'anawim ». Il évoque ceux qui sont « courbés, prostrés, opprimés ».C’est devenu dans les derniers siècles avant Jésus Christ, dans le peuple d’Israël, une spiritualité, une attitude spirituelle, une manière de se tenir devant Dieu : cela signifie tout simplement accepter d'être totalement dépendants de Dieu. Savoir comme dit Jésus qu’  « une seule chose me manque », suivre le Christ jusqu’à être persécuté pour lui.

             Ces pauvres en esprit sont humbles, savent compatir (ceux qui pleurent) sont doux, artisans de paix, purs, miséricordieux, assoiffés de sainteté… plus exactement, joyeux dans leur humilité, dans la douceur, dans la paix, dans l’épreuve de la persécution, dans le pardon…

             Ces pauvres en esprit, connaissent leur faiblesse, leur fragilité, ils se savent souvent incapables de résister au mal, c’est l’attitude décrite par Paul, un homme intellectuellement puissant, qui écrivait : « C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. » (2 Co 12/9-10) Mais encore en 2Co. 5/15 : « Jésus est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux ». Ces avis de Paul éclaire notre compréhension : le pauvre en esprit, c’est celui qui sait ses faiblesses et ses manquements mais qui sait surtout qu’il ne veut plus vivre pour lui-même mais pour le Christ mort pour lui… qui sait que dans l’acception de ses faiblesses se trouve sa force.

             Sa force ? Cette phrase de St Paul nous donne sans doute la clé de « pauvre en esprit » que l’on pourrait traduire - ne l’appelle-t-on pas « Père des Pauvres » (pater pauperum) dans la séquence de la Pentecôte ?- pauvre selon/par l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas d’être timide, servile, écrasé, faible, ni de se tenir à l’écart, ni de ne jamais se faire remarquer. Être "pauvre en esprit" ne consiste pas non plus à se minimiser ou à écraser sa personnalité.

                « Les Pauvres en Esprit » sont ceux qui sentent que l'Esprit  Divin leur manque » ! qui ne veulent pas prendre appui sur eux-mêmes mais qui rebondissent – heureux - dans leur manque et leur petitesse, vers le Christ dans la joie de l’Esprit Saint.

  • Préface du Pape émérite Benoît XVI au 11ème volume de l’édition de ses œuvres théologiques et pastorales.

             « Nihil Operi Dei praeponatur » ce qui veut dire Ne rien préférer à l’œuvre de Dieu. Par ces paroles, saint Benoît, dans sa Règle (43,3), a établi la priorité absolue du Culte divin sur tout autre devoir de la vie monastique. Cela, même dans la vie monastique, n’était pas immédiatement une évidence parce que pour les moines le travail de l’agriculture et de la science était aussi un devoir essentiel.

             Aussi bien dans l’agriculture que dans l’artisanat et dans le travail de formation, il pouvait y avoir des urgences temporelles qui pouvaient sembler plus importantes que la liturgie. Face à tout cela Benoît, avec la priorité attribuée à la liturgie, met en relief la priorité de Dieu dans notre vie, sans équivoque : « A l’heure de l’Office divin, dès que l’on entend le signal, on laisse tout ce que l’on a entre les mains, on accoure avec la plus grande sollicitude » (43,1).

             Dans la conscience des hommes d’aujourd’hui, les choses de Dieu, et avec elles la liturgie, ne semblent pas du tout urgentes. Il y a urgence pour toutes les choses possibles. La chose de Dieu ne semble jamais urgente. Aujourd’hui, on pourrait affirmer que la vie monastique est en tout état de cause différente de la vie des hommes dans le monde, et c’est certainement juste. Et cependant la priorité de Dieu que nous avons oubliée vaut pour tous. Si Dieu n’est plus important, on déplace les critères pour établir ce qui est important. L’homme, en mettant Dieu de côté, se soumet lui-même à des contraintes qui le rendent esclave de forces matérielles et qui sont ainsi opposées à sa dignité.

             Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, je suis devenu à nouveau conscient de la priorité de Dieu et de la liturgie divine. Le malentendu de la réforme liturgique qui s’est largement répandu dans l’Eglise catholique a conduit à mettre toujours plus au premier plan l’aspect de l’instruction et de son activité et sa créativité. L’action des êtres humains a fait presque oublier la présence de Dieu. Dans une telle situation, il devient toujours plus clair que l’existence de l’Eglise vit de la célébration juste de la liturgie et que l’Eglise est en danger lorsque le primat de Dieu n’apparaît plus dans la liturgie et ainsi dans la vie. La cause plus profonde de la crise qui a bouleversé l’Eglise réside dans l’obscurcissement de la priorité de Dieu dans la liturgie. Tout cela m’a conduit à me dédier au thème de la liturgie plus largement que par le passé parce que je savais que le vrai renouveau de la liturgie est une condition fondamentale pour le renouveau de l’Eglise.

             Sur la base de cette conviction sont nées les études qui sont recueillies dans ce volume 11 de l’Opera omnia. Mais au fond, malgré toutes les différences, l’essence de la liturgie en Orient et en Occident est unique et identique. Et ainsi j’espère que ce livre pourra aider aussi les chrétiens de Russie à comprendre de façon nouvelle et mieux le grand cadeau qui nous est donné dans la Sainte Liturgie.

    Cité du Vatican, Fête de Saint Benoît,   11 juillet 2015         Benoît XVI

  • Exaltation de la Ste Croix

                Dans ses catéchèses baptismales, St Cyrille de Jérusalem, le St évêque du 4ème siècle, rappelle à ses fidèles: « on peut voir au milieu de nous le bois de la Croix et celui-ci a été distribué par petits morceaux à toute la terre. ». En effet, bien des paroisses possèdent un fragment de cette croix: on peut donc voir, au milieu des communautés chrétiennes, la Croix du Seigneur.

                Par cette relique qui est là devant vos yeux, nous voilà conduits en Terre Sainte ! Durant les événements de notre salut ! Pour garder les lieux Constantin a fait édifier une basilique et c’est vers 335 qu’a eu lieu la consécration de l’édifice impérial construit sur le tombeau du Seigneur et nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire de cette dédicace. Comme dès les premiers temps, à Jérusalem, l’anniversaire de la consécration donne lieu à l’exaltation de la Croix - on la montre - pour provoquer dans nos cœurs de fidèles la joie, la reconnaissance et l’amour de notre Sauveur.

                Nous voici donc, aujourd’hui, DEVANT LA CROIX DU SEIGNEUR

                Ce qui nous rend silencieux et adorant c’est, pour parler comme St Paul, le trop grand amour [1]qu’il nous a porté en décidant de mourir ainsi pour nous. St Nicolas Cabasilas, un oriental du 15ème siècle, écrit: « De même que chez les hommes, quand la tendresse devient trop grande pour le coeur qui la contient, elle fait sortir d’eux-mêmes ceux qui aiment, de même son amour pour les hommes a vidé Dieu. car il ne demeure pas chez lui en appelant à Lui l’esclave qu’il a aimé mais il descend lui-même le chercher. » Ces quelques lignes sont inspirées par l’hymne de l’épitre aux Philipiens[2] que nous avons entendu. St Paul y décrit l’humiliation de Jésus, l’abaissement divin, le « vide » [3]pour reprendre le mot de l’apôtre: le Fils de Dieu n’a pas fait comme Adam; il n’a pas revendiqué son droit, il n’ a rien cherché à ravir : il s’est abaissé, humilié à l’extrême. Voilà la Croix.

                Mais Cabasilas souligne à juste titre le motif de cet abaissement de Jésus : l’amour fou de Dieu pour sa créature... On ose à peine dire cela tant c’est inouï !... l’amour fou de Dieu pour chacun de nous qui fait sortir Dieu en quelque sorte de lui-même pour venir nous chercher ! Cabasilas continue : « Pour ne pas laisser caché un si violent amour, pour nous faire goûter cette charité extrême.... Dieu imagine cet abaissement et le réalise... Ayant ainsi convaincu de son amour, il retourne vers lui-même l’homme qui fuyait le Très Bon parce qu’il s’en croyait haï. »

                Mais on aurait pu penser que l’événement de la Croix et de la passion devait s’estomper après la résurrection. Ce fut un moment douloureux, terrible que la résurrection effaçait. Or il n’en est rien ! Quand le Christ rejoint les siens victorieux, au matin de Pâques, il porte les marques des plaies que Cabasilas appelle de ce beau nom : « des cicatrices d’amour, qui ornent ses mains, ses pieds et son côté comme de pierres précieuses. » Le Crucifié est Glorieux et la Gloire est crucifiée; la Croix est glorieuse car l’amour qui en était le motif secret, éclate dans sa victoire. C’est pourquoi les marques des plaies du Seigneur - marques de son amour infini - demeurent dans le corps du Ressuscité: « Il porte les cicatrices sur son Corps note Cabasilas....son Corps est spirituel, il ne connaît plus ni pesanteur, ni épaisseur, ni aucune autre affection corporelle.. mais il n’a pas du tout effacé ses plaies ; au contraire, il a tenu à les garder, à cause de son amour pour l’homme, parce que c’est par elles qu’il a retrouvé l’homme qui était perdu et c’est en étant blessé qu’il a conquis celui qu’il aimait. » 

                Sommes-nous conquis ? Allons-nous rendre amour pour amour ?

     

    [1] Ephésiens 2

    [2] chapitre 2

    [3] ekenôsen en grec. A donné kénose en Français

  • La confession de foi de Pierre

    en St Matthieu 16

     

      Jésus emmène les siens dans la région de Césarée de Philippe : lui qui ne voulait pas entrer en terre païenne (voir évangile de la phénicienne) conduit les siens dans une région éloignée de Jérusalem, auprès d’une ville moderne offerte par Philippe à l’empereur, ville païenne sans communauté juive. Bâtie contre une falaise, dans le piémont de l’Hermon, la ville reçoit une des 7 sources du Jourdain qui jaillit d’une grotte à mi hauteur de la falaise et coule dans de jolis bassins au milieu de la ville consacrée au dieu Pan. C’est là que le Seigneur va fonder son Eglise ! Face au monde païen.

      Il questionne sur ce qu’on pense de lui dans le peuple. Ce qui frappe dans les réponses, c’est qu’elles sont toutes du passé : pour envisager l’avenir, l’homme le fait toujours… avec du passé. Seul Dieu fait vraiment du neuf et celui qui ose avec Lui.

      Ce que fait Pierre au nom des Douze.

      Pierre a été conduit à Jésus par son frère André qui avait suivi Jésus avec Jean sous l’impulsion de Jean le Baptiste. Et André de dire à son frère Pierre : « nous avons trouvé le Messie »… signe qu’ils le cherchaient tous les deux depuis longtemps, qu’ils en parlaient, qu’il l’imaginaient…Ils faisaient donc partie du groupe qui attendait un Messie et c’est Jean Baptiste, personnalité capitale de ce courant, qui leur a indiqué Jésus. Les mois qui ont suivi après l’appel au bord du lac ont donc confirmé Pierre et les Douze : « Tu es le Christ ou le Messie »[1] C’est une magnifique déclaration, fruit d’une recherche, d’une réflexion. Et d’une fréquentation. «Viens et vois ! »

      Mais Pierre ajoute : « Tu es le Fils de Dieu, le Vivant ». Alors la parole de l’apôtre prend une dimension extraordinaire qui va susciter la grande joie de Jésus. S’il avait dit « fils de Dieu » cela n’aurait pas été étonnant : on disait les rois « fils de Dieu »… dans la Bible comme chez les païens qui divinisaient l’empereur. Mais dire « Fils de Dieu, le Vivant » c’est désigner une filiation dans le Dieu Vivant, l’Unique d’Israël, le Vivant devant qui se tient le peuple !

      D’où la joie immédiate de Jésus : la même que celle qu’il a manifesté quand il déclarait : « je te rends grâce Père de ce que tu as caché cela aux sages et aux savants et révélé aux tout petits. Personne ne connaît le Père sinon le fils et le Fils son le Père et celui à qui il veut bien le révéler. » Jésus se réjouit que Dieu ait révélé à Pierre son mystère intime ; Pierre n’a pas compris cela tout seul « avec la chair et le sang » mais par don de Dieu, le don de la foi « l’évidence des choses non vues » comme disait Gabriel Marcel. Il en est de même pour nous : Paul l’affirme : « nul ne peut Jésus est Seigneur (= Dieu) sans le St Esprit. »

      Je vous disais le semaine dernière que l’Evangile de St Matthieu avait été écrit d’abord en araméen pour les enfants d’Israël et qu’ensuite, il avait été traduit en grec et augmenté. Le passage d’aujourd’hui fait partie de la partie araméenne : Jésus s’adresse à Pierre avec une appellation bien araméenne : Simon Bar Yonas… et le jeu de mot sur Pierre - surnom et caillou - n’est possible qu’en araméen et en français !

      Jésus construit sa Maison sur la pierre… Il est l’homme avisé dont il a parlé plus haut dans l’Evangile – au chapitre 7 - : « tout homme qui écoute ce que je vous dis là et le met en pratique ressemble à un homme avisé qui a bâti sa maison sur la pierre… » Mais comme en 7, on traduit pierre par roc…on ne voit plus le lien !

      « Sa Maison » qu’il appelle « EGLISE » c’est à dire « Assemblée sainte convoquée par Dieu, réunie par Lui »

      Contre cette Assemblée sainte, « les portes » de l’enfer, de la mort ne pourront rien. Les « portes » ? Terme encore là très archaïque… La justice et le gouvernement des villes se faisaient à la porte où se rassemblait la communauté. Dans l’empire ottoman, on parlait du gouvernement en l’appelant «  la sublime Porte ». Cette Assemblée sainte ne pourra pas être atteinte par la mort.

      Pierre se voit ensuite instituer « gouverneur » de cette assemblée, comme l’était Elquyaou dans le texte d’Isaïe : il avait reçu « la clé de David »… Le Messie est donc bien royal et son gouverneur pourra faire entrer ou non dans l’assemblée, faire rentrer ou non (délier/lier), y compris dans le domaine du péché, « réconcilier ou non » comme le Grand Prêtre.

      Derrière cette présentation originale du Messie que fait Jésus – Jésus est nouveauté absolue, son messianisme n’est pas déductible de l’Ancien testament même si les éléments qui le composent y sont -, nous avons donc : un Messie davidique, sacerdotal et Fils du Dieu Vivant. Seul un texte de l’Ancien Testament tient ces trois points ensemble : le psaume 109 chanté tous les dimanches soirs aux vêpres et aux fêtes…

     

    Oracle du Seigneur (=Dieu) à mon seigneur (= Dieu)

    Jésus demandera aux pharisiens : « Le Messie, de qui est-il le fils ? … Si David l’appelle     Seigneur, comment est-il donc son fils ? » (Mt 22/41-45)

    « Siège à ma droite, * et je ferai de tes ennemis le marchepied de ton trône. »

    Nous proclamons le Christ « assis à la droite du Père »

    Depuis Sion, le jour où paraît ta puissance, tu es prince, éblouissant de sainteté :

    Il est prince, donc royal, de Sion.

    « Comme la rosée qui naît de l'aurore, je t'ai engendré. »

    l est engendré de Dieu, imperceptiblement, sans qu’on le voit, un secret, comme la rosée naît subitement sans qu’on sache d’où elle vient ni comment.

    Le Seigneur l'a juré dans un serment irrévocable : * « Tu es prêtre à jamais selon l'ordre du roi Melkisédek. »

    Il est prêtre.

     

    [1] Messie= en hébreu celui qui a reçu l’onction et traduction en grec : christos.

  • Mission en pays païen. (20ème dimanche année A)

                Voici Jésus qui se retire du côté de Tyr et de Sidon »… et c’est une femme qui « sort de ses frontières pour venir à Jésus ». Voilà ce que dit exactement le texte de Matthieu que la traduction liturgique trahit quelque peu en disant : « Jésus se retire dans la région de Tyr et de Sidon. »

                Car justement, Matthieu souligne que Jésus n’entre pas dans le territoire païen car comme il le déclare lui-même à la femme : « je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la Maison d’Israël ». St Matthieu écrit un évangile destiné aux juifs : Eusèbe de Césarée rapporte un texte de Papias écrit en 120 qui nous apprend : « Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (= des paroles de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable. » Une retroversion du texte de St Matthieu en araméen a montré qu’une partie de l’Evangile avait été écrite dans cette langue et avait été traduite ensuite en grec, traduction et augmentation du texte par Matthieu ou d’autres auteurs. St Matthieu veut montrer à ses frères israélites que Jésus est bien le Messie qui accomplit les Ecritures ( d’où les nombreuses références à l’Ancien Testament dans son texte) et il insiste sur la primauté donnée à la mission auprès des juifs par Jésus. La mission auprès des païens sera confiée par le maître aux apôtres après la Résurrection.

                Cette primauté a plusieurs raisons : montrer que le Seigneur qui a appelé Israël – l’élection – continue à le traiter comme « son fils aîné ». « Les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance » déclare St Paul dans l’épitre d’aujourd’hui ! Et dimanche dernier, il écrivait déjà dans l’épître aux Romains [1]: « j’ai dans le cœur une grande tristesse, une douleur incessante. Moi-même, pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais être anathème, séparé du Christ :ils sont en effet Israélites, ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ;ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni pour les siècles. Amen. ». Une autre raison est de rappeler aux païens que, comme dit Jésus, « le salut vient des juifs »[2] : ce que St Paul explicitera : les païens ont été greffés sur Israël pour hériter de la promesse faite à Abraham, de recevoir en lui toute bénédiction divine. C’est par greffe au Christ juif que les païens sont sauvés : « toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches, et tu as part désormais à la sève que donne la racine de l’olivier. »[3]

                Cette greffe est annoncée aujourd’hui grâce à l’audace, la foi et la liberté de cette femme « venue des territoires païens » : elle demande, persiste dans sa demande, ne refuse pas l’idée que Jésus doit d’abord se consacrer à son peuple. Mais quand il affirme qu’il doit se consacrer à son peuple et « pas aux petits chiens » (atténuant ainsi la violence de cette manière juive de parler) que sont les païens, alors jaillit la réponse pleine d’humour et d’à propos : « mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table des maîtres. ». Jésus admire et le dit avec force « ta foi est grande », sourit peut-être et accorde le salut pour la fille de cette femme. La mission auprès des païens est commencée.

     

    [1] 9/1-5

    [2] Jean 4

    [3] Rm 11/17

  • Lève-toi, ma toute belle !

    En la fête du couronnement de Marie, voilà un extrait de Saint Jean Damascène dans une homélie pour la Dormition :

    Aujourd’hui, Adam et Ève, les ancêtres de notre race, de leurs lèvres joyeuses s’écrient à pleine voix : "Heureuse es-tu, ô notre fille, toi qui nous as délivrés de la peine méritée par notre faute ! Tu as hérité de nous un corps mortel, tu nous as apporté dans ton sein, un vêtement d’immortalité ! De notre flanc, tu as reçu l’être ; tu nous as donné en retour le "bien-être" ! Tu nous as délivrés des douleurs, tu as déchiré les langes de la mort, et tu as remis en état notre ancienne demeure. Nous avions fermé le Paradis, toi, tu as ouvert à nouveau l’accès de l’arbre de vie. Par notre faute, les biens étaient devenus des peines ; par toi, de ces peines sont sortis pour nous de plus grands biens.

    Comment goûterais-tu la mort, toi qui es sans souillure ? Pour toi, elle sera un pont vers la vie, une échelle vers le ciel, une barque pour l’immortalité. Heureuse es-tu vraiment, toi la toute bienheureuse !

    Assurément le Roi est venu vers la demeure de celle qui l’avait enfanté, pour recevoir de ses mains divines et très pures, sa sainte âme virginale et sans tache. Et celle-ci, à ce qu’il semble, lui a dit : "Dans tes mains, mon cher Fils, je remets mon esprit. Reçois mon âme qui t’est chère et que tu as préservée de toute faute. C’est à toi, et non à la terre, que je remets mon corps. Garde-le sain et sauf ce corps que tu as bien voulu habiter, et qu’en naissant, tu as voulu conserver vierge. Emporte-moi auprès de toi, pour que là où tu es, toi, le fruit de mon sein, je sois aussi pour partager ta demeure. Je me hâte de retourner à toi qui descendis vers moi en supprimant toute distance.

    Après ces mots, elle entendit à son tour : "Viens, ma mère bénie, entre dans mon repos. Lève-toi, viens, ma toute proche, belle entre les femmes, car voici l’hiver passé. Belle est ma toute proche, il n’y a pas de défaut en toi. L’odeur de tes parfums surpasse tous les aromates". Ayant entendu ces mots, la sainte remit son esprit entre les mains de son Fils.

  • L'Assomption de Marie

                Le Nouveau Testament est infiniment discret sur la fin de vie de la Vierge Marie. Il existe à Jérusalem un tombeau de Marie, dans la vallée du Cédron, dans un cimetière du 1er siècle, tout près de Gethsémani : ce tombeau vide et ouvert comme celui du Christ. Le corps de Marie n’est plus nulle part sur cette terre.

                Pas plus de documents sur le « comment » de ce départ de Marie de cette terre : mort réelle comme la nôtre et celle que le Christ a vécue et résurrection toute proche, ou simple Dormition, c’est-à-dire comme un sommeil, un passage paisible de la vie sur cette terre à la communion divine plénière. Et il faut noter que le dogme de l’Assomption exprimé par le pape Pie XII en 1950 ne concerne pas les modalités de sa mort et de sa résurrection.

                La Fête d’aujourd’hui, nous fait contempler pleinement accompli en Marie le Dessein d’amour de Dieu pour les hommes.

                Dieu, nous enseigne la Bible, appelle tout être humain au partage de sa divinité. Dès sa création, l’homme a été fait à son image et comme sa ressemblance (Gn 1,26). Cette intention originelle demeure bien toujours notre destination ultime. Et elle demeure universelle. En effet, tout à la fin de l’Ancien Testament, dans le dernier livre écrit, le livre de la Sagesse, il nous est rappelé : « Dieu a créé l’homme incorruptible, affirme, il en a fait une image de sa propre nature » (2,23).

                En confessant, dans la foi que Marie, appelé dans l’Eglise la Nouvelle Eve depuis St Irénée au 2ème siècle, au terme de sa course, est pleinement glorifiée – ressuscitée - , dans son âme et dans son corps, comme image et ressemblance de Celui qui l’a créée, on est contemple en elle le dessein éternel de Dieu achevé et accompli en elle. On est dans la droite ligne de la Révélation biblique.

                Le Nouveau Testament confirme cette vocation universelle à la divinisation de tout homme qui accepte en lui l’œuvre de Dieu : L’apôtre Pierre lui-même nous dit dans sa seconde lettre, que nous devons devenir participants de la nature divine (2 P 1,4).

    Et St Paul de confirmer : « Et nous tous qui, à la différence de Moïse, n’avons pas de voile sur le visage, nous reflétons la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en son image avec une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit. »(2 Co 3,18).



                Et ce qui arrive à Marie aujourd’hui, est promis à tout homme qui accueille Dieu : Ecoutons encore St Paul dans l’épitre aux Ephésiens : « 06 Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile…. 11 C’est le projet éternel que Dieu a réalisé dans le Christ Jésus notre Seigneur…. 17 Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l'amour, établis dans l'amour.18 Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur…19 Vous connaîtrez ce qui dépasse toute connaissance : l’amour du Christ. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu. »  Il nous est dit que nous entrerons alors de toute notre plénitude dans toute la plénitude de Dieu (Ep 3,19).



                Il nous faut donc entrer dans le Dessein de Dieu de tout notre cœur et de toute notre force. La liturgie au cours du temps, nous le montre et nous l’offre. Chaque eucharistie est une invitation à entrer dans le Dessein de Dieu, à l’accueillir avec gratitude, à laisser Dieu agir en nous… en particulier vaincre nos résistances, nos infidélités, notre péché qui est toujours refus d’être unis à Dieu et vivre en lui et comme lui, puisque nous dit le livre de la Sagesse, c’est la jalousie du diable devant ce projet divin qui lui a fait distiller dans la création le poison du Mal et de la mort sa conséquence. Mais ce n’est le péché que nous devons regarder : c’est le Dessein de Dieu et sa force transformante en nous, qui est le St Esprit… le même Esprit qui a envahi Marie. C’est à lui que nous devons nous livrer pour qu’il réalise en nous son Dessein.

                Comme Marie, vivons donc le plus parfaitement possible en «compagnons du Christ». Ecoutons encore St Paul dans les Colossiens : il nous donne un style de vie pour aujourd’hui  : « Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi, vous serez manifestés avec lui pleins de gloire » (Col 3,1-3).



                La fête d’aujourd’hui est pour notre cheminement : la Vierge Marie n’est pas une exception, elle est tout simplement la première, la première arrivée. Son Assomption, en son âme et en son corps, préfigure la nôtre, attendue en espérance, la Résurrection de chacun des disciples mais aussi la splendeur de l’Eglise, Peuple de Dieu Corps du Christ et Temple de l’Esprit, Ressuscitée dans la Gloire.

  • Pierre marche sur les eaux

                Jésus obligea les disciples à repartir en barque alors qu’il allait renvoyer la foule. Ce n’est pas tant le renvoi de la foule que Jésus se ménage, que la longue nuit de prière seul, à l’écart, dans un endroit désert.

                En plus de la prière rituelle juive – 5 fois par jour, matin, 3ème, 6ème 9ème heures et le soir – que Jésus accomplit fidèlement, Jésus vit ces longues heures de nuit dans la communion au Père. Il fait entrer son humanité dans cette communion éternelle qu’il vit avec le Père dans l’Esprit Saint depuis toute éternité. Notre Dieu Unique, Notre Dieu UN est communion. Dieu ne possède pas sa divinité, il l’a donne sans cesse, le Père se donne au Fils qui se reçoit tout entier du Père et se donne au Père et ce don échangé est la joie de l’Esprit. Dieu ne se possède pas, il se donne, c’est pourquoi on lui ressemble en se donnant au x frères comme Lui… enfin, Dieu lui se donne infiniment et sans limites puisqu’il est Dieu… ce qui nous est absolument impensable !

                Puis Jésus rejoint les siens qui rament durement. C’est la vie de l’Eglise de « ramer » mais c’est aussi une belle image de la vie spirituelle, de chemin sur la rencontre avec Dieu dans le cœur : c’est un long chemin contre vents et marées, de nuit, pour se rendre disponible au Don de Dieu. Il faut prier et demander longtemps.

                Et voilà qu’ils ont peur ! On les comprend mais dès qu’il parle, la voix connue et les mots doivent les apaiser. Et bien non ! « Si c’est bien toi dit Pierre ordonne moi de venir à toi »… Si c’est bien toi !   Jésus lui dira « homme de peu de foi ».

                « Viens » ! Et Pierre est pris au mot. Quel silence dans la barque quand il lève le premier pied et le passe au-dessus du bord… puis le 2ème ! Et Pierre marche sur les eaux. « Si vous aviez la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cet arbre, déracine toi et jette toi dans la mer il le ferait. » Pierre vit cette extraordinaire audace de la foi. Puis tout à coup, le vent le détourne de Jésus, lui fait peur… alors il coule aussitôt ! Tant que dans son élan de foi et d’amitié vers le maître, il marchait vers lui, tout allait bien… mais dès qu’il se regarde et craint, tout s’effondre.

                « Homme de peu de foi » : qui ne sent que cette remarque de Jésus est dite à chacun d’entre nous ce matin. Oui, nous sommes des hommes et des femmes de peu de foi… peut-être même de pas de foi du tout. Nous sommes devant le feu divin, le brasier ardent de l’amour divin en chaque eucharistie, et nous pensons à autre chose, nous faisons des manières, nous osons justifier nos piètres doutes, nos misérables pensées, étroites, sottes et fières !

                A quoi avons-nous pensé depuis la ½ heure que la liturgie a commencé ?

                Tant que nous ne grandirons pas dans la foi – et cela se demande à Dieu qui donne la foi – tant que nous ne grandirons pas dans la foi et la ferveur, notre Eglise diocésaine, paroissiale restera ce qu’elle est : médiocre, pleine de poussière, d’habitudes pas forcément mauvaises mais qui nous étouffe, pleine de routine… et d’excuses de nos médiocrités. Et ce n’est pas réformettes structurelles – toute humaines et qu’humaines - qui nous occupent depuis si longtemps qui ont changé quelque chose ! Seule la foi et le ferveur de la communion à Jésus, peuvent être le climat de conversion. C’était une conviction si souvent énoncée du cardinal Lustiger dont nous commémorons le 10ème anniversaire de la mort. Ce fut le principe même de son action pastorale avec la fécondité que l’on sait.

                Frères et sœurs, demandons les uns pour les autres dans notre communauté cette foi et cette ferveur ! Demandons les aussi pour notre diocèse. Amen.

  • Les Paraboles, suite

    St Matthieu chapitre 13 suite des paraboles.

     

                « J’ouvrirai ma bouche en paraboles, dit Jésus, je proclamerai des choses cachées depuis la fondation du monde. » Jésus s’applique donc ce verset du psaume 77/2 pour expliquer une troisième raison de s’exprimer par des paraboles. Ce qu’il a à dire, n’est pas facile à saisir, c’est une réalité avant la fondation du monde... Mais qu’est-ce qui est caché depuis les origines ?

                St Paul le déclare dans l’épitre aux Colossiens : « Je suis devenu ministre de l’Eglise en vertu de la charge que Dieu m’a confiée, de réaliser chez vous l’avènement de la Parole de Dieu, ce mystère resté caché depuis les siècles et les générations et qui maintenant vient d’être manifesté à ses saints. »

                Sous le mot « mystère », St Paul place certes les événements du salut mais surtout le projet rédempteur, le dessein de Dieu, anticipé en Dieu, dévoilé, une première, fois à la création caché depuis le refus d’Adam et maintenant pleinement manifesté dans le Christ, à tel point que le mystère devient l’équivalent de l’être et de l’action du Christ, le mystère c’est le Christ : toujours dans les Colossiens « Dieu a bien voulu faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens, c’est le Christ parmi vous , l’espérance de la Gloire [1]». Cet « acte révélateur du Christ » - d’abord explicite dans l’énigme des paraboles – s’épanouit avec autorité sous la plume de St Paul qui en évalue pleinement les conséquences dans l’histoire et le cosmos. En Colossiens, [2] cette intelligence du dessein de Dieu était demandée pour la communauté. « A la base de cette pensée, il y a la conception apocalyptique selon laquelle les réalités dernières sont tenues cachées en Dieu, comme en réserve, pour être manifestées en leur temps. »[3]

                Ce mystère, ce dessein du salut avait été révélé puis caché au moment de la création : c’est la lumière du premier jour de la création : « Dieu dit que le lumière soi: « et la lumière fut. » Cette lumière du premier jour n’est pas la lumière naturelle car le soleil et la lune furent créés au 4ème jour seulement ! C’est une lumière spirituelle, une illumination de connaissance. Les rabbins précisent : cette lumière primordiale n’a pas subsisté : c’est la compréhension de l’expression « Va Yehi Or » « et la lumière fut » qui signifie que la lumière fut présente à un moment donné mais qu’elle ne l’est plus. Elle a été retirée par le Créateur à cause du refus d’Adam d’entrer dans l’alliance avec Dieu, et cachée afin que les seuls justes puissent en jouir dans l’état du monde actuel, finalisant le projet divin que les sages appellent le monde qui vient. 

                D’après Rabbi Yehouda « la lumière créée le premier jour permettait à l’homme de voir le monde d’un bout à l’autre… Voir le monde d’un bout à l’autre ? « L’expression est une métaphore pour signifier que l’éclairage, c’est-à-dire le niveau de conscience fourni par la lumière primordiale, embrassait l’ensemble du projet divin. Adam comprenait ce qui sous-tend toute la Création, la Volonté du Créateur et les modalités selon lesquelles elle se déploie, ce qu’on pourrait appeler l’infrastructure spirituelle de la création. »[4] Nous rejoignons le thème du mystère et du Dessein bienveillant de St Paul dans les Ephésiens. Les rabbins pensent aussi que « la lumière du premier jour serait l’énergie source de toutes les énergies de la création, la « vitalité » qui anime tout l’univers. Adam était le seul à recevoir directement cette lumière. Il en était le relais pour l’ensemble des créatures… » Et le projet divin devait rayonner par lui et montrer l’unité de ce projet. [5]

                En attendant de pouvoir se redéployer et être connu de l’homme, ce projet s’est caché dans la Torah (l ‘Ancien Testament), il n’est entrevu que par les justes (« Abraham qui a vu mon jour » dit Jésus, Jérémie même au pire de la déportation, « C’est de moi qu’a parlé Moïse » ou Isaïe en Jean 12/18-40).

                Maintenant en paraboles, Jésus commence à dévoiler le dessein de Dieu : en créant le monde, il voulait ramener à lui librement, dans sa communion intime et sa béatitude, toute l’humanité et toute la création. C’est le Royaume de Dieu : « Dieu tout en tous » dit encore St Paul.

     

                Ce Royaume – «  la belle semence, dit Jésus, c’est les fils du Royaume - , il est enfoui dans la monde et la création actuelle comme le levain dans la pâte… « jusqu’à ce que toute la pâte ait levé ». Une très grande énergie ! Rappelez-vous le point de vue des rabbins : « la lumière du premier jour serait l’énergie source de toutes les énergies de la création, la « vitalité » qui anime tout l’univers.

                Ce royaume commence toujours tout petit, comme le grain de moutarde gros comme une tête d’épingle. Mais il grandit démesurément !... jusqu’à devenir un arbre pour tous les oiseaux du ciel. Jésus accentue la démesure entre le petitesse du début et la grandeur de la fin.

                Enfin ce Royaume, il est toujours mêlé à l’ivraie, au mauvais, durant ce temps, jusqu’à la fin du monde. Le monde est mêlé jusqu’à la fin comme le cœur de l’homme… Il n’y a pas de monde pur totalement, ni de cœur humain. Gare à ceux qui veulent du pur total, ils sont porteurs de mort et de drames.

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    [1] Colossiens 1/27

    [2] 1/9 et 2/2. Voir aussi 1 Co ; 2/6, Rm 16/25… sous le vocable - proche du mot mystère - de la « sagesse ».

    [3] Voir L’épitre aux Ephésiens par Michel Bouttier Labor et Fides   1991

    [4] LES MOISSONS DE LUMIERE Méditations sur les lectures hebdomadaires de la Torah     David SAADA   Bibleurope.

    [5] Idem.

  • Jésus parlait en paraboles

    La parabole du semeur dans l'Hortus Deliciarum par Herrade de Landsberg (mont Saint Odile)

     

    St Matthieu 13/1… Le semeur

     

    Pourquoi leur parles-tu en paraboles ?

    Telles est la question des apôtres… et sans doute, la nôtre !

    - Cette façon de faire est propre à Jésus. On en trouve quelques-unes dans l’Ancien Testament mais très peu. Dans les Evangiles, Jésus y recourt si mes comptes sont bons, 57 fois. On ne poursuivra pas cette façon de faire. On se contentera de rapporter les paraboles de Jésus.

    - Il y a au moins deux raisons à cette façon de faire :

    * Dans les paraboles Jésus parle de Dieu et de son Royaume. Pour parler de Dieu, les mots humains sont toujours trop petits, les concepts de penser encore plus. La poésie seule peut par sa manière de faire éclater les mots peut avancer pour faire entrer en communion avec le mystère divin sans l’abimer ! La Parabole fonctionne comme la poésie : partant d’un mot, d’une situation humaine, bien connue et expérimentée, elle l’ouvre et lui permet de suggérer, de faire éprouver en toute vérité ce qui est indicible.

    * l’autre raison est celle que Jésus donne aujourd’hui. La Parabole est une parole libre adressée librement à un auditeur qui est libre de l’écouter ou non. C’est le contraire d’une parole manipulatrice. « Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » Pour entrer dans une parabole, pour la comprendre, pour la laisser nous adapter au mystère qu’elle annonce, il faut le vouloir !

    Car comme dit Isaïe, « on peut regarder sans voir, écouter sans entendre quand on a le cœur alourdi par les biens matériels, les soucis matériels, l’attention aux choses inutiles et polluantes… Quand on ne veut pas se convertir. »

          Comme Moïse fait un détour pour voir le buisson ardent – c’était donc sur son chemin mais un peu à côté, Moïse n’a pas buté sur ce buisson, il a dû vouloir aller voir, l’homme qui entend une parabole doit vouloir comprendre, se risquer à comprendre. Comme les apôtres qui ont répondu à l’appel… et donc reçoivent les explications intimes du maître et sont initiés à l’usage des paraboles.

    C’est tout le contraire de l’usage de la parole aujourd’hui.

            C’est le contraire de la parole manipulatrice qui sévit partout aujourd’hui : dans la publicité toujours mensongère et manipulatrice à l’insu même des auditeurs ! … dans l’information télévisuelle et sur les soit disant réseaux sociaux, mode immense de manipulation… savante dans la presse (on l’a vu aux dernières élections) et naïve mais efficace sur les réseaux et els rumeurs. C’est « les coups de com » permanents qui tiennent lieu d’action. C’est une parole avec toujours aune arrière-pensée, celle de faire des esclaves.

              Jésus n’a pas d’arrière-pensée. Sa pensée est pure, libre pour créer des êtres libres et non pas pour manipuler les disciples. La Parole de l’Eglise doit être ainsi, la Parole du disciple doit être de même. Gare à Elle si elle fait de la « com ». pour parler de sa foi !

     

  • Jésus et les tout petits

    Evangile selon St Matthieu 11/25-30          année A /14ème dimanche

                Ce texte d’aujourd’hui est doublement surprenant : c’est d’abord une des rares fois où nous connaissons le contenu de la prière de Jésus. C’est une action de grâce adressée au Père pour ce qu’il a caché sa révélation aux sages et aux savants et l’a réservée aux « tout petits ». Et c’est le deuxième motif surprenant : c’est une volonté délibérée du Père, c’est « sa bienveillance » qui le fait agir ainsi !

                Qui sont « les sages et les savants » désignés ici ? La fin du texte le suggère : en parant de « joug et de fardeau » Jésus désigne, avec des mots communs à l’époque, les commandements que les docteurs de la Loi ont tirés de la Parole de Dieu, l’ensemble des prescriptions juridiques qui s’imposent à chaque croyant, les 613 commandements à appliquer chaque jour pour être parfait devant Dieu, « quant à l‘application de la loi, devenu irréprochable » comme dit St Paul en parlant des mêmes choses ! Cet ensemble de préceptes forme comme un corset autour de la Loi, comme une barrière entre l’homme et Dieu ; il fait de la relation une affaire de donnant/donnant ; il fait de la relation à Dieu un système qui assigne à Dieu sa place et le montre comme le comptable des actions des hommes. Et bien Dieu se refuse à entrer dans un tel type de rapport ; il se cache à ceux qui savent ce que Dieu veut et comment on lui plaît !

                C’est toujours une tentation de tout sage ou de tout savant de « s’enfermer dans sa position ou dans son système. » Quand médecin Harvey, au 17ème siècle, découvre la circulation sanguine et en parle à l’académie de médecine de Londres, on lui rétorque : ce n’est pas possibles, Hippocrate ne l’a pas dit ! Même le grand Einstein, se montera réticent à admettre les nouvelle physique de Max Planck et sa théorie de la mécanique quantique ! Donc même en science !!

                Car derrière tout système, - scientifique ou religieux ou autre - il y a toujours des enjeux de pouvoir, d’habitude, d’argent, d’intérêt… seuls les tout-petits qui sont « comme Jésus doux et humble de cœur », sont libres pour accueillir librement le Dieu libre !

                Alors Dieu peut se montrer « aux tout petits » : c’est à dire dans le langage de l’Evangile de St Matthieu aux disciples de Jésus, à ceux qui se laissent surprendre par Dieu, qui se savent indignes et se présentent à Dieu tels qu’ils sont… Ils s’appellent Abraham et se mettent en route à l’appel de Dieu, Marie, les apôtres …chaque disciple jusqu’à aujourd’hui.

                Et alors, le Fils, qui connaît le Père, veut leur révéler qui il est vraiment ! Et il le leur fait connaître. Et le fardeau de l’Evangile est léger… Pourquoi ? parce que le Christ « fait entrer les disciples dans le monde de la grâce et les y établit » dit St Paul.[1] Ce fardeau déposé dans le cœur des disciples ne les atteint plus de l’extérieur mais la grâce en fait leur centre intérieur – leur trésor - et l’accomplit en eux et avec eux. C’est l’expérience de la « petite voie » de Ste Thérèse de Lisieux : Dieu me demande cela, je ne peux le faire tant je suis faible, alors le fera en moi.

     

    [1] Romains 5/1-2

  • Pentecôte

                L’oraison de ce dimanche de Pentecôte parle de la fête du jour comme «l’accomplissement de l’œuvre de Dieu. » Qu’est-ce à dire ? Réveillons nos mémoires pour nous souvenir de la grande introduction biblique des 11premiers chapitres de la Bible.

     

                * Tout commence par le récit de la Création de l’univers et de l’homme « à l’image et ressemblance de Dieu »« Et L’esprit de Dieu planait sur les eaux. »

                * L’Alliance que Dieu proposait à l’homme supposait le respect de la limite de la créature, symbolisée par le fruit interdit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. La transgression d e l’homme et son refus de demeurer et grandir à sa place conduit à la mort, à la peur de Dieu quand « le Seigneur vient voir Adam dans le jardin à la brise du soir », la dureté du travail de la terre…         * Puis une propagation avec le meurtre d’Abel par Caïn, et en final, au chapitre 11, à Babel, la construction par les hommes d’une civilisation uniforme pour « se faire un nom face à Dieu ». Dieu force l’humanité à la différence et contre l’uniformité, a la dispersion.

                Enfin, apparaît le verset 1 du chapitre12 : « Dieu dit à Abraham… » C’est le commencement de l’ouvre de Dieu pour poursuivre son dessein éternel et permettre à l’homme de partager sa nature divine.

                La Pâque du Christ accomplit – achève et mène à sa perfection – le dessein du Père… par étape.

                * Devenu homme, Jésus a sanctifié toutes les étapes de la vie de l’homme. Et Jésus est l’homme fidèle à Dieu en tout, comme Adam aurait du être. Il résiste aux tentations et il n’y a pas le mal en lui.

                * Il descend dans la mort pour la vaincre, pour rouvrir le chemin vers le Père et la Vie.

                L’homme a de nouveau accès au Père. Et pendant 40 jours, les apôtres vivent dans la proximité du Christ Ressuscité eux « qui ont mangé et bu avec Lui après sa résurrection » comme dit Pierre.

                * L’Ascension signe l’effacement du Christ qui demeure présent auprès des siens, effacement qui permet à l’Esprit Saint de venir : cet Esprit est « la puissance grâce à laquelle le Seigneur exalté demeure présent au milieu de l‘histoire du monde comme principe d’une histoire nouvelle et d’une monde nouveau. »[1]

                * Alors la Pentecôte arrive : l’Esprit qui planait sur les eaux à la création tombe sur les apôtres pour renouveler la face de la terre et l’homme qui habite sur cette terre :

                           = Rénovation de « la création qui gémit dans les douleurs d’un enfantement du monde nouveau qui dure encore ».

                            = Rénovation de l’homme que décrit si bien le poème liturgique d’aujourd’hui :

      

    Sans ta puissance divine,
 il s’agit de la puissance créatrice et recréatrice de l’Esprit Saint

    il n’est rien en aucun homme,


    rien qui ne soit perverti.

     

    Lave ce qui est sordide,     le fond de vase qui au fon de notre cœur et qui remonte parfois

    
baigne ce qui est aride,
   notre amour si timide, nos paroles si dures….

    guéris ce qui est blessé.    Blessures que nous avons reçu et qui nous bloquent

     

    Assouplis ce qui est raide, nos raideurs morales, nos jugements des autres ou de nous-mêmes

    
réchauffe ce qui est froid,
 si peu de ferveur, un amour si froid

    rends droit ce qui est faussé. Que d’idées fausses en nous qui ne sont pas selon Dieu

     

                On le voit : l’accomplissement du dessein de Dieu, la venue du Royaume ne se fait pas d’un coup de baguette magique ! Mais avec nous, par nous, de cœur à cœur et dans le secret, comme la résurrection elle-même reste dans la groupe des disciples. L’accomplissement de l’ouvre de Dieu commence à Pentecôte dans le secret pour s’achever à la fin des temps dans la Gloire. Amen.

     

    [1] Ratzinger Foi chrétienne hier et aujourd’hui p. 238

  • Vendredi Saint

            Je voudrais expliquer la liturgie de ce Vendredi Saint que nous sommes en train de vivre.

            Plusieurs choses frappent : l’austérité du rite, l’absence de l’Eucharistie et seulement la communion, le caractère solennel, majestueux et peu doloriste de la célébration. Tout est déjà dans la victoire comme le déclarait la 1ère lecture en son premier verset : « mon serviteur réussira » !

            L’Eglise a réglé les rites en harmonie avec la figure du Christ de la Passion de St Jean lue depuis els origines le vendredi saint : un Christ majestueux qui s’applique le Nom de Dieu au jardin des Oliviers en répondant aux soldats « Je suis »… un Christ majestueux durant sa Passion et décidant du moment de sa mort pour « remettre l’Esprit ».

            Mais le centre du Vendredi Saint est l’adoration de la Croix. La vénération de la Croix à l’heure de la Passion – normalement cet office doit être célébré à 15H – c’est l’eucharistie du jour. Nous vivons l’événement en venant adorer la Croix. C’est pourquoi on parle bien « d’adoration de la Croix » dans la liturgie. C’était déjà comme cela au 4ème siècle quand la pèlerine Egérie était en Terre Sainte et participait aux offices de la Semaine Sainte à Jérusalem.

            Adorer la Croix, expliquons : l’acte liturgique que vous allez faire est une profession de foi dans ce renversement de la Croix où le Maudit qui y est suspendu, devient la source de bénédiction dans sa résurrection pour tous ceux qui se prosternent. Le vendredi saint, c’est déjà la Croix Glorieuse et victorieuse.

            Pourquoi ai-je dit le « Maudit » : c’est dans le Deutéronome[1]. Le texte saint déclare : « Lorsqu’un homme ayant commis une faute passible de mort a été condamné à mort et pendu à un arbre, on ne laissera pas son cadavre sur l’arbre durant la nuit. Tu devras le mettre au tombeau le jour même, car un pendu est une malédiction de Dieu. » Jésus en mourant sur la Croix prend sur lui la malédiction qui pèse sur les hommes. Mais sa résurrection renverse le sens de cette crucifixion et en fait une victoire définitive et une réconciliation pour les hommes.

            Notre adoration exprime cela, c’est une vraie profession de foi.

            Notre rite à sa source dans le rite païen de la vénération et la prosternation des soldats romains devant les effigies du général victorieux : les 1ers chrétiens ont repris cette action en l’appliquant au Christ, en s’inclinant devant la Croix – effigie du Christ victorieux. Et c’est le chant du Trisagion – dans 3 langues, grecque, latine et la nôtre - par lequel on adore le Dieu Trois fois Saint, qui accompagne la vénération.

            La Croix remplace l’action eucharistique dans les rites du dernier repas de Jésus. C’est le sacrifice pascal en direct si j’ose dire et nous communions pour nous y unir.

     

    [1] Dt 21/22-23

  • Les Rameaux

                      Le long récit de la Passion selon St Matthieu est traversé de la lumière de la Résurrection malgré le caractère sombre du récit.          

                      C’est Jésus qui le déclare : « car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » (Mat 26/31-32) Jésus cite le prophète Zacharie sur la mort du berger et la dispersion du troupeau mais il ajoute une annonce de sa Résurrection et donne rendez-vous aux apôtres en Galilée.

                      Peu avant, lors de l’institution de l’eucharistie, Jésus avait déclaré : «Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. » (Mat 26/27-29) La coupe est donc à la fois la coupe du Sang de l’Alliance versé sur la Croix mais aussi la coupe de la joie du Royaume inauguré, tant par la mort que par la résurrection du Sauveur.

                      Puis au moment de la mort de Jésus, Matthieu signale des faits et les amplifie en ayant recours à des images bien spécifiques et significatives : «  À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure… Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit. Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens. À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! » (Mat. 27/45-54) Ces images – terre tremblante, rochers fendus, morts ressuscitant, Jérusalem la Ville Sainte…- sont dans la littérature apocalyptique le signe que le vieux monde craque sous la poussée du monde nouveau, sous la poussée du Royaume. On retrouvera d’ailleurs des signes semblables lors de la venue de l’ange de la Résurrection au chapitre 28. La mort de Jésus et sa résurrection sont l’inauguration du monde nouveau, monde nouveau où nous sommes dans chaque eucharistie, chaque eucharistie où nous buvons le vin « nouveau » avec le Christ…  « Jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »… C’est un des sens de la communion au calice.

                      Enfin, on reparle de résurrection à la fin, quand les juifs demandent une garde pour que les disciples ne viennent pas enlever le corps : « Le lendemain, après le jour de la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate, en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : “Trois jours après, je ressusciterai.” Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : “Il est ressuscité d’entre les morts.” Cette dernière imposture serait pire que la première. » (Mt 27/62-64)