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Billet spirituel - Page 23

  • Oraison du 4ème dimanche

    4ème oraison : Que ta grâce, Seigneur notre Dieu, se répande en nos cœurs : par le message de l'ange, tu nous as fait connaître l'incarnation de ton Fils bien-aimé, conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu'à la gloire de la résurrection. Lui qui règne.

    @ chef d’œuvre du point de vue de la construction latine : on a là un condensé théologique admirable du plan divin de l’Incarnation rédemptrice. Le schéma est simple : on demande à Dieu la grâce qui fera obtenir l’objet de la requête principale : la gloire de la résurrection !

    @ Le mot « gratiam » est mis en tête, en valeur. C’est le mot du jour puisque c’est le mot-clé de l’Evangile du jour qui est celui de l’Annonciation. Marie est « pleine de grâce » Marie n’est pas nommée explicitement, mais elle inspire toute la prière.

    Ce thème de « l’infusion de la grâce » (infunde) est un thème très présent dans la pensée de St Grégoire le Gd inspirateur de cette oraison : la grâce est selon lui comme « une pluie fine », « une rosée douce » qui féconde l’homme et le guérit de la stérilité du péché.

    Cette grâce, elle doit conduire l’homme jusqu’au bout : le dernier verbe « « perducamur »

    @ La mention de l’Incarnation du Fils de Dieu. « Angelo nuntiante » est une expression typiquement augustinienne. On parle de cette révélation de cette incarnation et ajoute Dom Guéranger « le mystère du verbe incarné avec toutes ses immenses conséquences » qu’annonce la deuxième partie de la collecte. L’incarnation mène à la Résurrection par la croix. L’incarnation reçoit dans cette oraison toute sa dimension salvifique, Noël reçoit toute son ampleur salvifique.

    Origine : elle ne vient pas d’un formulaire d’Avent. Elle vient d’un ancien formulaire de l’Annonciation du sacramentaire grégorien. Elle est reprise au 7 octobre et chaque jour à l’Angelus.

    Pour aller plus en profondeur : Livre du Père Patrick HALA moine de Solesmes
    « la spiritualité de l’Avent à travers les collectes », éditions de Solesmes 2004 168 pages

  • Oraison du 3ème dimanche

    3ème oraison : Tu le vois, Seigneur, ton peuple se prépare à célébrer la naissance de ton Fils ; dirige notre joie vers la joie d’un si grand mystère, pour que nous fêtions notre salut avec un cœur vraiment nouveau.     

    @ dans le cadre du dimanche de la joie. On est orienté pour la première fois vers Noël. Et Dieu le Père prend de l’intérêt à considérer l’attente liturgique de son Eglise et à voir la foi (fideliter) de son peuple.

     @ On demande la joie : mentionnée avec deux mots « gaudia » et « laetitia » issus du livre du prophète Zacharie et qui caractérisent la joie messianique de Jérusalem devant son Roi et son sauveur qui vient à elle. ( Za 2/10 ; 9/9 et Sophonie 3/16) On retrouve cela dans les antiennes de l’Avent aux laudes et vêpres du 3è dimanche : « Jerusalem gaude gaudio magno qui veniet tibi Salvator alleluia ». On parle aussi «  des joies d’un tel salut » « tantae salutis gaudia ». : Le « tantae » « tel » vient souligner le caractère merveilleux de ce salut. La joie est double : celle du salut éternel et celle de la solennité de Noël, solennité de ce salut, qui approche. Noël est vue comme un avant-goût de la joie du salut éternel.

    @ Les solennités qui approchent. La joie de les fêter doit être empressée « laetitia alacri » ; L’ « alacritas » signifie vivacité, ardeur, gaieté, enthousiasme. On retrouve le même thème dans des oraisons après Pâques.

    Origine : oraison de Ravenne. Rouleau 25

    Pour aller plus en profondeur : Livre du Père Patrick HALA moine de Solesmes
    « la spiritualité de l’Avent à travers les collectes », éditions de Solesmes 2004 168 pages

  • Oraison du 2ème dimanche

    2ème oraison :  Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Lui qui règne.       

    @ il s’agit à nouveau de « courir au-devant du Christ » (même thème au vendredi de la 2è semaine). C’est un thème du Cantique des Cantiques. Pour St Pierre Damien, c’est l’Eglise qui se presse au-devant de son Epoux, avec les lampes allumées de sa joie et de sa prière.

    @ La course est entravée par les « actus terreni » (= le souci des tâches présentes) C’est une expression favorite de St Grégoire le Gd, moine, qui se plaint sans cesse d’être entravé dans sa contemplation par « les actes terrestres » de sa mission de pasteur et de pourvoyeur de biens pour sa cité de Rome. Il s’agit donc plus du tourbillon de la vie que d’actes mauvais !, plus d’êtres submergés par les activités professionnelles qui fait vivre une vie végétative au niveau de la foi et laisse insatisfaits tant de chrétiens. L’Eglise demande donc le secours divin pour que le progrès spirituel des fidèles et leur rencontre du Christ ne soient pas empêchés : c’est le risque que soit engourdie et étouffée la perception des choses de Dieu « que donne la Sagesse ».

    @ Traduction « intelligence du cœur » en fait = don de la Sagesse, un des 7 dons. Cette perception de sagesse nous donne « de partager le sort du Christ ».

    Origine : sacramentaire gélasien.

    Pour aller plus en profondeur : Livre du Père Patrick HALA moine de Solesmes
    « la spiritualité de l’Avent à travers les collectes », éditions de Solesmes 2004 168 pages

  • 1er de l’Avent A

    778754599.jpg            Le Seigneur une fois de plus nous parle de sa venue… ou plutôt selon le mot de St Matthieu « son avènement » qui a donné le mot « Avent » : nous attendons l’avènement du Seigneur, sa venue dans la Gloire.

                Cette attente sûre de la venue Glorieuse du Fils de l’homme repose sur la venue historique, dans la condition humaine, dont nous allons fêter l’anniversaire à Noël. Ainsi les deux avènements sont liés, l’un dans la simplicité et la discrétion à Bethléem, l’autre dan la Gloire à la fin du temps, quand le Seigneur viendra inaugurer son Règne.

                Entre les deux « venues » - la discrète à Noël et la Glorieuse à la fin – il y a la venue secrète, aujourd’hui, dans le cœur des hommes devenus ses disciples… venue pour laquelle nous devons toujours être dans la veille :  « vous ne savez ni le jour ni l’heure où le Fils de l’homme viendra »… viendra te visiter, intimement, viendra dans la Parole entendue et reçue, viendra dans l’eucharistie que je vais recevoir tout à l’heure.

                Mais cette articulation des « trois venues du Maître » crée un style de vie, un art de vie chrétien original, à la fois tendu vers l’avenir qui vient de Dieu, enraciné dans l’histoire où Il est déjà venu et vigilant à toute venue secrète et toujours imprévisible du Maître.

                Les premiers chrétiens étaient tenus dans leur quotidien par l’attente de la venue glorieuse : ils aspiraient à son retour… « Viens Seigneur Jésus ! » selon les derniers mots de l’Apocalypse. Puis… cette venue « tardant », ils se sont perdus dans l’amour du siècle et de la terre ! Déjà au 4ème siècle, si riche des grands Pères de l’Eglise... les évêques pactisent avec le pouvoir politique, même au prix de l’hérésie.

                Que dire des terreurs imaginées de l’an 1000 et des explications angoissées, nées du désir de se représenter les choses éternelles et la venue du Maître… ce que Jésus ne fait jamais et par là, nous invite à une très grande sobriété. ! Puis ce sera les trois temps de Joachim de Flore repris par Hegel au 19ème siècle… et puis tant d’autres imaginations.

                Avec le 18ème siècle arrive la sécularisation de l’espérance : l’homme prévoit l’avenir, rapatrie le désir de bonheur et de plénitude du ciel sur la terre, le bonheur de tous est maintenant non plus aux mains de Dieu mais aux mains de l’homme et surtout, du pouvoir. L’avenir est pensé dans la continuité du présent… alors que la venue du Christ est justement imprévisible et d’une autre nature : il vient du Ciel, de Dieu et non de la terre ! Il n’est pas dans la continuité… alors que les espérances séculières sont toujours dans la continuité… qui peut penser la nouveauté radicale, totale ? L’avenir de l’humanité n’est plus au Ciel mais sur la terre –sécularisé – et en même temps cet avenir de l’humanité est divinisé dans les utopies et les idéologies ! Que de morts dans nos cimetières, morts provoquées par ces utopies, ces rêves, ces idéologies ! La « régénération » par la Terreur française… l’idéologie du Progrès de la science… mais voilà que l’atome merveilleux a fait la bombe, la génétique si précieuse permet l’eugénisme aujourd’hui et tant avortements… Et que du nationalisme exacerbé –hélas encore aujourd’hui ! - du nazisme,… du marxisme sous ses différentes formes, et l’écologie radicale aujourd’hui, l’homme nouveau ou le libéralisme sauvage… enfin des millions de morts et une immense déception, une immense tristesse, peut-être même une révolte aujourd’hui. Après le tout « politique », aujourd’hui le tout « individualiste » ! L’un comme l’autre détruit et fait du mal.

                 Il est temps pour nous disciples du Christ de revenir à un sain équilibre :

    L’avenir de l’humanité, il est à Dieu et à Dieu seul !

    La politique est pour la gestion honnête et juste des affaires publiques et pour rien d’autre ! Surtout pas pour « faire rêver » ou « donner des raisons » de vivre !

    Que chacun occupe vraiment sa place, avec souci d’accomplir la volonté du Seigneur, avec ardeur et générosité, « pour le bonheur des autres », sachant que le Seigneur est le Compagnon de route et qu’il peut venir à tout instant. C’est cela la veille. C’est cela qui nous est demandé aujourd’hui par le Maître.

    Amen.

  • Les oraisons du dimanche

    Spiritualité de l’Avent

    avec les 4 oraisons des dimanches

     

             Ces oraisons anciennes composées aussitôt après la période très créatrice des Pères de l’Eglise sont d’une richesse extraordinaire. On les entend distraitement, il est parfois difficile de retenir leur enseignement à la seule écoute du dimanche… Je vous propose une présentation de chacune pour votre méditation et pour entrer dès le premier dimanche dans la saveur du temps de l’Avent. Un bon moyen est de se donner la semaine pour la savoir par cœur.

     

    Une course au-devant du Christ comme une Epouse au-devant de son Epoux

    Qui nécessite une volonté ferme et des œuvres justes

    Qui risque d’être entravée par les tâches présentes

    Qui est conduite avec une joie empressée qu’on demande (la joie de la nativité étant vue comme avant-goût du salut éternel)

    Qui donne la grâce de Noël qui s’épanouit dans la gloire de la Résurrection

    Tel est l’Avent. Bomme course !

     

    1ère oraison :  Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, d’aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu’ils soient appelés, lors du jugement, à entrer en possession du Royaume des cieux.         

    @ Dirige nos regards vers la seconde venue du Christ, le Jugement et l’entrée dans le royaume des cieux. D’ailleurs on ne parlera de la nativité qu’avec le lundi de la 2è semaine !

    @ De plus, il s’agit de « courir au-devant de lui » (occurentes) St Bernard de Clairvaux qui commente ainsi : «  il ne t’est pas nécessaire de traverser les mers, de pénétrer les nuages ou de franchir les montagnes : ce n’est pas un chemin très long qui t’est proposé : il te suffit de rentrer en toi-même pour courir au-devant de ton Dieu. » On retrouve ce mot à la liturgie de la Présentation au Temple, dans l’antienne qui accompagne l’allumage des cierges.

    @ « œuvres justes » (justis operibus) expression très rare dans les sacramentaires. (dans la 2è lecture, St Paul invite à rejeter les oeuvres des ténèbres (Rm 13/12) cette expression est des pères de l’Eglise : Chromace d’Aquilée, Cyprien de Carthage, Raymond Lulle.

    @ Mais dans cette course, il faut tenir : c’est l’objet de la demande : recevoir de Dieu une volonté ferme et durable.

    @ Nous « serons associés à sa droite » dans le royaume :expression moins abstraite qu’en français

     

    Origine : sacramentaire gélasien[1] ; ne se trouvait pas dans l’ancien missel comme toutes celles des dimanches de l’Avent. Dans le texte ancien à la place de tes fidèles, il y avait « la famille de Dieu »

     

    [1] Un sacramentaire est une collection d’oraison rassemblée dans un volume ou un rouleau. Le Gélasien est rattaché au Pape Gélase au 5ème siècle, l’autre à une ville Ravenne 6ème /7ème siècles, le Grégorien au Pape St Grégoire le Grand au 7ème siècle.

    Pour aller plus en profondeur : Livre du Père Patrick HALA moine de Solesmes
    « la spiritualité de l’Avent à travers les collectes », éditions de Solesmes 2004 168 pages

  • Le Christ Roi

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             Ce dernier dimanche de l’année liturgique… comme le premier de l’Avent nous fat contempler la Venue glorieuse du Christ et l’établissement définitif du Royaume de Dieu, l’accomplissement du « Dessein de Dieu, formé en Lui dès avant la fondation du monde. »

             En cette année St Luc qui s’achève, le texte prévu pour la seconde lecture – tiré de l’épitre aux Colossiens - est source d’une très grande méditation !

             Paul – qui médite sur ce mystère depuis sa rencontre fulgurante et transformante avec le Christ sur le chemin de Damas – explicite peu à peu ce que le Seigneur lui a fait voir. Et il nous met d’abord devant la Croix.

             Parce que « la Croix nous partager l’héritage des saints dans la lumière. » Et l’épisode de l’Evangile du Bon Larron en est l’illustration magnifique : « Souviens-toi de moi quand Tu viendras dans Ton Royaume » demande le bon Larron… « aujourd’hui tu seras avec moi dans la paradis. » Mais c’est héritage nécessite que « Dieu nous arrache aux forces des ténèbres » dont nous sommes si fortement complices. Même guéris même en progrès spirituel, comme nous sommes encore vulnérables et facilement fascinés par le mal au point de l’accomplir comme si cela allait nous rendre heureux !!

             Celui qui est notre salut, c’est le Christ. Et Paul affirme : « il est l’Image du Dieu invisible ». On peut comprendre que comme homme – Verbe Incarné – il est, de fait pour nous, le Dieu invisible qui se rend visible : « Qui m’a vu a vu le Père. » dira Jésus. Mais on peut aussi comprendre que dans la Trinité, « le Fils est le resplendissement de la Gloire du Père » comme dit l’épitre aux hébreux, le Père est la lumière et le fils en est le rayonnement, l’Image. Quant à nous, il apparaît alors clairement que nous sommes à l’image de l’Image, de « celui qui est le premier né de créatures » que nous sommes.

             Ce Christ est le créateur : « tout a été créé par lui. » Mais il est aussi le but de la création: « tout a été créé pour Lui ou vers Lui ». Et tout sera récapitulé en Lui cieux, terre, monde visible, invisible… Non seulement il est le créateur mais il est aussi celui qui est l’harmonie du cosmos, qui fait de ce monde un monde non pas chaotique mais ordonné et intelligible par l’homme : « tout subsiste en Lui. » Tout est maintenu en Lui.

             Et comme récapitulateur de tout, « il est la tête de l’Eglise » qui est justement l’humanité rassemblée en un seul corps pour être parfaitement unie à Dieu. Cette Eglise qu’ll  a inaugurée en ressuscitant des morts : «  premier né d’entre les morts. »

             Enfin il est, le Christ, celui en qui repose « la plénitude divine » et pacificateur de tout « puisqu’il a établi la paix par le sang de sa croix ». Retour à la contemplation première, parfaite harmonie de cette contemplation du Christ dont la croix révèle la profondeur et la centralité dans l’histoire : tout va vers Lui et tout en découle.

  • Le Magnificat

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                « Là où est ton trésor, là sera ton cœur. » (Luc 12/34) Ainsi s’exprime Jésus dans une discussion avec les siens sur le chemin de Jérusalem. Et il poursuit en montrant aux siens ce qui est secondaire et ne doit pas constituer leur « trésor ». Le trésor, en effet, c’est ce à quoi on tient par dessus tout ! C’est là où on met tout l’élan de son être, tout son cœur au sens du 17ème siècle c’est-à-dire tout son courage, c’est ce qu’on veut vraiment, c’est ce qui en fin de compte, donne sens à notre existence. C’est ce qui nous fait « courir ».

                Dimanche dernier, devant les siens, Jésus dit le trésor de son cœur : « je suis venu apporter un feu sur la terre (Jean Baptiste l’avait annoncé : « Lui vous baptisera dans le feu et l’Esprit ».) et comme je voudrais qu’il brûle déjà. Je suis venu pour un baptême et quelle est mon angoisse jusqu’à ce qu’il ne soit accompli. » (Luc 12/49) Le trésor du Christ, c’est sa mission de donner le Feu de l’Esprit Saint par le chemin d’un baptême, un « plongeon » au sens propre dans les ténèbres, le péché et la mort des hommes pour en ressusciter.

                Aujourd’hui 15 août, c’est Elisabeth et Marie qui nous livrent « le trésor de leur cœur ». Elisabeth chante sa joie d’être mère mais surtout l’expérience inouïe de sentir l’allégresse de son enfant en son sein quand il rencontre l’enfant qui est dans le sein de la Vierge, « la Mère de son Seigneur venue à elle ».

                Et Marie lui répond par sa prière à haute voix, le Magnificat.

               Nous voyons comment prie Marie, comme une femme qui vit dans la Bible. Elle s’est constituée « un trésor de Paroles divines reçues par les prophètes et les psaumes ; elle les a passées et repassées dans son cœur, elles ont pris chair en elle et maintenant, elle les redit à Dieu comme des Paroles divines qui, incarnées en elle, sont capables d’exprimer tout son être, tout son trésor intérieur.

                Marie exulte du plus profond de son être : elle ne prie pas seulement devant Dieu mais EN DIEU : « mon esprit exulte EN Dieu mon Sauveur ». Elle se sait si petite qu’elle ne s’aperçoit pas d’elle-même; elle est toute fascinée par Le Très-Haut, possédé par Lui, ce qu’il est et ce qu’Il lui donne. En ce sens, elle est encore plus humble que le publicain de la parabole: elle s’est perdue de vue en exultant et en magnifiant Dieu alors que le publicain est encore un peu centré sur lui, en ne faisant que demander pardon de ses péchés. Il a une juste attitude devant Dieu mais n’a pas encore accédé à la véritable humilité.

                Et sa joie confesse le don extraordinaire qui lui a été fait : « Le Puissant a regardé soin humble servante et a fait pour moi des merveilles. » La Vierge Marie, dans son cantique du Magnificat, se déclare d’emblée « l’humble servante » du Seigneur... ce qu’elle avait dit à l’ange de l’Annonciation: « je suis la servante du Seigneur qu’il me soit fait selon votre parole ». Marie se présente comme l’humble servante de Dieu.

                Elle est humble dans le fait qu’elle reconnaît en toute vérité les dons que Dieu lui fait et qu’elle en dit l’ampleur sans fausse hésitation: « Le Très-Haut ( servante elle est la Très bas) a fait pour moi des merveilles, toutes les générations me diront bienheureuse. » Elle sait la mesure du don de Dieu d’être la mère du Fils de Dieu. Elle sait la mesure du don et sait qu’elle sera, à cause de cela, toujours dans le cœur des croyants dont toutes les générations la proclameront bienheureuse.      Voilà la véritable humilité: un regard juste sur soi, un sens calme de sa petitesse, une reconnaissance loyale et limpide des dons que Dieu a faits, une action de grâce joyeuse et filiale pour Dieu qui a tant comblé, sans raison, sans mérite de notre part.

     

                Cette humilité est NECESSAIRE pour aller à Dieu, ce désir d’humilité au moins. Car Dieu est lui-même humble – « je suis doux et humble de cœur »  dit Jésus l’Image parfaite du Père – et il est le Dieu des humbles : c’est ce que les saints du judaïsme après l’exil ont découvert et vécu, eux les « pauvres du Seigneur »… que Jésus déclare heureux.

                Le Dieu dont parle ensuite Marie est un Dieu qui est le Dieu des humbles : d’où le renversement des puissants, l’exaltation des humbles, le renvoie des superbes, des riches les mains vides alors que les mains des affamés sont comblées. Marie vit déjà de l’enseignement radical de Jésus  - « qui s’élève sera abaissé » - enseignement qui est en fait le grand combat spirituel de chaque croyant. Et ce combat n’est pas seulement contre les vanités ridicules dont le pharisien est un bel exemple et que la société humaine nous offre si souvent ! C’est un combat pour atteindre vraiment la limpidité du cœur et être débarrassé des vanités secrètes qui sont un frein à la pleine réalisation surnaturelle de notre personne.

                Enfin Marie nous livre la dernière merveille de Dieu à ses yeux : Dieu s’est souvenu, lui le Dieu fidèle, de sa promesse à Abraham ; il s’est souvenu et il a réalisé ce qu’il avait promis. Abraham par l’enfant qu’elle va mettre au monde, aura des enfants aussi nombreux que les étoiles du ciel puisque « ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. » (Ephésiens 3/6)

    « Que faisons - nous de vivre en nous-mêmes,... de nous glorifier en la connaissance que nous avons ? que sommes-nous ? Que savons-nous ? Nous savons quelque chose des langues et des sciences humaines.... et quand tout cela serait en sa perfection, qu’est-ce au regard de ce à quoi nous sommes appelés ? Nous sommes appelés à des choses plus grandes. Nous sommes appelés à connaître non seulement ce monde mais l’auteur du monde et à vivre en Lui et de Lui une vie sans fin....Appelés à un si rare objet, à une vie si haute, à une félicité si grande, ne revalons pas nos esprits à choses si basses, ne mettons pas notre plaisir en une vanité si petite que nous-mêmes....O vision de Dieu! C’est notre vie pour jamais: ne nous contentons de rien moins. »   Cardinal Pierre de Bérulle. 17ème siècle français.

  • LA PRIERE DU SEIGNEUR

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    Commentaire :

    NOTRE / PERE / QUI ES AUX CIEUX

               Soulignons d’emblée le contraste entre l’appellation « Père » qui indique que Dieu prend soin de nous et « aux Cieux » expression typiquement biblique, non abstraite et qui signifie « hors de la portée de l’homme », « mystérieux », « inaccessible », « au-delà de tout » ….

                Notre et non pas mon: Père de tous les hommes ; nous sommes donc tous frères. Seul Jésus peut dire « Mon Père » comme Fils unique.

                Dieu Mystère, inaccessible à l’homme ! Mais, écrit St Cyrille de Jérusalem, « sous prétexte que je suis incapable de boire tout le fleuve, me priverai-je d’en prendre modestement ce qu’il m’en faut ? Ou encore, sous prétexte qu’entré dans un grand verger je ne puis en manger tous les fruits qui s’y trouvent, veux-tu que j’en sorte finalement avec la faim ? »

                « Comme Moïse, cachons-nous dans le creux du rocher, c’est-à-dire en quelque page de l’Ecriture pour saisir, au moins indirectement, et comme en passant, un éclat de sa Gloire, quelque manifestation de sa vie. » (Cantalamessa).

                « En quel sens, demande St Ambroise, Dieu se promenait-il dans le paradis puisqu’il est toujours présent partout ? Cela signifie, je pense, que Dieu manifeste sa présence dans les différents textes des divines Ecritures où l’on rencontre partout sa présence. » ( De Paradiso 14,18)

     

    QUE TON NOM SOIT SANCTIFIE

    Texte transcrit – de saveur très juive – et non traduit. Cela signifie : Que ton Nom soit connu, aimé, loué de tous les hommes. ! Qu’ils le respectent comme un nom saint !

     

    QUE TON REGNE VIENNE

    Le règne de Dieu accompli, achevé, c’est, dit St Paul « Dieu tout en tous. »

                Que Dieu soit présent dans les cœurs des hommes. Que la Paix y règne, l’harmonie, l’équilibre. Que Dieu soit aussi de plus en plus accueilli par les hommes ! Que vienne le paradis, la fin des temps ! Que la présence de Dieu dans les cœurs, entre les hommes et dans la nature, apporte paix, douceur, miséricorde et justice.

     

    QUE TA VOLONTE SOIT FAITE   SUR LA TERRE COMME AU CIEL

                Jésus parle souvent de la volonté de Dieu : « La volonté de Dieu est de sauver tous les hommes » ( Jn 3/16-17) « que je ne perde aucun de ceux que le Père m’a donnés et que je les ressuscite au dernier jour » (Jean 6)

                La volonté de Dieu, ce sont aussi les conseils donnés pour notre vie dans l’Evangile et par l’Eglise ( Jn14/21)

                La volonté de Dieu, l’homme peut la refuser. C’est pourquoi on prie pour qu’elle se fasse!

                Les quatre premières demandes ont décentré le priant de lui-même. Au lieu de formuler tout de suite ses demandes, le priant conduit par Jésus se tourne vers le Père, le contemple dans sa proximité si souvent expérimentée mais aussi dans sa vie divine, hors de toute portée humaine, de toute compréhension humaine. Puis le priant fait sien le Dessein de Dieu : la venue du Règne, la reconnaissance de Dieu par tous, la volonté salvifique de Dieu.

     

    DONNE-NOUS AUJOURD’HUI NOTRE PAIN DE CE JOUR

                Trois sens, fruit de la méditation d’Israël sur le séjour au désert, sur le don de la Parole au Sinaï et de la Manne. Le Pain de chaque jour, c’est…

                * la nourriture terrestre, don de Dieu et fruit de la terre et du travail des hommes. Elle nourrit notre corps.

                * La Parole de Dieu qui nourrit notre intelligence, notre mémoire et notre cœur. Dans le monde biblique, on appelle le texte choisi de la lecture publique de la Parole de Dieu pour chaque semaine, la « parasha » c’est-à-dire « la bouchée du jour ».

                * le Corps eucharistique du Christ qui nourrit notre âme. C’est le Pain de Vie.

     

    PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES

    COMME NOUS PARDONNONS AUSSI À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSES

                Normalement selon le texte, que Dieu nous remette nos dettes COMME NOUS LES AVONS REMISES à ceux qui nous devaient. La condition pour être pardonné par Dieu est de pardonner à ceux qui nous ont offensés.

     

    ET NE NOUS SOUMETS PAS À LA TENTATION MAIS DELIVRE-NOUS DU MAL

                Nous sommes tentés de faire le mal, c’est notre condition humaine. Jésus lui-même a été tenté. Nous demandons à Dieu de résister à cette tentation, de ne pas entrer en tentation, de ne pas succomber. Nous ne sommes pas maître du premier mouvement qui est celui de la tentation, mais comme dit Ste Bernadette, nous sommes maître du second mouvement : vais-je suivre cette tentation… ou lui résister ? Le mal est tapi à ta porte, dit Dieu à Caïn, tu dois lui résister. .. ou lui résisteras-tu ?

               Nous demandons d’être délivrés du Mal, de l’Esprit du Mal ou, comme l’appelle Jésus,   Satan, l’Adversaire,   le diviseur, le Menteur depuis les origines, le Prince du Mensonge…

  • La question de confiance.

    Questio.jpgCe dimanche dans l’Evangile, Jésus pose la question de confiance aux apôtres : « Pour vous qui suis-je ? » Cette question lui tient à cœur puisqu’il prie avant de la poser, c’est dans prière qu’il la pose. C’est donc une étape clé pour les apôtres. Ils fréquentent Jésus depuis quelques mois, ils l’entendent prêcher, parler du Royaume, ils voient les miracles, sa tendresse pour tous, sa prière… Alors qui suis-je pour vous ?

    Pierre répond avec ses mots et sa pensée. La preuve du caractère personnelle de cette réponse est que, selon St Matthieu, Pierres e trompe complètement sur Jésus.

    Cette question, Jésus la pose à chacun d’entre nous.

    Cher lecteur de ce blog, cher paroissien, que vas-tu répondre ?

    Attention ! Pas de réponse toutes faites, ces mots qu’on dit mais qui ne représentent rien pour nous, ces mots passe-partout, ces mots conventionnels qui sont hors de moi...

    Non ! Une vraie réponse personnelle… comme cette malade visitée, au moment de recevoir l’eucharistie : qui est Jésus pour vous ? Réponse comme un cri : « Tout ».

    Oui une vraie réponse…   ou rien.

  • La pécheresse pardonnée : St Luc 7/36-50

    9268898image57-jpg.jpg            « Tu vois cette femme :… Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » Il y a donc deux « amours » :

                La première expérience a conduit cette femme à Jésus ; elle est venue en toute confiance – elle ne sera pas repoussée – et elle a manifesté avec ses gestes son amour pour ce maître aux pieds duquel elle est : larmes, pieds essuyés par ses cheveux, parfum. C’est ce que Jésus appelle « ta foi ». La foi est donc amour de Jésus, contact avec lui, humilité de l’approche …

                La seconde expérience de l’amour est le fruit du pardon accordé : celui à qui on pardonne peu aime peu. Elle qui a beaucoup péché selon Jésus a été beaucoup pardonnée – « femme, tes péchés sont pardonnés »… et son amour pour le maître qui pardonne a donc grandi ! Il y a donc un cercle vertueux, d’un amour qui conduit à confesser ses péchés à un amour qui grandit d’avoir été pardonné.

    C’est l’expérience que nous faisons dans le sacrement de la réconciliation. Nous venions à Jésus par amour et confiance en lui, nous connaissons sa miséricorde et donc nous confessons nos péchés. Et en retour, nous recevons de cette démarche, un surcroît d’amour de Jésus pour nous et un surcroît d’amour pour lui.

                Mais la Parole de Jésus - « celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour »- est terrible pour Simon qui se croit juste ! Il n’a pas lavé la pieds du Christ comme l’hospitalité le voulait, n’a pas donné de baiser d’accueil, n’a pas répandu de parfum… il a accueilli Jésus comme un mufle… et dans son for intérieur, il juge la femme – dont les gestes, il est vrai, sont équivoques – et il juge le Christ, « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. » C’est le fils aîné de la parabole du prodigue… comme lui, Simon juge la femme et n’a rien compris à ce qu’apporte une vraie rencontre avec le Christ… même s’il sait bien raisonner : « Simon répondit : « Je suppose que c’est celui à qui on a fait grâce de la plus grande dette. – Tu as raison », lui dit Jésus. »… il ne sait pas aimer ! Et c’est son drame affreux… celui de tous ceux qui ne se confessent jamais ! Il est devenu dur, il juge avec rudesse, il n’a aucune vision claire de lui-même, il se croit juste… son cœur s’est durci … au point de ne même plus appliqué les règles minimales de l’accueil de l’hôte !

                Du coup, Simon reste chez lui dans la tristesse de son orgueil… tandis que les femmes, elles, suivent Jésus de village en village, avec le groupe des Douze. Et pourtant ces femmes ne sont guère « recommandables » : du milieu d’Hérode, affranchies, riches, pécheresses… et ce sont elles qui fiancent avec els biens dont elles disposent la mission de Jésus… Si Simon apprend cela, il s’étranglera dans sa raideur… Décidément ce Jésus est infréquentable, un homme « entretenu »… par des pécheresses de luxe.

  • Fête Dieu 2016

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                Dimanche dernier, nous contemplions et adorions la Sainte Trinité, notre Dieu Un et Unique, communion de trois personnes. C’était l’accomplissement de la révélation du mystère de Dieu, révélation au long des années de l’histoire d’Israël et achevée, accomplie pleinement dans le Seigneur Jésus. L’Evangile du jour nous rappelait que nous étions tous invités à la communion profonde avec Dieu, Dieu venant faire sa demeure dans le cœur du disciple, le disciple vivant caché dans le cœur de Dieu avec le Christ. Aujourd’hui, la fête du Corpus Domini, nous enseigne que cette communion avec Dieu se fait par le joyau de l’eucharistie que le Seigneur nous a laissé et dont l’Eglise a vécu dès les origines… St Paul dans l’épître d’aujourd’hui nous le confirme : en 36 lors de son baptême à Damas des mains d’Ananie, il a reçu aussi l’eucharistie – le rituel et le sens – que pratiquait la communauté de Damas, 6 anas après la mort du Seigneur ! C’est ce qu’il a transmis fidèlement à ses propres fondations comme un trésor précieux.

                Retenons déjà que St Paul lie la célébration de l’eucharistie au dernier repas de Jésus, à sa mort et à sa résurrection et au témoignage de la communauté « qui annonce la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ».

                L’Eglise des Pères va approfondir ce précieux trésor. En montrant que cette transformation du pain en Corps du Seigneur et du vin en Sang, se fait par l’action de l’Esprit Saint. L’Esprit qui a plané sur les eaux primordiales pour en faire jaillir la vie, l’Esprit qui a reposé sur Marie comme une nuée pour faire naître en elle le Fils de Dieu comme fils d’homme, l’Esprit qui a été reçu du mourant sur la Croix et donné à Pentecôte à Marie et aux apôtres unis dans la prière, le même Esprit vient sur le pain et le vin, à la parole du prêtre, pour opérer la transformation et réaliser la Présence du Christ : « le pain et le vin voilent un réel divin » dit St Thomas dans la prose de ce jour.

                Mais les Pères insistaient aussi sur la venue de l’Esprit Saint sur la communauté rassemblée pour faire d’elle le Corps ecclésial du Seigneur. Car l’Eglise célèbre l’Eucharistie mais c’est l’Eucharistie qui fait l’Eglise, qui la crée l’Eglise sans cesse.

                On a donc un magnifique ensemble : la Pâque du Christ, mort et résurrection chantées sitôt la consécration, le dernier repas instituant l’eucharistie, l’Esprit Saint acteur de toute transformation, le prêtre redisant et refaisant les paroles et gestes du Christ et pour accomplir l’eucharistie, l’offrande du Corps du Christ – Seigneur présent sous les signes du pain et du vin – et Eglise – communauté rassemblée et faite Corps du Christ par l’Esprit. Voilà la splendeur de notre trésor le plus précieux avec la Parole de Dieu. C’est la Parole de Dieu – lue dans la liturgie des lectures - faite chair et reçue en communion.

                Ce bel ensemble a éclaté au point de ne plus être compris ni vécu consciemment au XIè siècle avec les contestations de Bérenger de Tours qui tente d’expliquer rationnellement la présence réelle et finit par la nier. St Thomas d’Aquin poursuit les réponses déjà données à Bérenger… et c’est à lui que le pape demande de rédiger les textes de la messe de ce jour. Cette fête fut instaurée dans le pays de Liège : l’idée en fut inspirée à Ste Julienne du Mont Cornillon et la Bienheureuse Eve de liège. Elle fut instituée par le pape en 1264.

                Mais peu à peu les chrétiens perdirent le sens de la belle unité patristique, on communia de moins en moins –une fois par an – et on se focalisa sur le comment de la présence réelle. Tout fut accentué par la Réforme protestante malgré les fureurs de Luther qui affirmait, le Seigneur a dit, « c’est mon corps », il a dit « ist » et non « bedeutet » (= il  a dit c’est mon corps, il n’a pas dit cela représente mon corps). Mais Quand Luther réforme la messe, il supprime la prière à l’Esprit Saint ! ET Calvin dit que « le Seigneur ne peut pas être sur l’autel puisqu’il est au ciel »  !! Il n’est pas sûr que du côté catholique, on comprenne bien tout mais on ne change rien au rituel. Les querelles vont durcir l’opposition entre les catholiques qui affirment la présence réelle et les protestants qui la nient. Tout est focalisé sur la Présence réelle… la procession de la Fête Dieu est relue uniquement de cette manière… et malheureusement, on communie le dimanche à la communion du matin – sans messe souvent - et on retourne à la grande messe sans y communier.

                La réforme conciliaire nous a reconduits à contempler l’eucharistie dans sa merveilleuse totalité telle que les Pères l’avaient établie. Du coup, la Fête Dieu a besoin d’être vécue autrement : bien sûr dans la certitude de foi de la Présence réelle du Seigneur sous le signe du pain et de vin, mais plus dans la contemplation et l’émerveillement devant le don du Seigneur et dans l’adoration dont les occasions sont dans nos paroisses de plus en plus nombreuses. Dieu en soit béni.

  • Vigiles Pascale 2016

    cierge.jpg            Aujourd’hui, durant cette nuit sainte, 5682 adultes reçoivent le baptême dans de nombreux diocèses de France.  Des hommes et des femmes qui se sont laissées attirer vers le Christ par notre Père, agissant par son Esprit Saint. Des hommes et des femmes qui sont venus à Jésus et qui ont vu, selon la formule de Jésus aux premiers disciples dans St Jean : « Viens et vois ! »[1]

                Vous aussi chère Leila, vous êtes venue et vous avez vu. Cela faisait plusieurs années que vous fréquentiez déjà discrètement la communauté chrétienne, quand le Seigneur vous a invitée à franchir le pas : ce fut pour vous une invitation intérieure «  à aller voir le curé de la paroisse. » Et vous êtes venue. Benoît XVI faisait remarquer que la formule « viens et vois » je cite, « signifie plus exactement, « venez et vous deviendrez voyants », c’est-à-dire vous serez capables de voir. » C’est ce qui s’est passé pour vous : vous vous êtes approchée du Christ par votre lecture assidue des 4 Evangiles, verset après verset, en m’avouant : « je dois m’arrêter souvent dans ma lecture tellement c’est fort, tellement c’est extraordinaire. » Benoît XVI confirmait votre chemin quand il disait: « Venir signifie entrer en sa Présence, être vu de Lui et voir ensemble avec Lui. C’est en effet au-dessus du Christ que s’ouvre le ciel, l’espace secret de Dieu. Vous verrez les cieux ouverts disait Jésus à Nathanaël… là en effet, venu au Christ, l’homme demeure dans la sainteté et est introduit dans la vision. »

                Cette venue à Jésus et cette rencontre qui est vision intérieure de la beauté du Christ, écoute et expérience de son amour, compréhension de la vie en Lui, cette venue à Jésus déjà commencée par vous, va connaître dans le baptême son accomplissement. Venue au Christ, Leila, le Seigneur va venir maintenant demeurer en vous. St Paul disait : « Ce n’est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi. »[2] C’est fait tout d’un coup au baptême… et c’est à faire dans le quotidien de la vie, pas à pas, dans le combat spirituel et la joie d’être en compagnie du maître à tout instant. « Mais celui qui ne prend pas le risque de venir ne peut pas voir, continuait Benoit XVI. A l’inverse de ce qui s’était produit autrefois dans le paradis où la consommation du fruit défendu - selon l’image biblique – avait dessillé les yeux pour le malheur de l’homme, maintenant le fait de venir à Jésus et de savourer la vérité par l’eucharistie, ouvre les yeux et fait voir la bonté de Dieu. »

                Vous aussi Marc, Hector, Jules, Matthieu et Robin vous êtes venus au Christ. Certes ce sont vos parents qui ont demandé le baptême pour vous. Mais la catéchèse que vous suivez avec fidélité depuis 4 ans, vous a fait découvrir petit à petit la belle personne qu’est le Christ : il est Fils du Dieu Béni devenu homme au milieu de nous ; Il nous révèle qui est vraiment Dieu et nous ouvre le chemin qui conduit au Père, pour la béatitude éternelle. Certes la catéchèse vous transmet l’expérience des croyants depuis 2000 ans, ce qu’ils ont découvert et éprouvé du Christ et par lui, de Dieu. Mais il va falloir pour vous aussi, venir encore plus personnellement à Jésus pour voir, vous personnellement, ce que le Seigneur voudra vous faire découvrir de Lui. Vous avez reçu le message, vous allez proclamer dans quelques instants votre adhésion de jeunes et le chemin qui s’ouvre devant vous, c’est maintenant, si ce n’est déjà fait, la rencontre personnelle du Christ. Car la foi chrétienne, ce n’est pas une doctrine, c’est la rencontre d’une personne qui fascine, attire, réconforte, éclaire la pensée, dilate l’esprit et le cœur.

                Cette rencontre est liée intensément mais diversement à la liturgie de l’Eglise et à la participation à l’eucharistie. Devenir « une seul chair avec le Christ » par la communion, c’est entrer dans son mystère et lui permettre de se révéler à nous comme il voudra et quand il voudra. C’est cette expérience que tu vas commencer aujourd’hui Ludivine en communiant ce soir pour la première fois. Le Seigneur s’est déjà un peu montré à toi quand dans le moment de préparation que nous vivions ensemble mercredi, tu t’es arrêtée plusieurs fois devant une parole de Jésus ou une promesse, en me disant : « comme c’est étrange ». Car Dieu se rencontre à tout âge… et je sais de quoi je parle moi qui vis encore aujourd’hui à 66 ans de l’éblouissement de la rencontre que le Seigneur m’a fait faire de lui, à 8 ans, en m’appelant au sacerdoce.

                Chers frères et sœurs, vous qui êtes les fidèles de ce quartier, réjouissez-vous avec moi de ce chemin de foi de tous ces frères et sœurs, de tous âges, au milieu de nous ce soir. N’oubliez pas qu’ils attendent beaucoup de vous pour les accueillir et les entourer de votre amitié dans le Christ, leur donner votre témoignage personnel qui les encouragera.

                Tous, faisons monter vers Dieu le Père, Source de toute bonté, notre action de grâce et notre louange. Amen.

     

    [1] Jean 1/39

    [2] Galates 2/20

  • Jeudi Saint 2016

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                Bien chers frères et sœurs, nous célébrons chaque dimanche l’eucharistie du Seigneur… certains d’entre nous, chaque jour. Nous risquons de nous habituer… à l’inouï, l’extraordinaire de cette célébration. Profitons de ce jeudi saint pour nous émerveiller davantage du don de l’eucharistitie.

                Dans toute célébration liturgique – et a fortiori à l’eucharistie du Seigneur -, la frontière entre le temporel dans lequel nous vivons et l’Eternel divin devient floue et comme poreuse : en effet depuis que Dieu l’Eternel s’est introduit dans le temps – « en ces temps qui sont les derniers, dit l’épitre aux Hébreux, Dieu nous a parlé par son Fils incarné – et que Jésus, ce Fils de Dieu incarné, est entré dans l’éternité par la résurrection, Eternité et temps s’interpénètrent.

                L’amour de Dieu nous a été dévoilé et révélé pleinement dans la Croix, nous le contemplions dimanche dans la Passion selon St Luc : cet amour est éternel, il est donc toujours accessible dans le Christ ressuscité. Du coup, chaque instant de notre temps, s’il rejoint l’éternel toujours disponible, trouve une signification nouvelle : désormais le temps qui passe n’est plus une usure, il est une ouverture possible à l’Eternité, ouverture que la célébration liturgique réalise et accomplit, quand l’homme fait mémoire du Fils de Dieu présent à jamais, dans l’histoire des hommes. Etre homme pour un chrétien, ce n’est plus seulement être dans un corps qui vieilli et être « vers la mort », mais c’est avant tout être vers Dieu et vers la Vie.

                « Faites cela en mémoire de moi » nous dit Jésus ce soir à la Cène. L’homme - nous donc croyants - avons la garde de la mémoire de la Promesse de Vie donnée par Dieu le Père dans la Pâque du Christ son Fils. Faire mémoire de Jésus dans sa Pâques, c’est beaucoup plus que se souvenir de lui : c’est entrer dans le Don de Dieu avec toutes les fibres de son être, sa pensée, son cœur, son attention, sa mémoire, son affectivité et son corps. On dit alors « mémorial » ; nous faisons mémoire du Christ Pascal dans un ensemble de rites, de paroles laissées par Jésus qui nous font entrer dans l’acte de sa mort et Résurrection, qui nous fait vivre cette Pâque dans tout notre être. Et comme les gestes de Jésus s’inspire de la tradition biblique, les assume, les dépasse et les accomplit, dans chaque eucharistie, nous vivons l’acte créateur, la sortie d’Egypte, le passage du Jourdain et la Pâque du Seigneur, toute l’ouvre de Dieu dans laquelle nous entrons et qui nous vivifie.

                Cet action de mémorial est forcément communautaire : c’est Dieu qui rencontre son peuple avec lequel il renouvelle son alliance, « alliance nouvelle et éternelle ». L’alliance est personnelle avec chacun au baptême… mais l’alliance personnelle se vit dans l’alliance communautaire avec les autres frères et sœurs de l’Eglise.

                Cette action de mémoire n’est pas rencontre d’un passé, on l’aura compris. Même si les rites nous viennent du passé, ils agissent pour aujourd’hui. La liturgie n’est pas conservation mais conversation : Dieu s’entretient avec son peuple et avec chacun dans l’aujourd’hui, Dieu se donne à tous et à chacun personnellement dans l’aujourd’hui, l’éternité divine entre à nouveau dans l’aujourd’hui de chacun et de la communauté assemblée.

                En chaque mémorial, l’Eternité du « monde » de Dieu – le Royaume – entre dans notre aujourd’hui, le vivifie, le féconde, lui donne son sens, son espérance, sa densité, sa beauté. Que pourrait – on faire de plus digne de l’homme et de Dieu ?

                Le même soir de ce dernier repas, Jésus a résumé toute son action dans un geste : le lavement des pieds que nous rapporte Jean. Jésus prend la position du Serviteur. Déjà dans la passion selon St Luc, il disait : « Celui qui est à table est plus grand que celui qui sert ; mais je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » Toute sa vie jusqu’à la croix y compris – « il a aimé les siens jusqu’au bout » - fut service du salut de ses frères, service de leur gloire promise, service de leur divinisation. A chacun d’accepter que le Seigneur soit serviteur de lui-même « pour avoir part avec Lui »… condition sine qua non, répétée à Pierre qui ne voulait pas voir Jésus à ses pieds. A chacun de nous d’accepter d’avoir le Christ à genoux devant lui pour le servir ! Ce qui avouons-le bouleverse bien des représentations de Dieu qui traînent dans notre tête !

                Mais ce geste a aussi une autre signification : il concerne le sacerdoce ministériel inauguré également aujourd’hui, à la dernière Cène. Le prêtre est celui qui tient la place du Christ dans la communauté : in persona Christi. Et la personne du Christ en laquelle il vit et agit, est celle du serviteur qui lave els pieds des disciples. Le prêtre en effet, tient la place du Christ dans son célibat consacré, dans son enseignement de la Parole « à temps et à contre temps », dans le rattachement qu’il opère pour la communauté à toute l’Eglise, dans la communion interne de la communauté dont il a la charge. Il est celui qui sert la foi, la vie chrétienne et la gloire future de ses frères et de tous ceux dont il a la charge. Il est intendant des mystères – des sacrements – pour tous les hommes qui les demandent. Avoir part au service du prêtre, c’est pouvoir avoir part avec le Christ..Amen.

  • Passion selon St Luc


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               Passion selon St Luc

     

                La Passion selon St Luc met bien en lumière la Croix du Seigneur dans ses deux aspects : le lieu où, d’un côté, se manifeste jusqu’à l’exaspération la haine des hommes portée à Dieu à travers son Fils et de l’autre, l’amour extraordinaire de Dieu qui se donne, la révélation de l’essence divine : il est AMOUR.

                La haine : que de violences, de lâcheté comme celle de Pilate, de haine comme celle des chefs juifs avec leur dérision, leur moquerie, leur violence pour réclamer la morte t faire céder Pilate, la violence de la crucifixion en elle-même, la sottise satisfaite et la légèreté « d’Hérode qui espérait bien lui voir faire un miracle »… comme au spectacle ! La vulgarité du mauvais larron… appelant le Christ à jouer le chef de bande « sauve toi, toi-même et nous avec »  belle association de malfaiteurs… Tout se résumant dans la demande de libération de Barabbas « = le fils du père »… le fils du père, émeutier et meurtrier préféré au « Fils du Père » qui n’a fait que du bien !

                L’amour du Christ manifestant celui du Père donné dans l’Esprit Saint : amour vécu dans la sérénité et la dignité extrêmes. Amour exprimé dans les paroles de Jésus : « Père pardonne –leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » La complicité de l’invocation « Père »…, la demande de pardon… et de pardon sans condition, puisque le pardon demandé et donné excuse les hommes ! Pardon donné au bon larron : celui-ci se désolidarise de l’autre, reconnaît ses torts – enfin un qui le fait ! – et donne toute sa confiance à Jésus qu’il reconnaît comme Messie/Roi : « Souviens toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » Et quelle réponse ! « Aujourd’hui tu seras avec moi dans la paradis ». Le bon larron parlait de la fin des temps, Jésus lui parle d’aujourd’hui ! … à moins qu’aujourd’hui, sur le calvaire, soit la fin des temps !

                Et la dernière parole du Christ nous ouvre la royaume et transforme la mort : « Père, Entre tes mains, je remets mon esprit ». Dans St Jean, parlant de sa mort personnelle, Jésus disait : « Je pars vers le Père ». En St Luc, il meurt en vivant ce don de lui-même au Père. Ce don de lui-même ouvre la mort sur les bras du Père. La mort en lui devient passage au Père. Et la résurrection confirmera cette parole et cet acte de Jésus. La mort est morte sous nos yeux.

                Et enfin, une parole sensée de l’homme dans la bouche du centurion : « Vraiment cet homme était un juste ».

  • L'aveugle né

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                Quel merveilleux récit ! Nous sommes plongés dans la Jérusalem du temps de Jésus et son ébullition religieuse. Et également dans notre temps par bien des aspects.

                Il y a les vieux restes de superstition, il en traîne dans toutes les cultures : « l’aveugle né, qui a péché ? Ses parents ? Lui ? » Et ce sont les apôtres qui posent la question ! liant toujours maladie et péché… malgré les prophètes qui avaient appris que chacun était responsable de ses actes devant Dieu. Mais superstition proclamée aussi par les pharisiens, les plus doctes : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance et tu nous fais la leçon ! ». Tout entier dans le péché depuis sa naissance puisqu’aveugle !

                Il y a le poids des idées toutes faites, de l’idéologie même en théologie : la guérison ayant lieu le jour du sabbat, ce ne peut pas être de Dieu !... mais le jour-là, on peut légalement retirer son âne du puits ou son mouton pris dans un fourré… La règle, la loi est devenue un absolu. Ce poids de l’idéologie est dans toute culture : quand au XVIIè siècle le médecin anglais Harvey découvrit la circulation sanguine, on lui objecta que ce n’était pas possible puisque Hippocrate ne l’avait pas dit. Et Harvey de dire : « mais moi je l’ai vue ». De même quand Gassendi découvrit la structure de la matière en atomes, on refusa de le croire et on refusa sa théorie jusqu’en 1925 en France !

                Il y a la pression de la pensée unique : pauvres parents, comme ils ont peur puisque on a décidé d’exclure toute personne qui confesserait en public que Jésus est messie ! « Il est bien notre fils – en fait, les opposants allaient même jusqu’à douter de sa cécité pour pouvoir refuser le miracle ! – Il était bien aveugle… mais comment il est guéri, il est assez grand pour répondre ! » L’exclusion de celui qui ne pense pas comme les autorités pensent… ici c’est dans le domaine religieux, aujourd’hui dans le domaine politique, moral, orthographique, médiatique… mais c’est toujours le même obscurantisme de la pensée et la même pression.

                Et puis, au milieu de tout de monde, il y a le cheminement de l’aveugle guéri. Un cheminement de liberté. Au commencement, il répond sagement aux questions agressives qu’on lui pose du côté des autorités. Puis devant la mauvaise foi et l’appel à répéter sans cesse le miracle, il s’enhardit, réfléchit théologiquement sur le fait : « Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs, … jamais on a entendu dire qu’un homme ait guéri un aveugle de naissance, Si cet homme là ne venait pas de Dieu il ne pourrait rien faire. » Un peu avant il s’était enhardi à provoquer les chefs et les savants : « Vous ne savez pas d’où il est, voilà bien l’ étonnant ! » ou «  Vous voulez devenir ses disciples ? » Et ce chemin de liberté, c’est l’effet de libération de sa personnalité réalisé par la découverte du Christ. « La vérité le rend libre » selon le mot de Jésus. Au commencement, il dit « l’homme qu’on appelle Jésus » puis devant les autorités il l’appelle « prophète » puis quand Jésus lui demande s’il croit au Fils de l’homme devant la réponse de Jésus « je le suis moi qui te parle » il se prosterne et dit « je crois Seigneur »

                St Paul écrit : « Si quelqu’un est en Christ, il est une créature nouvelle ». (2 Co. 5/17) Nouvelle ? Paul dit « kainos » en grec, c’est à dire nouvelle mais aussi, différent de ce qu’il était jusque là, inattendu, imprévu, extraordinaire. (d’après Gaffiot) Créature nouvelle, c’est à dire créature unique, originale, créature qui est devenue enfin ce que le Créateur avait voulu qu’elle soit.

                Babel, l’image de toute dictature, est faite de brique moulée… c’est à dire de briques toutes semblables, uniformes, moulées sur le même moule. La Jérusalem nouvelle est faite de pierres, chacune originale, chacune unique, belle dans son unicité. Sous nos yeux ce matin, est née une créature nouvelle dans la rencontre de l’aveugle avec le Christ, dans l’action du Christ et dans la foi de l’aveugle.