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Billet spirituel - Page 21

  • Charles de Habsbourg-Lorraine, homme de paix.

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    Je voudrais très rapidement expliquer pourquoi cette icône du Bienheureux Charles de Habsbourg Lorraine a toute sa place dans cette église Notre Dame de Bonsecours aux côtés des prières et vœux des 14 paroisses de Nancy et du vœu fait le 14 septembre 1914, par Général de Castelnau défenseur de Nancy. Mais aussi des prières très nombreuses qui s’élevèrent dans cette église de Bonsecours pour la Paix, l’arrêt de la guerre et dont témoignent dans le cloître de cette église plus de 600 ex votos. Au commencement de la guerre, puis durant la bataille de Verdun puis au cours de l’année 1918 « pour que cesse la guerre »,des milliers de nancéiens sont venus ici pour prier.

    Charles de Habsbourg Lorraine devint empereur le 21 novembre 1916. Sa visite sur le front et la situation des populations civiles, son attachement pour son peuple joint à un sens aigu de son devoir de souverain, lui firent tout de suite une obligation de chercher par tous les moyens à mettre fin à une guerre qui n’avait que trop duré. : « il faut arrêter cette boucherie »avait –il déclaré au retour du front, « il faut tout de suite arrêter cette guerre. »redisait-il en mars 1917.

    Il tenta, vainement, de s’opposer au projet de l’Allemagne d’engager une guerre sous-marine à outrance en disant «   C’est affreux  ! L’Allemagne sous-estime l’Amérique et surestime ses propres forces. Berlin est frappé de cécité et nous précipitera dans l’abîme   ».De même, jugea-t-il insensé l’appui que le quartier général du Kaiser accorda à Lénine en avril 1917, le faisant passer de Suisse en Russie, à seule fin d’y allumer sa révolution.

    Mais dans la pratique l’empereur était dépourvu de moyens de faire pression sur les belligérants… jusqu’au jour où il décida d’ouvrir des discussions secrètes directes avec l’Entente, c’est-à-dire avec la France et l’Angleterre, en vue de conclure la paix, entre soldats et dans l’honneur. Il exauçait ainsi tous les vœux et les 27 entreprises du Pape Benoît XV pour faire arrêter la guerre.

       L’empereur décida d’intervenir par l’entremise de la famille de sa femme, les Bourbon Parme. Après un bon début des négociations secrètes au début de 1917 surtout avec l’Angleterre, tout se heurta au refus des Français, d’Alexandre Ribot chef du gouvernement succédant à Briand en mars 1917; le refus fut relayé ensuite par Clémenceau chef du gouvernement à partir du 12 novembre 1917 qui sur se montrer arrogant et destructeur de l’empire austro-hongrois.

       La guerre de ce fait,  dura encore une grande année. Charles 1erfut contraint à l’exil sans bien, ni aide, à Madère où il mourut de faiblesse, de froid et de faim à 34 ans, le 1eravril 1922 laissant une veuve et huit enfants.

       Cet« ami de la Paix » comme l’appela St Jean Paul II à sa béatification, ce disciple de Christ qui subit comme son maître l’humiliation et le rejet injuste a toute sa place dans notre église et offre son exemple et son intercession à tous les fidèles qui le prieront ici.

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  • Impétuosité spirituelle…

    Voici comment un chrétien araméen de la région d’Edesse exprimait sa joie d’aller vers le Christ, Dieu fait chair. Allons-nous à l’eucharistie dominicale où le Verbe fait chair se donne à ses frères et sœurs avec le même « impétuosité » … le même « élan », le même émerveillement.

    Je vous souhaite à tous de vivre ainsi votre encontre dominicale…

    « Telle l'impétuosité de la colère contre l'impiété,

    l'impétuosité de la joie vers l'objet aimé

    Ma joie, c'est le Seigneur,

    et mon élan se porte vers lui.

    Belle est ma route vers le Seigneur,

    car il est mon soutien.

    Il s'est fait connaître à moi dans sa simplicité

    sa bienveillance a rapetissé sa grandeur,

    Il s'est fait semblable à moi pour que je le reçoive,

    Il s'est fait semblable à moi pour que je le revête.

    Je n'ai pas été effrayé en le voyant,

    car il est ma miséricorde.

    Il a pris ma nature pour que je le comprenne,

    et ma figure pour que je ne me détourne pas de lui. »

     

    (Odes de Salomon 7)

     

    De la part de votre curé en ce début d’année eucharistique dans nos paroisses de Nancy.

  • L'eucharistique est au centre de la vie de disciple

     

     

    20èmedimanche dans le temps B

                Nous venons d’entendre Jésus déclarer avec force : « Amen, amen, je vous le dis :  si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme,  et si vous ne buvez pas son sang,  vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang  a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »L’enseignement est clair : la manducation eucharistique est au centre de la vie de disciple du Christcomme accueil en nous de la Vie divine –éternelle – et comme gage de notre résurrection. Un peu plus loin Jésus insiste : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. »

                Je ne suis pas sûr que les catholiques français soient tout à fait convaincus de cette centralité de l’eucharistie, eux qui pratiquent si peu ! Il n’y a pas encore si longtemps qu’on expliquait que l’eucharistie n’était pas « obligatoire » et qu’on pouvait être chrétien sans y participer : il fallait seulement faire du bien.

                Car le fond de l’affaire est le suivant : on a fait du christianisme une morale, rigoriste personnelle pour les traditionnalistes, socialiste et collective pour les progressistes. Mais c’est toujours de la morale.Que de fois entend-on des parents expliquer qu’ils font baptiser leur enfant pour lui inculquer des « valeurs : tolérance, paix, amour … »

     

                Et cela vient de loin :de la seconde moitié du 19èmesiècle, en Allemagne ou en Angleterre dans les pays protestants : on a voulu faire une présentation « rationaliste » de la foi c’est-à-dire enlever du contenu tout ce que la raison scientifique ne pouvait tolérer : miracles, résurrection, eucharistie, divinité du Christ, résurrection finale … Que reste-t-il ? Un Jésus moral et moraliste. Ainsi Dieu existe, il nous veut moraux et il nous récompense à la fin. Voilà le credo qui reste.

                C’est la« Vie du Christ »de Strauss en Allemagne[1], c’est la réplique française d’Ernest Renan[2]et la déferlante libérale rationaliste qui envahit l’exégèse (= l’explication des textes bibliques. Exemple : dans une récente prédication télévisée sur la multiplication des pains, il fut expliqué que le miracle était que les gens avaient sorti de leur poche, le pique nique qu’ils avaient préparé par avance !)

                Le christianisme est devenu une morale. Cela nous rapproche du questionnement des juifs au commencement du chapitre 6 de St Jean : « Que devons-nous faire pour travailler aux  œuvres de Dieu ? » Jésus répond : « l’œuvre de Dieu(au singulier !), c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »

    Ce que Jésus réclame, c’est la foi parce que le christianisme n’est pas une morale, même pas d’abord une doctrine, mais une foi, une adhésion au Christ envoyé du Père ; être chrétien, c’est être une seule chair avec le Christ, un seul être avec lui.

     

                Au milieu de ce siècle rationaliste qui a contaminé profondément la foi des chrétiens – le modernisme de Loisy en France au début du 20èmesiècle et l’exégèse rationaliste -, c’est la lutte de l’Eglise contre cette redoutable déviance qui pour un croyant, fait prévaloir la raison dans sa réduction scientifique, sur la foi ! C’est la réaction par la contrainte des serments, c’est la réaction de grands théologiens – protestants comme catholiques - contre cette déviance, des moines comme Dom Chautard de Sept Fons avec son livre « L’âme de tout apostolat », comme ceux qui réfléchissaient sur la liturgie comme Dom Odon Casel ou Dom Lambert Beauduin… le renouveau patristique d’après guerre…

                Le Concile Vatican II est à la fois l’aboutissement de cette vivante rechercheet une présentation nouvelle de la vraie foi,présentation toute centrée sur la source des sacrements et surtout de l’eucharistie qui est déclarée « source et sommet » de l’être et de la vie de l’Eglise, de sa mission, de la vie des prêtres et des chrétiens…

                On est loin de la pensée commune dans notre pays d’une foi devenue pure morale… et d’une morale qu’on peut acquérir par soi-même d’où le baptême suivi de rien d’autre ! On est loin de vivre cela dans nos paroisses !! Vatican II n’a pas été vraiment reçu chez nous.

                D’où notre année eucharistique entre nos paroisses du Centre ville dont nous reparlerons bientôt, pour retrouver le centre de notre vie chrétienne et savourer la joie de la vivre chaque semaine.

                Une dernière remarque : chers frère set sœurs, il y a parmi vous de retraités… je ne dirai pas qu’ils n’ont rien à faire… je sais la garde des petits enfants et les voyages familiaux. Mais malgré tout, je reste stupéfait de vous voir si peu aux messes de semaines ! Vous ne ferez pas croire que vous n’avez pas le temps… une fois ?? Venir la semaine, c’est du « gratuit » qui montre qu’on sort de l’obligation dominicale (quelle horreur !)… qu’on veut davantage s’approcher du Seigneur…

     

    [1]Parue en 1835  et traduite aussitôt par une force du rationalisme français Emile Littré en 1839 ! pour le 1ervolume et 1853 pour le 2ème.

    [2]Vie de Jésus1863

  • Le Royaume de Dieu

    Billet spirituel.                                                                                  11èmedimanche dans le temps. B

                Le « Royaume des cieux ou de Dieu » voilà bien une expression propre à Jésus dans sa prédication… 157 fois dans les Evangiles.

                Le Royaume de Dieu « n’est pas de ce monde »[1],c’est dans le cœur des hommes que cette royauté s’exerce. Le projet divin en créant l’humanité – « son merveilleux dessein »[2]comme dit St Paul – c’est de « récapituler tout dans le Christ »,créer une seule humanité et l’unir à Lui dans la communion divine et la vie éternelle. Pour dire autrement, Dieu crée l’humanité pour en faire une Eglise, dont l’Eglise de la terre en est le commencement : quand sur la place St Pierre, on vous annonce qu’il y a présentes 115 nationalités différentes, on mesure là que cette humanité une est commencée dans l’Eglise du Christ par le Christ et son Esprit. St Paul résume cette vision grandiose en 4 mots : « Dieu tout en tous ».[3]

                Ce dessein divin avait été donné à l’homme au 1erjour de création : c’est la lumière qui « fut » créée[4]… et retirée, perdue pour l’homme, quand il n’a pas voulu entrer dans cette Alliance. Seuls quelques-uns connurent ce dessein : Abraham, Moïse, les prophètes… les justes, puisqu’il est écrit dans le Psaume 96 : « Une lumière est  semée pour le juste ». St Paul a bien raison quand il écrit aux Corinthiens, extrait que nous lisions à l’instant : « nous cheminons dans la foie et non dans la claire vision ».[5]

                Jésus explique, à la fin du discours des paraboles, qu’il révèle « des choses cachées depuis les origines »[6]…ce dessein divin donc, ce mystérieux royaume de Dieu.

                Deux petites paraboles ce dimanche :

                La première insiste sur la certitude de la réalisation de ce dessein divin qui s’opère dans le secret de la terre de l’histoire – comme la petite gaine semée – qui pousse, que le cultivateur dorme ou soit éveillé, par la seule force de Dieu – « tu ne sais comment » - et qui aboutit à la moisson fructueuse. Certes, il faut semer le grain, c’est notre tâche de croyants. Le reste c’est « Dieu qui donne la croissance. »[7]

                La seconde parabole insiste sur la disproportion entre la petitesse de la graine semée – la moutarde – et le résultat final « un grand arbre où tous les oiseaux du ciel viennent y faire leur nid »[8].Jésus est très optimiste et même « un peu de Marseille » comme on dit,  en exagérant la grandeur de cette plante : mais c’est pour montrer la belle réussite divine et son ampleur.

                Même si à certains moments nous croyons voir le Mal vainqueur, Jésus nous détourne de cette vision par un acte de foi en la réussite divine que nous ne voyons pas encore mais qui est certaine depuis que la Croix est victorieuse dans la Résurrection de Jésus.

     

    [1]St Jean 19/36

    [2]Ephésiens 1/9-10

    [3]1 Co. 15/28

    [4]Genèse 1/2

    [5]2 Co. 5/6

    [6]Mt 13/31-35

    [7]1 Co. 3/2

    [8]St Marc  4/26-34

  • Sermon de la Vigile pascale 2018

    1 – quel Evangile déroutant… 8

             Les femmes n’ont l’air d’avoir pour grande préoccupation que l’enlèvement de la pierre du tombeau… comme d’ailleurs autrefois Rachel se demandait qui lui enlèverait la pierre qui était grande et qui fermait le puits. Le commentaire des rabbins disaient : « le patriarche Jacob revêtu d’une rosée de résurrection avait pu lui tout seul déplacer la pierre. » Vous avez entendu « une rosée de résurrection » ! Quelle magnifique formule ! Elle conviendrait bien à notre Jacob – il y a ici plus que Jacob – le Christ Ressucité.

             Et après le message de l’ange, elles s’enfuient et ne disent rien !

             Pourquoi ? Personne n’attendait la résurrection maintenant. Pour la fin des temps oui ! et pour tous… Mais pour un tout seul ? Tout est si neuf, inattendu, impensable, incompréhensible… Les apôtres eux mêmes comme les saintes femmes, durent voir, entendre, toucher, palper même comme dit Jésus, embrasser, manger avec lui comme dit Pierre…pour devenir croyants. La résurrection est si charnelle !! Tout passe par les sens qu’il faut en même temps dépasser… « Ne me retiens pas ! »

    2 – Mais pourquoi St Marc arrête-t-il brutalement son évangile comme cela ? Nous savons bien que la suite des quelques versets n’est pas de lui. Pourquoi ne rien montrer des manifestations de Jésus ? Une belle hypothèse : cet évangile était lu en entier aux futurs baptisés avant leur baptême. Tout s’arrêtait brutalement : ils étaient conduits à la piscine baptismale, vivaient leur baptême puis habillés de blanc et un cierge à la main, ils entraient dans l’église et là, le signe magnifique de la Résurrection de Jésus leur était donné : l’EGLISE, l’Eglise de Jésus assemblée elle est qui est née de la Pâque du Seigneur. Cette Assemblée sainte de l’Eglise, c’est le peuple de Dieu le Père, c’est le Corps du Christ ressuscité selon le témoignage même de Jésus qui dit à Paul sur le chemin de Damas, qui dit au persécuteur des chrétiens : Pourquoi ME persécutes-tu ? Toucher au chrétien c’est toucher au Christ. Cette Eglise enfin est le temple de l’Esprit Saint.

             Voilà le Ressuscité Total si je puis dire, le Christ-Eglise, le Christ total dont parle St Augustin. La rencontrer cette Eglise, c’est rencontrer le Christ.

     

             C’est l’Eglise des martyrs qui ont donné leur vie pour attester leur foi en Christ et leur amour débordant pour Lui, « fous » pour le Seigneur. Martyrs des premiers siècles, martyrs si nombreux de nos jours.

             Cette Eglise, c’est l’Eglise des Saints, de tous âges et de toutes conditions jeunes comme Dominique Savio ou Pier Giorgio Frassati, ouvrier comme Marcel Callo, professeur d’université et homme politique comme Frédéric Ozanam, servante des pauvres mourants comme Mère Teresa ou St Rosalie Rendue du quartier Mouffetard en plein Paris misérable du 19è siècle… bergère comme Bernadette Soubirous à Lourdes, Pape comme St Jean Paul II ou St Paul VI, reines comme Mathilde ou Elisabeth de Hongrie.

             Cette Eglise, c’est ce soir cette noble et pauvre assemblée de disciples à Bonsecours : nobles et saints car Dieu habite en chaque chrétien et rayonne à partir de lui, pauvres car, en même temps, bien faible, fragile, pécheur si facilement… Cette Eglise pauvre et petite, Jésus l’aime avec tendresse. Jean Luc, ne craignez pas de vivre en elle et d’être reçue à la table du Christ avec elle.

     

    3 – Cette noble et pauvre Eglise vous donne aujourd’hui, à vous Jean-Luc et à vos enfants Yvan et Ambroise, vous donne son plus beau trésor : le Christ ressuscité qui l’habite, l’Esprit Saint qui est déposée en elle pour le donner. Elle vous donne avec joie la Nouveauté de Dieu pour vous renouveler au point de faire de vous, et chacun de vos enfants, un homme nouveau, pour illuminer votre intelligence et vous faire connaître le mystère de Dieu. Cette Eglise noble et pauvre veut vous accueillir sans vous accaparer, vous accompagner sans vous forcer à un chemin unique.

             Mais en même temps, cette Eglise attend de vous une chose : votre jeunesse dans la foi, votre émerveillement pour réveiller le nôtre, vos questions pour nous pousser à approfondir notre foi, vos remarques pour grandir dans la sainteté. Vous le voyez, c’est un échange de cadeaux… car la communauté de Jésus se nourrit fondamentalement du Don de Dieu et du partage entre frères et sœurs.

             Yvan et Ambroise vont suivre un autre chemin tout aussi beau et fort : une découverte au fur et à mesure de leur avancée en âge, un patient apprentissage de l’Evangile jusqu’au moment où ils auront à ratifier ou non le baptême reçu ce soir.

     

             Voilà qui est aujourd’hui la Présence du Ressuscité : l’Eglise… et dans ce quartier la noble et petite communauté de St Pierre Bonsecours dont Jean-Luc vous faites déjà partie depuis votre entrée en catéchuménat.

             Nous naissons sans cesse de la Résurrection du Seigneur, nous vivons d’abord fondamentalement de l’Eucharistie du Seigneur, de sa Parole, de son Esprit Saint et de l’échange de foi entre nous. Nous vous invitons à vivre cette humble vie chrétienne avec nous, selon votre grâce, vos possibilités et ce que le Seigneur saura bien vous suggérer. Nous vous accueillons avec garde joie. Amen

  • Le Carême

    Mes frères, nous commencerons le soir du Mercredi des Cendres, une longue période d’intense vie chrétienne : 90 jours !

                90 jours composés des 40 jours du Carême, des 40 jours du temps pascal avec le Ressuscité et 10 jours entre Ascension et Pentecôte dans l’attente du don renouvelé de l’Esprit Saint qui vient accomplir toutes choses !!

                Ces 90 jours sont les jours du mystère pascal aussi bien dans sa face de mort au péché que dans celle de Vie Nouvelle, toute orientée et façonnée par Dieu, sous l’inspiration bienfaisante de l’Esprit. Trois mois centraux de notre année chrétienne.

                Ce mystère pascal, c’est notre bien le plus précieux depuis notre baptême qui nous l’a fait vivre réellement sous le mode du sacrement. Depuis ce jour, toute notre vie est pascale. Toute notre vie est accueil du Seigneur Ressuscité Lumineux, Vivant, Splendide et plein d’amour à notre égard. Toute notre vie est façonnée par sa main, toute notre vie est Passage, sans cesse renouvelé, de la mort à la Vie, des ténèbres à la Lumière, de l’amour de nous-mêmes à l’amour de Dieu.

                Alors pourquoi ce carême ?

                C’est que vous le savez bien, le temps, le tumulte de la vie, l’insouciance et l’indifférence de cœurs qui n’aiment pas assez, … tout cela fait que nous perdons de vue ce Bien précieux entre tous, nous nous y habituons ou ce qui serait pire, nous nous soustrayons à son action en nous.

                Le carême est d’abord le temps du souvenir joyeux de l‘amour pascal que Dieu nous porte. Commençons ce Carême dans l’action de grâce pour notre baptême, « pour avoir été arrachés au mal, aux ténèbres et à la mort, pour être plantés dans le royaume lumineux du Christ. » Le carême, c’est le temps de la gratitude : laissons-la monter du fond de notre cœur vers Dieu, laissons cette gratitude envahir notre âme pour que tout ce que nous entreprendrons comme effort de sainteté soit dans ce climat de joyeuse gratitude pour Dieu qui nous a tant aimés, le premier.

                Le Carême est aussi le temps de l’espérance réaffirmée : nous ne pouvons pas grand-chose pour nous faire être un peu mieux ! Notre médiocrité nous accable parfois au-delà de toute mesure : mais le carême nous fait nous tourner avec une confiance accrue vers le Seigneur Victorieux du mal, toujours, ce Seigneur éblouissant de Vie et d’Amour que nous rencontrerons dans la prière, la communion ou la méditation des Ecritures qui sont les lettres d’affection qu’il nous a adressées depuis si longtemps !

                Dans ce climat de douce gratitude peuvent alors s’exercer les œuvres de conversion du carême. Ce sont celles que Jésus lui-même nous indique : une prière intime avec lui, plus longue et plus donnée de notre part. Un jeûne de ce qui nous encombre (nourriture, objets,) de ce qui nous rend esclaves (passivité devant la télévision, abus du portable et abus d’Internet), un jeûne pour briser nos chaînes secrètes, en un mot un jeûne pour aller avec plus de fraîcheur et de jeunesse enthousiaste à la rencontre du Christ. Enfin, partage, générosité renouvelée, limite imposée à notre égoïsme ou à notre instinct de possession.

                Le résultat, au bout de 40 jours ? Un chrétien renouvelé, rajeuni, heureux de croire, enthousiaste de vivre avec le Christ et de chanter avec lui les louanges du Père. Cette transformation à laquelle nous nous serons prêtés pendant 40 jours, manifestera pleinement que dans le Carême, c’est la force de Pâques qui agit et que le but de ces jours est de devenir davantage vivants de la Vie nouvelle qui jaillit sans cesse du Christ.

                Bon 90 jours à tous ! Et commencez votre chemin pascal le soir des Cendres. Tout de suite ! Si vous attendez, vous allez avoir tout de suite mille fausses raisons de ne rien faire, que vous justifierez comme toujours avec des raisons qui ne tiennent pas, … et vous le savez bien !

               Allons ! tout de suite en marche, c’est le sens des cendres que vous viendrez chercher auprès du Christ que le prêtre représente. Amen.

     

  • Le baptême du Seigneur.

               St Jean écrit : « Bien-aimés,
 celui qui croit que Jésus est le Christ,
 celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui… C’est lui, Jésus Christ
 qui est venu par l’eau et par le sang :
non pas seulement avec l’eau
mais avec l’eau et avec le sang.
 Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit
car l’Esprit est la vérité.
 En effet, ils sont trois qui rendent témoignage, 
l’Esprit, l’eau et le sang 
et les trois n’en font qu’un.
 Nous acceptons bien le témoignage des hommes ; 
or, le témoignage de Dieu a plus de valeur 
puisque le témoignage de Dieu,
 c’est celui qu’il rend à son Fils. »


                Voilà la clé de lecture que nous donne la liturgie.

                Jésus est venu par l’eau et le Sang : nous songeons tout de suite à l’épisode de la Croix que seul St Jean rapporte : la lance qui perce le cœur du Christ dont il sort de l’eau et du sang. Cette descente de Jésus dans l’eau par solidarité avec les pécheurs qui accomplissent ce rite de Jean Baptiste pour se préparer à l’accueillir, lui, le Christ et cette remontée de l’eau avec l’Esprit qui vient sur lui, annonce le mystère pascal du salut des hommes, mort et résurrection du Christ qui donne l’Esprit Saint et salut qui nous parvient par le baptême dans l’eau et l’Esprit et par le Sang de l’eucharistie reçu dans la communion.

                L’eau, le Sang et l’Esprit du baptême dans le Jourdain et du baptême dans la mort dont parle Jésus en Luc 12/49 : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » Jésus appelle donc son mystère pascal «  son baptême ».

                Mais le récit de St Marc ajoute quelques précisions : visiblement quand il raconte le baptême de Jésus, St Marc a dans l’esprit la création : l’eau, la parole du Père qui est le Fils et l’Esprit qui place au-dessus des eaux. Voilà une 11ème parole de Dieu : la désignation de son Fils comme son « Fils, son Aimé, en qui lui-même se plaît. » St Marc pense aussi au cri d’Isaïe et de tous ceux qui attendaient, avec tant d’ardeur, la venue du Messie : « Les cieux se déchirent » au-dessus du Christ dans le Jourdain/ « Ah ! si tu fendais les cieux et si tu descendais »  écrit Isaïe 63/19. Et enfin, bien entendu, St Marc songe au déluge avec la colombe qui apporte la réponse que la création a repris après l’abondance des eaux et son travail purificateur.

                Nous avons donc plusieurs épisodes bibliques superposés qui donnent le sens profond de cette scène du baptême : la création, le Déluge - et sa réplique que fut le passage de la mer par le peuple de Moïse – le désir des fidèles du Seigneur –, le baptême de Jésus dans le Jourdain par Jean Baptiste et la mort de Jésus sur la Croix (sang, eau et Esprit donnés)

                Ce baptême est donc le commencement du salut des hommes, la victoire de Dieu sur le Mal, la rénovation et l’achèvement de la Création, le commencement de la révélation du Mystère divin de l’amour du Père du Fils et de l’Esprit, l’annonce que le Ciel est ré - ouvert et que Dieu dans le Fils bien Aimé, est au milieu des hommes pécheurs, solidaire avec eux jusqu’à partager leur pénitence sans avoir lui-même péché.

  • Et le Verbe s’est fait chair. Méditation de Noël 2017.

    Le fait rapporté par St Luc sur les souvenirs de Marie (St Luc écrit en 2/19 « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » Il indique sa source.)

                Marie et Joseph sont mariés mais ne vivent pas ensemble ou tout juste ( En Israël, une année sépare la célébration du mariage et l’habitation commune)

                Avant la vie commune, Marie est enceinte par l’œuvre de l’Esprit Saint Créateur (Gn 1/1. AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre.La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et l’Eprit de Dieu planait (le verbe évoque le vol spécifique de l’oiseau au-dessus du nid qu’il couve piour faire naître la vie) au-dessus des eaux. ») Dieu doit insister auprès de Joseph pour qu’il prenne sa femme tant il se sent indigne

                Ils sont tous les deux en voyage vers Bethléem, la patrie de Joseph, descendant de David. C’est le moment de l’accouchement : ils sont reçus dans leur famille, comme toujours en Orient. Les maisons de Bethléem sont souvent construites devant une grotte qui sert d’étable. Marie ne va pas accoucher en public ( !)… en présence des hommes, des enfants ! Elle se place dans l’étable – pièce plus chaude de plus – « car ce n’était pas une place pour eux dans la pièce commune » dit sobrement et pragmatiquement St Luc. L’âne qui a conduit Marie est là, le bœuf qui sert aux labours de la famille d’accueil, aussi. La paille est fournie. La mangeoire (généralement le rocher du fond est taillé pour constituer une mangeoire pour les animaux).

                St Luc dit tout le mystère en une phrase. Dieu fait toujours simple.

     

    St Jean décrypte l’événement à l’aide de l’enseignement de Jésus et de l’Ancien Testament… aidé par le recul de méditation.

                Il découvre assez vite que Jésus est « la Présence de Dieu sur terre ». Quand Jésus chasse les marchands du Temple et proclame « Détruisez ce temple et moi je le rebâtirai en 3 jours », St Jean dit : « il parlait du Temple de son Corps » et évoque la résurrection.

                En entendant Jésus parler de Dieu comme de « Mon Père » ou « le Père et moi nous sommes UN » ou encore « Qui me voit, voit le Père » et de lui-même comme « Fils de l’homme », l’apôtre St Jean exprimera cette certitude par le titre de « Fils de Dieu »… s’appuyant aussi sur le chapitre 7 du prophète Daniel : « 13 Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui.14 Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. »

             Jean appelle ce Fils de Dieu avant son incarnation par « le Verbe » : Le Verbe, c’est la Parole de Dieu créatrice (dans la Genèse, on a 10 fois « Dieu DIT), celle qui est annoncée par les prophètes (les fameuses expressions prophétiques « Oracle du Seigneur ». « Ainsi parle le Seigneur » ), la Parole qui est Sagesse selon l’enseignement du Livre de la Sagesse au chapitre 7, par exemple : 21 Toute la réalité, cachée ou apparente, je l’ai connue, car la Sagesse, artisan de l’univers, m’a instruit.22 Il y a dans la Sagesse un esprit intelligent et saint, unique et multiple, subtil et rapide ; perçant, net, clair et intact ; ami du bien, vif, 23 irrésistible, bienfaisant, ami des hommes ; ferme, sûr et paisible, tout-puissant et observant tout, pénétrant tous les esprits, même les plus intelligents, les plus purs, les plus subtils.24 La Sagesse, en effet, se meut d’un mouvement qui surpasse tous les autres ; elle traverse et pénètre toute chose à cause de sa pureté.25 Car elle est la respiration de la puissance de Dieu, l’émanation toute pure de la gloire du Souverain de l’univers ; aussi rien de souillé ne peut l’atteindre.26 Elle est le rayonnement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu, l’image de sa bonté.27 Comme elle est unique, elle peut tout ; et sans sortir d’elle-même, elle renouvelle l’univers. D’âge en âge, elle se transmet à des âmes saintes, pour en faire des prophètes et des amis de Dieu.28 Car Dieu n’aime que celui qui vit avec la Sagesse.29 Elle est plus belle que le soleil, elle surpasse toutes les constellations ; si on la compare à la lumière du jour, on la trouve bien supérieure,30 car le jour s’efface devant la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne peut rien. »

    Ainsi, dans cet événement si discret de Bethléem, St Jean y découvre une réalité inouïe que Dieu a réalisée : La Parole de Dieu, divine elle-même, le Fils divin de Dieu est devenu chair ; la Parole/sagesse appelée Verbe est devenu homme. Il trouve confirmation de cela dans le prophète Isaïe : « Le prophète Isaïe parle d’abord par un cri : « Ah si tu déchirais les Cieux et si tu descendais ! » Ce grand contemplatif qu’est Isaïe désire la communion avec Dieu. Sa vision du manteau de Dieu dans le Temple l’a tellement comblé, qu’il désire plus ! Et il emporte son peuple dans ce désir. Que le Ciel ne soit plus fermé à cause du péché des hommes, qu’il se déchire et que Dieu descende ! Remarquons combien de fois dans la Bible, Dieu est sujet du verbe « descendre » !

               Et puis une affirmation extraordinaire : « Voici que tu es descendu:
les montagnes furent ébranlées devant ta face.» C’est comme si tout à coup Isaïe voyait la réponse de Dieu à son appel dans la venue du Verbe de Dieu sur terre, assumant une nature humaine dans la Vierge Marie. On pourrait appliquer à ce texte ce que St Jean dit dans son Evangile au chapitre12/41 : « Ces paroles, Isaïe les a prononcées parce qu’il avait vu la gloire de Jésus, et c’est de lui qu’il a parlé. » Isaïe est saisi par ce qu’il voit. Alors il ajoute : «  Jamais on n’a entendu,
 jamais on n’a ouï dire, 
nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi
 agir ainsi pour celui qui l’attend.
 Tu viens rencontrer
 celui qui pratique avec joie la justice,
 qui se souvient de toi 
en suivant tes chemins. » Isaïe exprime là son étonnement absolu devant l’incarnation de Dieu ! On n’a jamais entendu cela, on n’a jamais ouï dire une telle chose, on n’a jamais vu un dieu agir comme toi… Tu viens toi-même à la rencontre de l’homme !!! Les montagnes en sont ébranlées ! Lui qui avait écrit un peu plus loin dans son chapitre 40/6-8 : « Toute chair est comme l’herbe, toute sa grâce, comme la fleur des champs : 07 l’herbe se dessèche et la fleur se fane quand passe sur elle le souffle du Seigneur. Oui, le peuple est comme l’herbe ; 08 l’herbe se dessèche et la fleur se fane, mais la Parole de notre Dieu demeure pour l’Eternité. » Voici que la Parole éternelle de Dieu devient chair fragile !!! Nous sommes dans ce texte d’Isaïe tout près de l’annonce de Bethléem !

                St Paul reprendra ce texte étonné d’Isaïe dans la même ferveur et le même étonnement stupéfait, mais lui devant le mystère pascal : « Mais ce que nous proclamons ( c’est-à-dire la Croix du Christ folie de l’amour de Dieu), c’est, comme dit l’Écriture : ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé » (1 Co. 2/9) C’est une parfaite continuité entre les deux fêtes de Noël et de Pâques.

     

  • Consolez, consolez mon peuple...

    Billet spirituel 2ème de l’Avent B

    Nous lisons en ce deuxième dimanche, le commencement du livre de la Consolation d’Isaïe qui commence au chapitre 40. « Consolez, consolez mon peuple,
– dit votre Dieu – 
parlez au cœur de Jérusalem. » La consolation est un très beau mot et une belle réalité : l’homme que nous sommes est douloureux, incertain sur lui-même, parfois totalement désolé de lui-même, de sa faiblesse, de sa volonté sans cesse défaillante, de son peu d’amour, de son ingratitude envers Dieu ou le prochain qui pourtant lui font du bien… Le Seigneur est Celui qui console au cœur, à l’intime, là où les paroles et les gestes des hommes ne peuvent atteindre.. La Consolation divine, c’est le Nom de l’Esprit Saint « le Consolateur » (Paraclet en grec).

         Une voix proclame:
«Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; 
tracez droit, dans les terres arides, 
une route pour notre Dieu.
 Que tout ravin soit comblé,
 toute montagne et toute colline abaissées !
que les escarpements se changent en plaine
et les sommets, en large vallée !
 » Une « Voix » se lève… C’est le texte avec lequel St Jean Baptiste a défini sa mission quand on lui a demandé compte de son action : en St Jean 1/22-23 : « Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »

        Et pourquoi doit-on opérer en soi-même tant de travaux de terrassement contre notre orgueil, nos bassesses, corriger nos voies tortueuses… C’est pour accueillir la consolation divine. Or la Consolation divine, c’est Dieu lui-même qui vient ! dit Isaïe. « Alors se révélera la gloire du Seigneur, 
et tout être de chair verra
 que la bouche du Seigneur a parlé. »

Monte sur une haute montagne, 
toi qui portes la bonne nouvelle à Sion.
 Élève la voix avec force, 
toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem.
 Élève la voix, ne crains pas.
 Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! »
Voici le Seigneur Dieu !
Il vient avec puissance;
son bras lui soumet tout.
 Voici le fruit de son travail avec lui
et devant lui, son ouvrage ». La nouveauté absolue, c’est que Dieu n’envoie pas cette consolation par un prophète, un sage, un message… mais c’est qu’il va venir lui-même. Le prophète ne dit pas encore comment … sinon par une comparaison qui parle au cœur de ce peuple toujours un peu nomade : « Comme un berger, il fait paître son troupeau :
son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, 
il mène les brebis qui allaitent. »
Jésus reprendra cette comparaison pour se l’approprier, se dire « le Bon Pasteur » et par des paraboles expressives. Le prophète ne ment pas même s’il ne dit pas encore tout ! Il nous faudra entendre la nuit de Noël pour que soit proclamée l’annonce stupéfiante d’Isaïe (chapitre 9) : « Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : 05 Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ».06 Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers ! »

  • Pour un Avent secrètement joyeux …

    Billet spirituel

    Un rappel : l’Avent tourne notre attention et notre amour vers 2 Avénements… et un 3ème ! Le 1er dimanche de l’Avent nous tourne d’abord vers l’Avènement Glorieux et Victorieux de Jésus Ressuscité à la fin des temps… comme la liturgie du Christ Roi de dimanche dernier.

    Car si la liturgie nous fait revivre chaque année le cycle de la vie du Christ pour nous Le faire contempler et nous Le faire vivre chaque année de plus en plus intensément, le temps n’est pas cyclique. Toutes les civilisations indo-européennes (romaine, grecque, hindoue…) ont une conception cyclique du temps. Le judaïsme et le christianisme seuls parlent d’un temps qui se dirige vers une fin qui l’accomplira. C’est le Dessein de Dieu voulu par Lui avant la fondation du monde, réalisé dans la Création et accompli dans le Christ qui récapitule toutes choses à la fin des temps pour constituer le Royaume de Dieu de l’humanité sauvée. Nos contemporains qui ne veulent plus du judéo-christianisme qu’ils entourent de mépris… sont ceux qui parlent le plus de progrès, demain sera mieux qu’aujourd’hui… ce en quoi ils demeurent de vrais judéo-chrétiens !

    Le prophète Isaïe parle lui, de la venue de Noël.

    D’abord par un cri : « Ah si tu déchirais les Cieux et si tu descendais ! » Ce grand contemplatif qu’est Isaïe désire la communion avec Dieu. Sa vision du manteau de Dieu dans le Temple l’a tellement comblé, qu’il désire plus ! Et il emporte son peuple dans ce désir. Que le Ciel ne soit plus fermé à cause du péché des hommes, qu’il se déchire et que Dieu descende. Remarquons combien de fois dans la Bible, Dieu est sujet du verbe « descendre » !

    Et puis une affirmation extraordinaire : « Voici que tu es descendu :
 les montagnes furent ébranlées devant ta face.» C’est comme si tout à coup Isaïe voyait la réponse de Dieu à son appel dans la venue du Verbe de Dieu sur terre, assumant une nature humaine dans la Vierge Marie. On pourrait appliquer à ce texte ce que St Jean dit dans son Evangile au chapitre12/41 : « Ces paroles, Isaïe les a prononcées parce qu’il avait vu la gloire de Jésus, et c’est de lui qu’il a parlé. » Isaïe est saisi par ce qu’il voit. Alors il ajoute : «  Jamais on n’a entendu,
 jamais on n’a ouï dire, 
nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi
 agir ainsi pour celui qui l’attend.
 Tu viens rencontrer
 celui qui pratique avec joie la justice,
 qui se souvient de toi 
en suivant tes chemins. » Isaïe exprime là son étonnement absolu devant l’incarnation de Dieu ! On n’a jamais entendu cela, on n’a jamais ouï dire une telle chose, on n’a jamais vu un dieu agir comme toi… Tu viens toi-même à la rencontre de l’homme !!! Les montagnes en sont ébranlées ! St Paul cite ce texte d’Isaïe dans la même ferveur et le même étonnement stupéfait devant le mystère pascal : « Mais ce que nous proclamons ( c’est-à-dire la Croix du Christ folie de l’amour de Dieu), c’est, comme dit l’Écriture : ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé » (1 Co. 2/9)

     

    Frères, tout cela nous est donné aujourd’hui, en ce commencement de l’Avent, pour que nous retrouvions d’ici Noël cette capacité d’émerveillement qui nous fera entendre l’annonce de l’incarnation à Noël comme une nouveauté éblouissante et stupéfiante. Ne nous laissons pas ensevelir sous les cadeaux, les rivalités pour faire le meilleur cadeau, la surabondance alimentaire … et tout le reste sous lequel nos contemporains font disparaître Noël.

    Serons-nous capable de l’émerveillement ? Ou resterons-nous blasés, comme le sont souvent les français… incapables d’émerveillement… c’est-à-dire bons pour la maison de retraite.

  • La parabole des talents

    Un talent…. Pèse 20 kg ! Le premier serviteur part donc avec 220kg d’or.

                Voilà un maître qui sait doter ses serviteurs en leur confiant ses biens quand il part… pour longtemps d’après le texte de St Matthieu. Si dans cette parabole, Jésus parle du temps entre son départ de l’Ascension et sa Venue dans la Gloire à la fin des temps, le retour n’est pas dans la pensée du Maître « pour tout de suite ».

                Dimanche dernier, Jésus exhortait à la vigilance : Jésus comme l’Epoux des Noces vient…il faut se ternir prêt à l’accueillir pour entrer dans la salle des Noces du Royaume.

                Aujourd’hui, l’attente de la Venue du Seigneur est active.

                Il faut faire fructifier les dons reçus du maître. La fin de la parabole, montre que pour Jésus, ce n’est pas un conseil, c’est une EXIGENCE. La brutalité du sort du paresseux en témoigne.

                Quels sont les « biens » que Jésus nous laisse ? Je vous en propose quelques-uns…

                Au baptême, nous avons tous reçus come dons de Dieu la foi l’espérance et la charité. Vertus théologales disons-nous c’est-à-dire dons qui viennent de Dieu pour nous conduire à revenir à Dieu. Ces dons sont à faire fructifier ? Est-ce que je faire grandit ma foi en la cultivant, en l’approfondissant ? De nombreux adultes ne croient plus car ils en sont restés au catéchisme de leur enfance et ce qui convenait à des enfants, ne suffit plus à des adultes, bien sûr. A qui la faute ? A celui que ne cultive pas sa foi mais l’enterre… Quelle belle image pour la paresse !

                De même pour l’Amour reçu de Dieu pour aimer Dieu de toutes ses forces et le prochain et soi-même. Est-ce que je chercher à faire grandir mon amour par don de Dieu et par effort dans la grâce, pour faire reculer les limites d’un amour toujours trop petit, et toujours trop centré sur son ego.

     

                Autre don : la Parole de Dieu contenue dans le récit biblique. Est-ce que vous ouvrez votre Bible ? D’abord en avez-vous une ? Ou au moins un Nouveau Testament ? Quand avez-vous lu la dernière fois l’Evangile, seul ? De votre seule initiative ? Quand vous priez ? Ne vous étonnez pas si votre pratique religieuse ne vous comble pas… si elle tient plus par habitude que par conviction… mais par pitié n’en rendez pas l’Eglise responsable, ne cherchez pas d’excuse bon marché. Assumez votre paresse et votre négligence.

     

                Peut-être hélas, est-ce parce que vous avez la même conception de Dieu que le serviteur mauvais ! UN Dieu dur, à qui il faut rendre des comptes… alors je fais ce qu’il faut, mais le minimum. Ce serviteur parle comme l’aîné de la parabole des deux fils : Tu ne m’as jamais rien donné pour faire la fête avec mes amis alors que je travaille tout le temps mais ce fils qui dépense tout, tu le reçois avec une fête …. La fausse image du Père paralyse, conduit à un rapport servile avec Dieu, à une humanité rabougrie, aigrie, revendicatrice… et Dieu en peut rien faire puisque nous nous protégeons de Lui et de son action. Par sa brutale conclusion, Jésus veut réveiller notre cœur, en nous montrant le danger que nous courons en pensant et an agissant ainsi.

  • 31ème dimanche de l'année A

                Qui oserait prendre la parole après deux telles diatribes, de Malachie contre les prêtres de son temps et de Jésus contre els maîtres et les docteurs pharisiens !!

                Ces passages de l’Ecriture de ce matin font naître en moi les réflexions suivantes.

    1 – Jésus a voulu que des paroles infaillibles, quelle que soit la sainteté du prêtre – puissent toujours construire son Eglise : « Je te baptise » « ceci est mon Corps, mon Sang… » « Je te pardonne ». Ainsi l’Eglise peut naître vivre et grandir… même avec des ministres indignes. Cependant, tout le reste du ministère dépend de la sainteté du ministre. St Paul en est un magnifique exemple. Le texte d’aujourd’hui nous livre son cœur de ministre du Seigneur : une grande affection pour ceux qu’ils sert dans la foi. Une volonté de leur donner non seulement sa prédication mais aussi sa propre vie ! Un travail personnel pour n’être pas à charge … l’acceptation de toutes les difficultés – et elles sont nombreuses et répétitives pour le pauvre Paul - pour annoncer le Christ.

                Nous sommes donc invités à prier pour les prêtres, pour leur sainteté. Le nombre importe peu en définitive…ce qui compte, c’est leur sainteté, leur zèle, le don d’eux-mêmes total au Christ, la livraison de tout leur être à l’action sanctificatrice de l’Esprit Saint et sans doute aussi, comme le dit st Paul, la conviction que la Parole qu’ils portent n’est pas parole « humaine » – à leur taille, modifiable à leur goût, selon les modes et les idéologies – « la Parole même de Dieu à l’œuvre chez les croyants ».

    2 – Avec Jésus, c’est la comédie humaine qui est dénoncée… le paraître, se faire remarquer, prendre les premières places ou du moins les convoiter à en être malades… Comédie sociale qui a aussi, hélas, sa place dans la communauté juive… comme dans la chrétienne. Jésus a des paroles extrêmement sévères : « ils disent et ne font pas »… qui est indemne de ce reproche, parmi chrétiens et prêtres ? « ils font tout pour être remarqués des hommes »… toute la société est remplie des « coups de com. » comme on dit, paraître même si c’est du vent, parler même si c’est pour mentir et tromper, … Faire travailler les autres et soi, ne rien faire, ne pas remuer le petit doigt ! Ces paroles de Jésus sont très incisives. Ne nous dérobons pas à elles !

    3 – Mais le bouquet final est merveilleux : « n’appelez personne Rabbi/docteur car vous n’avez qu’un seul docteur, le Saint Esprit…personne Père car vous n’avez qu’un Père, le Père des cieux…personne maître car vous n’avez qu’un seul maître le Christ et vous êtes tous frères. » Chacun de nous est libre par rapport aux mauvais prêtres, aux docteurs de toutes sortes, plus ou moins bons, aux maîtres de pacotille, aux faux pères… car dans l’état de grâce, chacun est en relation directe, personnelle, avec la Trinité qui habite en lui ! Chacun est inondé de cette Présence douce, forte, illuminante… à une condition - et c’est la dernière phrase - à une condition, l’humilité généreuse : « Celui qui veut être le plus grand se fera le serviteur de tous. »…humilité… serviteur comme le Christ… généreux de tous comme le Christ.

  • Les béatitudes selon St Matthieu.

                Dans l’Evangile selon Matthieu, c'est le début du premier discours de Jésus. Les Béatitudes sont donc un commencement. Un commencement au même titre que d’autres commencements dans la Bible… la création… où chaque jour, Dieu vit que cela est bon, très bon… Naissance du monde ! les 10 Paroles de Vie au Sinaï, une autre montagne. … Naissance du peuple de Dieu.

             Sur la montagne de Galilée, il s’agit aussi d’une naissance, le Nouveau Peuple de Dieu, continuité de l’Ancien mais aussi Nouveauté absolue. : le Christ est au centre, comme celui qui enseigne – Moïse recevait la loi de Dieu – le Christ est au centre comme le modèle – qui a mieux vécu selon les Béatitudes que lui-même – Le Christ est au centre qui donne l’Esprit Saint.

     

             Ce commencement du Nouveau Peuple de Dieu est une joie inouïe. Le mot ''heureux'' revient neuf fois… 9 béatitudes… et une 10ème encore plus joyeuse avec deux injonctions « Réjouissez Vous ! Soyez dans l’allégresse ».

             Et pourtant quel paradoxe ! Ceux et celles que Jésus déclare heureux, ne se croyaient sans doute pas tels ! Mais Jésus leur déclare qu’en cela, il va les rendre heureux. Car la fin du texte devient tout à coup direct: ''Heureux êtes-vous lorsque…'' alors qu'avant, Jésus paraissait s'adresser d’une manière plus générale… là il se tourne vers ses disciples et la foule qui l’entoure.

     

             Attachons-nous à la première béatitude : Heureux les pauvres en esprit, le Royaume des cieux EST à eux. Chaque béatitude énonce un état spirituel de l’homme (pauvre, doux, miséricordieux, pacifique, pur, passionné de la sainteté (justice= être juste), supportant l’épreuve) puis comme une récompense conséquente : toutes au futur… « seront consolés, hériteront le terre, seront rassasiés »… sauf pour la première, où le Royaume est à ceux qui sont pauvres en esprit.

             C’est comme si la première béatitude ouvrait le royaume… un royaume d’aujourd’hui et d’avenir où nous serons consolés, rassasiés…où nous devenons fils de Dieu, pardonnés…

     

             Heureux ?

             Selon les traducteurs, le mot hébreu peut signifier : « bienheureux, béni, magnifique, enviable, prospère. » Mais le mot grec Makarios traduit un mot hébreu qui exprime « l'idée de marche, de mouvement », exprimant la notion de dynamisme. Chouraqui le traduit par en marche : il ne s'agit pas  d'un état de béatitude passif, mais d'un état de béatitude actif, d'une marche en avant, d'un bonheur... actif ! Une action qui, si nous écoutons la fin de la phrase, peut nous amener à entrer dans le royaume des cieux, tout de suite ! « Il est à eux », dit il, au présent.

     

             Etre pauvre ? Dans la langue hébraïque, le mot qui désigne les pauvres est « 'anawim ». Il évoque ceux qui sont « courbés, prostrés, opprimés ».C’est devenu dans les derniers siècles avant Jésus Christ, dans le peuple d’Israël, une spiritualité, une attitude spirituelle, une manière de se tenir devant Dieu : cela signifie tout simplement accepter d'être totalement dépendants de Dieu. Savoir comme dit Jésus qu’  « une seule chose me manque », suivre le Christ jusqu’à être persécuté pour lui.

             Ces pauvres en esprit sont humbles, savent compatir (ceux qui pleurent) sont doux, artisans de paix, purs, miséricordieux, assoiffés de sainteté… plus exactement, joyeux dans leur humilité, dans la douceur, dans la paix, dans l’épreuve de la persécution, dans le pardon…

             Ces pauvres en esprit, connaissent leur faiblesse, leur fragilité, ils se savent souvent incapables de résister au mal, c’est l’attitude décrite par Paul, un homme intellectuellement puissant, qui écrivait : « C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. » (2 Co 12/9-10) Mais encore en 2Co. 5/15 : « Jésus est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux ». Ces avis de Paul éclaire notre compréhension : le pauvre en esprit, c’est celui qui sait ses faiblesses et ses manquements mais qui sait surtout qu’il ne veut plus vivre pour lui-même mais pour le Christ mort pour lui… qui sait que dans l’acception de ses faiblesses se trouve sa force.

             Sa force ? Cette phrase de St Paul nous donne sans doute la clé de « pauvre en esprit » que l’on pourrait traduire - ne l’appelle-t-on pas « Père des Pauvres » (pater pauperum) dans la séquence de la Pentecôte ?- pauvre selon/par l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas d’être timide, servile, écrasé, faible, ni de se tenir à l’écart, ni de ne jamais se faire remarquer. Être "pauvre en esprit" ne consiste pas non plus à se minimiser ou à écraser sa personnalité.

                « Les Pauvres en Esprit » sont ceux qui sentent que l'Esprit  Divin leur manque » ! qui ne veulent pas prendre appui sur eux-mêmes mais qui rebondissent – heureux - dans leur manque et leur petitesse, vers le Christ dans la joie de l’Esprit Saint.

  • Préface du Pape émérite Benoît XVI au 11ème volume de l’édition de ses œuvres théologiques et pastorales.

             « Nihil Operi Dei praeponatur » ce qui veut dire Ne rien préférer à l’œuvre de Dieu. Par ces paroles, saint Benoît, dans sa Règle (43,3), a établi la priorité absolue du Culte divin sur tout autre devoir de la vie monastique. Cela, même dans la vie monastique, n’était pas immédiatement une évidence parce que pour les moines le travail de l’agriculture et de la science était aussi un devoir essentiel.

             Aussi bien dans l’agriculture que dans l’artisanat et dans le travail de formation, il pouvait y avoir des urgences temporelles qui pouvaient sembler plus importantes que la liturgie. Face à tout cela Benoît, avec la priorité attribuée à la liturgie, met en relief la priorité de Dieu dans notre vie, sans équivoque : « A l’heure de l’Office divin, dès que l’on entend le signal, on laisse tout ce que l’on a entre les mains, on accoure avec la plus grande sollicitude » (43,1).

             Dans la conscience des hommes d’aujourd’hui, les choses de Dieu, et avec elles la liturgie, ne semblent pas du tout urgentes. Il y a urgence pour toutes les choses possibles. La chose de Dieu ne semble jamais urgente. Aujourd’hui, on pourrait affirmer que la vie monastique est en tout état de cause différente de la vie des hommes dans le monde, et c’est certainement juste. Et cependant la priorité de Dieu que nous avons oubliée vaut pour tous. Si Dieu n’est plus important, on déplace les critères pour établir ce qui est important. L’homme, en mettant Dieu de côté, se soumet lui-même à des contraintes qui le rendent esclave de forces matérielles et qui sont ainsi opposées à sa dignité.

             Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, je suis devenu à nouveau conscient de la priorité de Dieu et de la liturgie divine. Le malentendu de la réforme liturgique qui s’est largement répandu dans l’Eglise catholique a conduit à mettre toujours plus au premier plan l’aspect de l’instruction et de son activité et sa créativité. L’action des êtres humains a fait presque oublier la présence de Dieu. Dans une telle situation, il devient toujours plus clair que l’existence de l’Eglise vit de la célébration juste de la liturgie et que l’Eglise est en danger lorsque le primat de Dieu n’apparaît plus dans la liturgie et ainsi dans la vie. La cause plus profonde de la crise qui a bouleversé l’Eglise réside dans l’obscurcissement de la priorité de Dieu dans la liturgie. Tout cela m’a conduit à me dédier au thème de la liturgie plus largement que par le passé parce que je savais que le vrai renouveau de la liturgie est une condition fondamentale pour le renouveau de l’Eglise.

             Sur la base de cette conviction sont nées les études qui sont recueillies dans ce volume 11 de l’Opera omnia. Mais au fond, malgré toutes les différences, l’essence de la liturgie en Orient et en Occident est unique et identique. Et ainsi j’espère que ce livre pourra aider aussi les chrétiens de Russie à comprendre de façon nouvelle et mieux le grand cadeau qui nous est donné dans la Sainte Liturgie.

    Cité du Vatican, Fête de Saint Benoît,   11 juillet 2015         Benoît XVI

  • Exaltation de la Ste Croix

                Dans ses catéchèses baptismales, St Cyrille de Jérusalem, le St évêque du 4ème siècle, rappelle à ses fidèles: « on peut voir au milieu de nous le bois de la Croix et celui-ci a été distribué par petits morceaux à toute la terre. ». En effet, bien des paroisses possèdent un fragment de cette croix: on peut donc voir, au milieu des communautés chrétiennes, la Croix du Seigneur.

                Par cette relique qui est là devant vos yeux, nous voilà conduits en Terre Sainte ! Durant les événements de notre salut ! Pour garder les lieux Constantin a fait édifier une basilique et c’est vers 335 qu’a eu lieu la consécration de l’édifice impérial construit sur le tombeau du Seigneur et nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire de cette dédicace. Comme dès les premiers temps, à Jérusalem, l’anniversaire de la consécration donne lieu à l’exaltation de la Croix - on la montre - pour provoquer dans nos cœurs de fidèles la joie, la reconnaissance et l’amour de notre Sauveur.

                Nous voici donc, aujourd’hui, DEVANT LA CROIX DU SEIGNEUR

                Ce qui nous rend silencieux et adorant c’est, pour parler comme St Paul, le trop grand amour [1]qu’il nous a porté en décidant de mourir ainsi pour nous. St Nicolas Cabasilas, un oriental du 15ème siècle, écrit: « De même que chez les hommes, quand la tendresse devient trop grande pour le coeur qui la contient, elle fait sortir d’eux-mêmes ceux qui aiment, de même son amour pour les hommes a vidé Dieu. car il ne demeure pas chez lui en appelant à Lui l’esclave qu’il a aimé mais il descend lui-même le chercher. » Ces quelques lignes sont inspirées par l’hymne de l’épitre aux Philipiens[2] que nous avons entendu. St Paul y décrit l’humiliation de Jésus, l’abaissement divin, le « vide » [3]pour reprendre le mot de l’apôtre: le Fils de Dieu n’a pas fait comme Adam; il n’a pas revendiqué son droit, il n’ a rien cherché à ravir : il s’est abaissé, humilié à l’extrême. Voilà la Croix.

                Mais Cabasilas souligne à juste titre le motif de cet abaissement de Jésus : l’amour fou de Dieu pour sa créature... On ose à peine dire cela tant c’est inouï !... l’amour fou de Dieu pour chacun de nous qui fait sortir Dieu en quelque sorte de lui-même pour venir nous chercher ! Cabasilas continue : « Pour ne pas laisser caché un si violent amour, pour nous faire goûter cette charité extrême.... Dieu imagine cet abaissement et le réalise... Ayant ainsi convaincu de son amour, il retourne vers lui-même l’homme qui fuyait le Très Bon parce qu’il s’en croyait haï. »

                Mais on aurait pu penser que l’événement de la Croix et de la passion devait s’estomper après la résurrection. Ce fut un moment douloureux, terrible que la résurrection effaçait. Or il n’en est rien ! Quand le Christ rejoint les siens victorieux, au matin de Pâques, il porte les marques des plaies que Cabasilas appelle de ce beau nom : « des cicatrices d’amour, qui ornent ses mains, ses pieds et son côté comme de pierres précieuses. » Le Crucifié est Glorieux et la Gloire est crucifiée; la Croix est glorieuse car l’amour qui en était le motif secret, éclate dans sa victoire. C’est pourquoi les marques des plaies du Seigneur - marques de son amour infini - demeurent dans le corps du Ressuscité: « Il porte les cicatrices sur son Corps note Cabasilas....son Corps est spirituel, il ne connaît plus ni pesanteur, ni épaisseur, ni aucune autre affection corporelle.. mais il n’a pas du tout effacé ses plaies ; au contraire, il a tenu à les garder, à cause de son amour pour l’homme, parce que c’est par elles qu’il a retrouvé l’homme qui était perdu et c’est en étant blessé qu’il a conquis celui qu’il aimait. » 

                Sommes-nous conquis ? Allons-nous rendre amour pour amour ?

     

    [1] Ephésiens 2

    [2] chapitre 2

    [3] ekenôsen en grec. A donné kénose en Français