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Billet spirituel - Page 23

  • Fête Dieu 2016

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                Dimanche dernier, nous contemplions et adorions la Sainte Trinité, notre Dieu Un et Unique, communion de trois personnes. C’était l’accomplissement de la révélation du mystère de Dieu, révélation au long des années de l’histoire d’Israël et achevée, accomplie pleinement dans le Seigneur Jésus. L’Evangile du jour nous rappelait que nous étions tous invités à la communion profonde avec Dieu, Dieu venant faire sa demeure dans le cœur du disciple, le disciple vivant caché dans le cœur de Dieu avec le Christ. Aujourd’hui, la fête du Corpus Domini, nous enseigne que cette communion avec Dieu se fait par le joyau de l’eucharistie que le Seigneur nous a laissé et dont l’Eglise a vécu dès les origines… St Paul dans l’épître d’aujourd’hui nous le confirme : en 36 lors de son baptême à Damas des mains d’Ananie, il a reçu aussi l’eucharistie – le rituel et le sens – que pratiquait la communauté de Damas, 6 anas après la mort du Seigneur ! C’est ce qu’il a transmis fidèlement à ses propres fondations comme un trésor précieux.

                Retenons déjà que St Paul lie la célébration de l’eucharistie au dernier repas de Jésus, à sa mort et à sa résurrection et au témoignage de la communauté « qui annonce la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ».

                L’Eglise des Pères va approfondir ce précieux trésor. En montrant que cette transformation du pain en Corps du Seigneur et du vin en Sang, se fait par l’action de l’Esprit Saint. L’Esprit qui a plané sur les eaux primordiales pour en faire jaillir la vie, l’Esprit qui a reposé sur Marie comme une nuée pour faire naître en elle le Fils de Dieu comme fils d’homme, l’Esprit qui a été reçu du mourant sur la Croix et donné à Pentecôte à Marie et aux apôtres unis dans la prière, le même Esprit vient sur le pain et le vin, à la parole du prêtre, pour opérer la transformation et réaliser la Présence du Christ : « le pain et le vin voilent un réel divin » dit St Thomas dans la prose de ce jour.

                Mais les Pères insistaient aussi sur la venue de l’Esprit Saint sur la communauté rassemblée pour faire d’elle le Corps ecclésial du Seigneur. Car l’Eglise célèbre l’Eucharistie mais c’est l’Eucharistie qui fait l’Eglise, qui la crée l’Eglise sans cesse.

                On a donc un magnifique ensemble : la Pâque du Christ, mort et résurrection chantées sitôt la consécration, le dernier repas instituant l’eucharistie, l’Esprit Saint acteur de toute transformation, le prêtre redisant et refaisant les paroles et gestes du Christ et pour accomplir l’eucharistie, l’offrande du Corps du Christ – Seigneur présent sous les signes du pain et du vin – et Eglise – communauté rassemblée et faite Corps du Christ par l’Esprit. Voilà la splendeur de notre trésor le plus précieux avec la Parole de Dieu. C’est la Parole de Dieu – lue dans la liturgie des lectures - faite chair et reçue en communion.

                Ce bel ensemble a éclaté au point de ne plus être compris ni vécu consciemment au XIè siècle avec les contestations de Bérenger de Tours qui tente d’expliquer rationnellement la présence réelle et finit par la nier. St Thomas d’Aquin poursuit les réponses déjà données à Bérenger… et c’est à lui que le pape demande de rédiger les textes de la messe de ce jour. Cette fête fut instaurée dans le pays de Liège : l’idée en fut inspirée à Ste Julienne du Mont Cornillon et la Bienheureuse Eve de liège. Elle fut instituée par le pape en 1264.

                Mais peu à peu les chrétiens perdirent le sens de la belle unité patristique, on communia de moins en moins –une fois par an – et on se focalisa sur le comment de la présence réelle. Tout fut accentué par la Réforme protestante malgré les fureurs de Luther qui affirmait, le Seigneur a dit, « c’est mon corps », il a dit « ist » et non « bedeutet » (= il  a dit c’est mon corps, il n’a pas dit cela représente mon corps). Mais Quand Luther réforme la messe, il supprime la prière à l’Esprit Saint ! ET Calvin dit que « le Seigneur ne peut pas être sur l’autel puisqu’il est au ciel »  !! Il n’est pas sûr que du côté catholique, on comprenne bien tout mais on ne change rien au rituel. Les querelles vont durcir l’opposition entre les catholiques qui affirment la présence réelle et les protestants qui la nient. Tout est focalisé sur la Présence réelle… la procession de la Fête Dieu est relue uniquement de cette manière… et malheureusement, on communie le dimanche à la communion du matin – sans messe souvent - et on retourne à la grande messe sans y communier.

                La réforme conciliaire nous a reconduits à contempler l’eucharistie dans sa merveilleuse totalité telle que les Pères l’avaient établie. Du coup, la Fête Dieu a besoin d’être vécue autrement : bien sûr dans la certitude de foi de la Présence réelle du Seigneur sous le signe du pain et de vin, mais plus dans la contemplation et l’émerveillement devant le don du Seigneur et dans l’adoration dont les occasions sont dans nos paroisses de plus en plus nombreuses. Dieu en soit béni.

  • Vigiles Pascale 2016

    cierge.jpg            Aujourd’hui, durant cette nuit sainte, 5682 adultes reçoivent le baptême dans de nombreux diocèses de France.  Des hommes et des femmes qui se sont laissées attirer vers le Christ par notre Père, agissant par son Esprit Saint. Des hommes et des femmes qui sont venus à Jésus et qui ont vu, selon la formule de Jésus aux premiers disciples dans St Jean : « Viens et vois ! »[1]

                Vous aussi chère Leila, vous êtes venue et vous avez vu. Cela faisait plusieurs années que vous fréquentiez déjà discrètement la communauté chrétienne, quand le Seigneur vous a invitée à franchir le pas : ce fut pour vous une invitation intérieure «  à aller voir le curé de la paroisse. » Et vous êtes venue. Benoît XVI faisait remarquer que la formule « viens et vois » je cite, « signifie plus exactement, « venez et vous deviendrez voyants », c’est-à-dire vous serez capables de voir. » C’est ce qui s’est passé pour vous : vous vous êtes approchée du Christ par votre lecture assidue des 4 Evangiles, verset après verset, en m’avouant : « je dois m’arrêter souvent dans ma lecture tellement c’est fort, tellement c’est extraordinaire. » Benoît XVI confirmait votre chemin quand il disait: « Venir signifie entrer en sa Présence, être vu de Lui et voir ensemble avec Lui. C’est en effet au-dessus du Christ que s’ouvre le ciel, l’espace secret de Dieu. Vous verrez les cieux ouverts disait Jésus à Nathanaël… là en effet, venu au Christ, l’homme demeure dans la sainteté et est introduit dans la vision. »

                Cette venue à Jésus et cette rencontre qui est vision intérieure de la beauté du Christ, écoute et expérience de son amour, compréhension de la vie en Lui, cette venue à Jésus déjà commencée par vous, va connaître dans le baptême son accomplissement. Venue au Christ, Leila, le Seigneur va venir maintenant demeurer en vous. St Paul disait : « Ce n’est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi. »[2] C’est fait tout d’un coup au baptême… et c’est à faire dans le quotidien de la vie, pas à pas, dans le combat spirituel et la joie d’être en compagnie du maître à tout instant. « Mais celui qui ne prend pas le risque de venir ne peut pas voir, continuait Benoit XVI. A l’inverse de ce qui s’était produit autrefois dans le paradis où la consommation du fruit défendu - selon l’image biblique – avait dessillé les yeux pour le malheur de l’homme, maintenant le fait de venir à Jésus et de savourer la vérité par l’eucharistie, ouvre les yeux et fait voir la bonté de Dieu. »

                Vous aussi Marc, Hector, Jules, Matthieu et Robin vous êtes venus au Christ. Certes ce sont vos parents qui ont demandé le baptême pour vous. Mais la catéchèse que vous suivez avec fidélité depuis 4 ans, vous a fait découvrir petit à petit la belle personne qu’est le Christ : il est Fils du Dieu Béni devenu homme au milieu de nous ; Il nous révèle qui est vraiment Dieu et nous ouvre le chemin qui conduit au Père, pour la béatitude éternelle. Certes la catéchèse vous transmet l’expérience des croyants depuis 2000 ans, ce qu’ils ont découvert et éprouvé du Christ et par lui, de Dieu. Mais il va falloir pour vous aussi, venir encore plus personnellement à Jésus pour voir, vous personnellement, ce que le Seigneur voudra vous faire découvrir de Lui. Vous avez reçu le message, vous allez proclamer dans quelques instants votre adhésion de jeunes et le chemin qui s’ouvre devant vous, c’est maintenant, si ce n’est déjà fait, la rencontre personnelle du Christ. Car la foi chrétienne, ce n’est pas une doctrine, c’est la rencontre d’une personne qui fascine, attire, réconforte, éclaire la pensée, dilate l’esprit et le cœur.

                Cette rencontre est liée intensément mais diversement à la liturgie de l’Eglise et à la participation à l’eucharistie. Devenir « une seul chair avec le Christ » par la communion, c’est entrer dans son mystère et lui permettre de se révéler à nous comme il voudra et quand il voudra. C’est cette expérience que tu vas commencer aujourd’hui Ludivine en communiant ce soir pour la première fois. Le Seigneur s’est déjà un peu montré à toi quand dans le moment de préparation que nous vivions ensemble mercredi, tu t’es arrêtée plusieurs fois devant une parole de Jésus ou une promesse, en me disant : « comme c’est étrange ». Car Dieu se rencontre à tout âge… et je sais de quoi je parle moi qui vis encore aujourd’hui à 66 ans de l’éblouissement de la rencontre que le Seigneur m’a fait faire de lui, à 8 ans, en m’appelant au sacerdoce.

                Chers frères et sœurs, vous qui êtes les fidèles de ce quartier, réjouissez-vous avec moi de ce chemin de foi de tous ces frères et sœurs, de tous âges, au milieu de nous ce soir. N’oubliez pas qu’ils attendent beaucoup de vous pour les accueillir et les entourer de votre amitié dans le Christ, leur donner votre témoignage personnel qui les encouragera.

                Tous, faisons monter vers Dieu le Père, Source de toute bonté, notre action de grâce et notre louange. Amen.

     

    [1] Jean 1/39

    [2] Galates 2/20

  • Jeudi Saint 2016

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                Bien chers frères et sœurs, nous célébrons chaque dimanche l’eucharistie du Seigneur… certains d’entre nous, chaque jour. Nous risquons de nous habituer… à l’inouï, l’extraordinaire de cette célébration. Profitons de ce jeudi saint pour nous émerveiller davantage du don de l’eucharistitie.

                Dans toute célébration liturgique – et a fortiori à l’eucharistie du Seigneur -, la frontière entre le temporel dans lequel nous vivons et l’Eternel divin devient floue et comme poreuse : en effet depuis que Dieu l’Eternel s’est introduit dans le temps – « en ces temps qui sont les derniers, dit l’épitre aux Hébreux, Dieu nous a parlé par son Fils incarné – et que Jésus, ce Fils de Dieu incarné, est entré dans l’éternité par la résurrection, Eternité et temps s’interpénètrent.

                L’amour de Dieu nous a été dévoilé et révélé pleinement dans la Croix, nous le contemplions dimanche dans la Passion selon St Luc : cet amour est éternel, il est donc toujours accessible dans le Christ ressuscité. Du coup, chaque instant de notre temps, s’il rejoint l’éternel toujours disponible, trouve une signification nouvelle : désormais le temps qui passe n’est plus une usure, il est une ouverture possible à l’Eternité, ouverture que la célébration liturgique réalise et accomplit, quand l’homme fait mémoire du Fils de Dieu présent à jamais, dans l’histoire des hommes. Etre homme pour un chrétien, ce n’est plus seulement être dans un corps qui vieilli et être « vers la mort », mais c’est avant tout être vers Dieu et vers la Vie.

                « Faites cela en mémoire de moi » nous dit Jésus ce soir à la Cène. L’homme - nous donc croyants - avons la garde de la mémoire de la Promesse de Vie donnée par Dieu le Père dans la Pâque du Christ son Fils. Faire mémoire de Jésus dans sa Pâques, c’est beaucoup plus que se souvenir de lui : c’est entrer dans le Don de Dieu avec toutes les fibres de son être, sa pensée, son cœur, son attention, sa mémoire, son affectivité et son corps. On dit alors « mémorial » ; nous faisons mémoire du Christ Pascal dans un ensemble de rites, de paroles laissées par Jésus qui nous font entrer dans l’acte de sa mort et Résurrection, qui nous fait vivre cette Pâque dans tout notre être. Et comme les gestes de Jésus s’inspire de la tradition biblique, les assume, les dépasse et les accomplit, dans chaque eucharistie, nous vivons l’acte créateur, la sortie d’Egypte, le passage du Jourdain et la Pâque du Seigneur, toute l’ouvre de Dieu dans laquelle nous entrons et qui nous vivifie.

                Cet action de mémorial est forcément communautaire : c’est Dieu qui rencontre son peuple avec lequel il renouvelle son alliance, « alliance nouvelle et éternelle ». L’alliance est personnelle avec chacun au baptême… mais l’alliance personnelle se vit dans l’alliance communautaire avec les autres frères et sœurs de l’Eglise.

                Cette action de mémoire n’est pas rencontre d’un passé, on l’aura compris. Même si les rites nous viennent du passé, ils agissent pour aujourd’hui. La liturgie n’est pas conservation mais conversation : Dieu s’entretient avec son peuple et avec chacun dans l’aujourd’hui, Dieu se donne à tous et à chacun personnellement dans l’aujourd’hui, l’éternité divine entre à nouveau dans l’aujourd’hui de chacun et de la communauté assemblée.

                En chaque mémorial, l’Eternité du « monde » de Dieu – le Royaume – entre dans notre aujourd’hui, le vivifie, le féconde, lui donne son sens, son espérance, sa densité, sa beauté. Que pourrait – on faire de plus digne de l’homme et de Dieu ?

                Le même soir de ce dernier repas, Jésus a résumé toute son action dans un geste : le lavement des pieds que nous rapporte Jean. Jésus prend la position du Serviteur. Déjà dans la passion selon St Luc, il disait : « Celui qui est à table est plus grand que celui qui sert ; mais je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » Toute sa vie jusqu’à la croix y compris – « il a aimé les siens jusqu’au bout » - fut service du salut de ses frères, service de leur gloire promise, service de leur divinisation. A chacun d’accepter que le Seigneur soit serviteur de lui-même « pour avoir part avec Lui »… condition sine qua non, répétée à Pierre qui ne voulait pas voir Jésus à ses pieds. A chacun de nous d’accepter d’avoir le Christ à genoux devant lui pour le servir ! Ce qui avouons-le bouleverse bien des représentations de Dieu qui traînent dans notre tête !

                Mais ce geste a aussi une autre signification : il concerne le sacerdoce ministériel inauguré également aujourd’hui, à la dernière Cène. Le prêtre est celui qui tient la place du Christ dans la communauté : in persona Christi. Et la personne du Christ en laquelle il vit et agit, est celle du serviteur qui lave els pieds des disciples. Le prêtre en effet, tient la place du Christ dans son célibat consacré, dans son enseignement de la Parole « à temps et à contre temps », dans le rattachement qu’il opère pour la communauté à toute l’Eglise, dans la communion interne de la communauté dont il a la charge. Il est celui qui sert la foi, la vie chrétienne et la gloire future de ses frères et de tous ceux dont il a la charge. Il est intendant des mystères – des sacrements – pour tous les hommes qui les demandent. Avoir part au service du prêtre, c’est pouvoir avoir part avec le Christ..Amen.

  • Passion selon St Luc


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               Passion selon St Luc

     

                La Passion selon St Luc met bien en lumière la Croix du Seigneur dans ses deux aspects : le lieu où, d’un côté, se manifeste jusqu’à l’exaspération la haine des hommes portée à Dieu à travers son Fils et de l’autre, l’amour extraordinaire de Dieu qui se donne, la révélation de l’essence divine : il est AMOUR.

                La haine : que de violences, de lâcheté comme celle de Pilate, de haine comme celle des chefs juifs avec leur dérision, leur moquerie, leur violence pour réclamer la morte t faire céder Pilate, la violence de la crucifixion en elle-même, la sottise satisfaite et la légèreté « d’Hérode qui espérait bien lui voir faire un miracle »… comme au spectacle ! La vulgarité du mauvais larron… appelant le Christ à jouer le chef de bande « sauve toi, toi-même et nous avec »  belle association de malfaiteurs… Tout se résumant dans la demande de libération de Barabbas « = le fils du père »… le fils du père, émeutier et meurtrier préféré au « Fils du Père » qui n’a fait que du bien !

                L’amour du Christ manifestant celui du Père donné dans l’Esprit Saint : amour vécu dans la sérénité et la dignité extrêmes. Amour exprimé dans les paroles de Jésus : « Père pardonne –leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » La complicité de l’invocation « Père »…, la demande de pardon… et de pardon sans condition, puisque le pardon demandé et donné excuse les hommes ! Pardon donné au bon larron : celui-ci se désolidarise de l’autre, reconnaît ses torts – enfin un qui le fait ! – et donne toute sa confiance à Jésus qu’il reconnaît comme Messie/Roi : « Souviens toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » Et quelle réponse ! « Aujourd’hui tu seras avec moi dans la paradis ». Le bon larron parlait de la fin des temps, Jésus lui parle d’aujourd’hui ! … à moins qu’aujourd’hui, sur le calvaire, soit la fin des temps !

                Et la dernière parole du Christ nous ouvre la royaume et transforme la mort : « Père, Entre tes mains, je remets mon esprit ». Dans St Jean, parlant de sa mort personnelle, Jésus disait : « Je pars vers le Père ». En St Luc, il meurt en vivant ce don de lui-même au Père. Ce don de lui-même ouvre la mort sur les bras du Père. La mort en lui devient passage au Père. Et la résurrection confirmera cette parole et cet acte de Jésus. La mort est morte sous nos yeux.

                Et enfin, une parole sensée de l’homme dans la bouche du centurion : « Vraiment cet homme était un juste ».

  • L'aveugle né

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                Quel merveilleux récit ! Nous sommes plongés dans la Jérusalem du temps de Jésus et son ébullition religieuse. Et également dans notre temps par bien des aspects.

                Il y a les vieux restes de superstition, il en traîne dans toutes les cultures : « l’aveugle né, qui a péché ? Ses parents ? Lui ? » Et ce sont les apôtres qui posent la question ! liant toujours maladie et péché… malgré les prophètes qui avaient appris que chacun était responsable de ses actes devant Dieu. Mais superstition proclamée aussi par les pharisiens, les plus doctes : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance et tu nous fais la leçon ! ». Tout entier dans le péché depuis sa naissance puisqu’aveugle !

                Il y a le poids des idées toutes faites, de l’idéologie même en théologie : la guérison ayant lieu le jour du sabbat, ce ne peut pas être de Dieu !... mais le jour-là, on peut légalement retirer son âne du puits ou son mouton pris dans un fourré… La règle, la loi est devenue un absolu. Ce poids de l’idéologie est dans toute culture : quand au XVIIè siècle le médecin anglais Harvey découvrit la circulation sanguine, on lui objecta que ce n’était pas possible puisque Hippocrate ne l’avait pas dit. Et Harvey de dire : « mais moi je l’ai vue ». De même quand Gassendi découvrit la structure de la matière en atomes, on refusa de le croire et on refusa sa théorie jusqu’en 1925 en France !

                Il y a la pression de la pensée unique : pauvres parents, comme ils ont peur puisque on a décidé d’exclure toute personne qui confesserait en public que Jésus est messie ! « Il est bien notre fils – en fait, les opposants allaient même jusqu’à douter de sa cécité pour pouvoir refuser le miracle ! – Il était bien aveugle… mais comment il est guéri, il est assez grand pour répondre ! » L’exclusion de celui qui ne pense pas comme les autorités pensent… ici c’est dans le domaine religieux, aujourd’hui dans le domaine politique, moral, orthographique, médiatique… mais c’est toujours le même obscurantisme de la pensée et la même pression.

                Et puis, au milieu de tout de monde, il y a le cheminement de l’aveugle guéri. Un cheminement de liberté. Au commencement, il répond sagement aux questions agressives qu’on lui pose du côté des autorités. Puis devant la mauvaise foi et l’appel à répéter sans cesse le miracle, il s’enhardit, réfléchit théologiquement sur le fait : « Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs, … jamais on a entendu dire qu’un homme ait guéri un aveugle de naissance, Si cet homme là ne venait pas de Dieu il ne pourrait rien faire. » Un peu avant il s’était enhardi à provoquer les chefs et les savants : « Vous ne savez pas d’où il est, voilà bien l’ étonnant ! » ou «  Vous voulez devenir ses disciples ? » Et ce chemin de liberté, c’est l’effet de libération de sa personnalité réalisé par la découverte du Christ. « La vérité le rend libre » selon le mot de Jésus. Au commencement, il dit « l’homme qu’on appelle Jésus » puis devant les autorités il l’appelle « prophète » puis quand Jésus lui demande s’il croit au Fils de l’homme devant la réponse de Jésus « je le suis moi qui te parle » il se prosterne et dit « je crois Seigneur »

                St Paul écrit : « Si quelqu’un est en Christ, il est une créature nouvelle ». (2 Co. 5/17) Nouvelle ? Paul dit « kainos » en grec, c’est à dire nouvelle mais aussi, différent de ce qu’il était jusque là, inattendu, imprévu, extraordinaire. (d’après Gaffiot) Créature nouvelle, c’est à dire créature unique, originale, créature qui est devenue enfin ce que le Créateur avait voulu qu’elle soit.

                Babel, l’image de toute dictature, est faite de brique moulée… c’est à dire de briques toutes semblables, uniformes, moulées sur le même moule. La Jérusalem nouvelle est faite de pierres, chacune originale, chacune unique, belle dans son unicité. Sous nos yeux ce matin, est née une créature nouvelle dans la rencontre de l’aveugle avec le Christ, dans l’action du Christ et dans la foi de l’aveugle.

     

  • Du Carême à Pâques

    Avec mes voeux de bon et saint carême pour tous les paroissiens et lecteurs du blog de la paroisse St Pierre, je vous envoie cette présentation unifiée des évangiles du carême que nous lirons dans l'année A car nous accompagnons vers son baptême une catéchumène de la paroisse qui a été appelée hier, premier dimanche de carême, au baptême par notre évêque avec 15 autres personnes du diocèse. Priez le Seigneur pour elle et pour toute notre communauté qui l'accueille avec joie.    P Jacques Bombardier

    Le Carême

         Un chemin vers Pâques pour redonner la première place au Christ dans notre vie. Il n’aurait pas dû la perdre… mais de petite négligence en petite négligence, nous nous sommes éloignés de lui sans nous en rendre compte tout à fait ! C’est le moment de reprendre notre vie en mains …

    Et pour cela de contempler le Christ. Voici donc 40 jours en suivant le Christ !

     

    1er dimanche : Jésus, l’homme humble

         Jésus est au désert pendant 40 jours dans le jeûne et la prière. Il y subit 3 tentations majeures : la tentation de la nourriture, du pouvoir jusqu’à tenter Dieu et d’une manière triomphale d’être le Messie. Jésus est vainqueur par la Parole de Dieu … En lui, nous recevons le pouvoir de vaincre la tentation.

     

    2ème dimanche : Jésus, le Dieu Homme

         Jésus est sur le mont Thabor avec Pierre, Jacques et Jean. Il est transfiguré… c’est-à-dire, il laisse apparaître dans son corps sa divinité. Les 3 apôtres voient Jésus dans sa réalité profonde de Dieu et homme, la divinité étant habituellement voilée sous l’humanité. Les apôtres voient ce que nous sommes tous appelés à devenir dans la Résurrection finale.

     

    3ème dimanche : Jésus le Messie

         Jésus est en Samarie, au bord d’un puits. Il y rencontre une samaritaine, curieuse, un peu goyeuse, intriguée, de mœurs légères. Jésus parle avec elle après lui avoir demandé de l’eau. Il lui apprend Le Don de Dieu : l’Eau Vive de l’Esprit Saint qui sera donnée à chaque disciple et qui jaillira en lui comme une source vive. Cette Eau Vive, c’est le Messie Jésus qui la donne. La femme est bouleversée, appelle les habitants du village : Jésus reste deux jours chez eux !

    Prière spécifique pour les catéchumènes

     

     4ème dimanche : Jésus guérit l’aveugle né

         Jésus est à Jérusalem, dans le Temple avec apôtres et disciples. Jésus guérit un aveugle-né en faisant de la boue avec sa salive – comme Dieu avait fait dans la genèse en modelant l’homme avec de la boue. Puis il ‘envoie se laver à la piscine de Siloë, une longue marche ! L’homme est guéri et dans les différentes rencontres avec le Christ, il progresse tant dans la foi qu’à la fin, il déclare sa foi au Christ et se prosterne devant lui ! Il a acquis aussi beaucoup de liberté face aux autorités juives qui refusent de croire et l’excluent du Temple. Jésus nous guérit de notre cécité spirituelle pour voir et contempler son Mystère et proclamer notre foi. Il est aussi celui qui nous donne la liberté face au regard des autres.

    Prière spécifique pour les catéchumènes

     

    5ème dimanche : Jésus ressuscite Lazare.

         Jésus est à Béthanie, à côté de Jérusalem, là où il allait très souvent quand il était dans la ville Sainte. Son ami Lazare est mort. Ses deux sœurs, Marthe et Marie amies intimes de Jésus, l’ont prévenu. Il est arrivé après la mort de Lazare. Jésus dialogue avec les deux femmes, les accompagne au tombeau, pleure avec elles puis annonce qu’il est lui-même la Résurrection. Et pour assurer sa Parole, il réanime Lazare et le fait sortir du tombeau !! « Lazare, viens dehors ! et le mort sortit ». Jésus est venu pour délivrer les hommes de la mort et les conduire à la Résurrection dont le baptême est la première expérience.

    Prière spécifique pour les catéchumènes

     

    6ème dimanche : Jésus entre à Jérusalem, la foule le reconnait comme Messie. Dimanche dit des Rameaux 

         Jésus entre à Jérusalem monté sur un âne, monture royale, et la foule l’acclame avec des branchages, des manteaux sur le sol et des chants messianiques. Ensuite, on lit l’Evangile de la Passion. C’est dans la mort et la résurrection de Jésus que se situe le cœur de la foi chrétienne et de la foi au Messie Jésus.

     

    Jeudi Saint

         Nous prenons avec Jésus son dernier repas avec ses apôtres et disciples. Nous célébrons l’Eucharistie qu’il a célébrée pour la première fois ce soir-là. Nous goûtons une unité intime unique, chacun avec Jésus et une unité unique entre nous qui communions à lui : nous devenons ensemble son Corps ecclésial.`

          

    Vendredi Saint 

         Nous vivons heure par heure avec Jésus. Nous le suivons dans sa Passion, nous nous approchons de la Croix pour la vénérer et nous communions pour être un avec Lui.

     

    Samedi saint

         Le jour est sans célébration. Le Christ est mort : son âme est aux Enfers avec les morts pour les sauver, son corps est au tombeau et la terre est silencieuse après le drame du Vendredi. La divinité du Seigneur est toujours unie au corps et à l’âme de la nature humaine de Jésus.

    Le catéchumène reçoit l’onction de catéchumènes.

         Dans la nuit, l’Eglise fête la Résurrection du Seigneur, d’abord autour d’un feu et du Cierge Pascal, colonne de cire qui brûle dans la nuit comme le Ressuscité ou la colonne de nuée du désert. On lit les Ecritures jusqu’à l’annonce de la Résurrection. On bénit l’eau des baptêmes, on célèbre les baptêmes, la communauté renouvelle sa foi et célèbre l’eucharistie. C’est la joie de Pâques.

     

  • La fête de la Présentation au Temple (2 février)

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                Un mot revient souvent dans cette fête : le mot LUMIERE. Il y a même une trilogie très intéressante à méditer dans le cantique de Siméon : « car mes yeux ont vu ton salut, lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. »

                De quelle lumière s’agit-il ?

                Certainement pas de la lumière du soleil de la lune ou des étoiles… on la connaît depuis longtemps ! Certainement pas celle où Dieu habite, la lumière inaccessible de la divinité, « du Père des lumières » comme l’appelle St Jacques. Lumière divine inaccessible à l’homme qui ne peut même la regarder sans mourir.

                Il doit s’agir de cette « lumière du premier jour » - « Dieu dit que la lumière soit et la lumière fut (et non est) »[1] - lumière donnée par Dieu à l’homme qui fut retirée en raison du refus de l’homme d’entrer dans le projet d’alliance de Dieu.

                La lumière du Dessein de Dieu devenue invisible aux hommes sauf aux justes – «  car une lumière est semée pour le juste »[2] - dispersée dans le chaos des événements de l’histoire se réalise peu à peu et vainc les ténèbres jusqu’à la victoire finale dans la Résurrection du Christ.

                Le Dessein de Dieu, St Jean nous dit en parle dans son prologue [3] « En le Verbe était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » Cette lumière divine pour les hommes, elle est dans le Christ, elle vainc les ténèbres, les oppositions et elle est donnée d’abord mystérieusement aux hommes, durant l’histoire du salut, avant l’incarnation du Verbe, « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde."[4]

             C’est la lumière qu’est le Christ lui-même : Siméon le déclare prophétiquement dans son cantique, Jésus l’annoncera : « De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. »[5]

                C’est la lumière en laquelle nous sommes transformés. « Car Dieu qui a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ….Et nous tous qui n’avons pas de voile sur le visage, nous reflétons la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en son image avec une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit. » [6]

                Voilà donc le salut annoncé par Siméon ; la lumière du dessein de Dieu nous est révélée par le juste Siméon : la lumière divine est dans le Christ incarné ; par notre communion au Christ, elle nous atteint et nous, nations, sommes « transformées » par cette lumière au point de refléter la « gloire du Christ » l’Israël nouveau.

     

    Les préfaces de Noël et d’Epiphanie nous l’avaient déjà dit :

                « Car la révélation de ta Gloire s’est éclairée d’une lumière nouvelle dans le   mystère du Verbe Incarné. » (1)

                « Faisant renaître en LUI (le Verbe Incarné) la création déchue, il restaure toute chose. » (2)

                « Par Lui (le Verbe Incarné) s’accomplit en ce jour l’échange merveilleux : lorsque ton Fils prend la condition humaine la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse : il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels. » (3)

                et le jour de l’Epiphanie, le texte est très explicite au sujet de notre méditation :

                « Quand le Christ s’est manifesté dans notre nature mortelle, Tu nous as recrées par la lumière éternelle de sa divinité. »

     

    Tel est donc notre salut annoncé par Siméon le juste qui lit dans les événements la lumière du plan de Dieu : unie à la Lumière éternelle de la divinité présente dans le Verbe Incarné, nous sommes recréés par cette communion et nous reflétons la Gloire du Ressuscité, transformés de gloire en gloire par l’Esprit.

                On comprend la joie de St Sophrone de Jérusalem dont on lit aujourd’hui un extrait du sermon : « Allons à la rencontre du Christ, nous tous qui honorons et vénérons son mystère avec tant de ferveur, avançons vers lui dans l'enthousiasme. Que tous sans exception y portent leurs lumières.
Si nos cierges procurent un tel éclat, c'est d'abord pour montrer la splendeur divine de celui qui vient, qui fait resplendir l'univers et l'inonde d'une lumière éternelle en repoussant les ténèbres mauvaises ; c'est aussi et surtout pour manifester avec quelle splendeur de notre âme, nous-mêmes devons aller à la rencontre du Christ. 
Hâtons-nous vers celui qui est vraiment la lumière.

C'est évident : puisque la lumière est venue dans le monde et l'a illuminé alors qu'il baignait dans les ténèbres, puisque le Soleil levant qui vient d'en haut nous a visités, ce mystère est le nôtre. C'est pour cela que nous avançons en tenant des cierges, c'est pour cela que nous accourons en portant des lumières, afin de signifier la lumière qui a brillé pour nous, mais aussi afin d'évoquer la splendeur que cette lumière nous donnera. Courons donc ensemble, allons tous à la rencontre de Dieu. ~

Cette lumière véritable, qui éclaire tout homme venant en ce monde, voici qu'elle vient. Soyons-en tous illuminés, mes frères, soyons-en tous resplendissants.

Avec le vieillard Siméon, accueillons cette lumière glorieuse et éternelle. Avec lui, exultons de tout notre cœur et chantons une hymne d'action de grâce à Dieu, Père des lumières, qui nous a envoyé la clarté véritable. »

     

    [1] Genèse 1/ 2

    [2] psaume 96/11

    [3] Jena 1/5

    [4] Jean 1/9

    [5] Jean 8/12

    [6] 2 Co. 4/6 et 3/18

  • Interview de St Luc

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    Journaliste : St Luc, nous aimerions faire davantage connaissance avec vous, l’auteur de l’Evangile que nous allons lire tout au long de cette année et des Actes des Apôtres dont la lecture nous accompagne chaque année durant le temps de Pâques. Merci de nous recevoir et de répondre à nos questions qui sont sans doute celles des lecteurs de votre Evangile.

     

    D’où êtes-vous originaire?

    Luc: Mon pays est la Syrie et je suis né à Antioche sur l’Oronte. C’est dans cette très grande ville que les disciples de Jésus ont reçu pour la première fois le nom de « Chrétiens ».

     

    J: Antioche est en effet une très grande ville.

    Luc: 500 000 Habitants. Ma ville natale est située dans une vaste plaine fertile au climat agréable, au bord du fleuve Oronte, bordée de deux hautes montagnes. C’est une ville cosmopolite où vivent des Grecs, des Chypriotes, des Syriens, et des Juifs, une des plus grandes colonies juives de l’Empire (50 000 juifs environ). C’est une ville de fonctionnaires, de diplomates, d’artistes, de commerçants et d’esclaves. De nombreux artistes en ont fait une ville magnifique, où l’eau coule partout. Ce qui est remarquable, c’est, en particulier, notre grande avenue de 4 km de long bordée de 4 colonnades de marbre, qui traverse la ville. Antioche est devenue la rivale d’Alexandrie d’Egypte!

     

    J: On voit poindre en vous une légitime fierté de votre ville d’origine! Vous avez fait vos études à Antioche?

    Luc: Oui, à l’université de la ville. J’ai étudié la littérature et la philosophie grecques et j’ai aussi appris la médecine. Dans le milieu des étudiants de cette époque, le bouillonnement religieux était intense. Tout le monde cherchait, s’interrogeait sur le sens de l’existence et les réponses habituelles paraissaient vieilles et sans intérêt.

     

    J: C’est dans cette atmosphère que vous êtes devenu chrétien?

    Luc: je suis païen d’origine. Vous savez à Antioche les religions sont prospères! Tout est mêlé: les déesses locales comme Astarté à qui on sacrifie des enfants et des adultes, les dieux romains: Hercule, Apollon. Les temples, très nombreux, sous le couvert d’un culte rendu au mystère de la nature et de la fécondité, sont des lieux de prostitution sacrée. Plus tous les cultes à mystère: Cybèle venue d’Asie mineure, Attis venue de Phrygie, Isis et Osiris hérités d’Egypte, Dionysios et ses orgies venu par la Grèce des profondeurs de l’Asie.

     

    J: Par quel chemin êtes-vous sorti de ce paganisme?

    Luc: C’est une grande insatisfaction devant ces religions qui m’a fait me tourner vers la religion des juifs, très nombreux, dans notre cité. J’ai fréquenté la communauté de la Synagogue de la Porte et peu à peu, j’ai lu les Ecritures juives dans le Grec de la magnifique traduction des Septante. Je suis devenu alors un « craignant Dieu ». Et puis en l’année 34 -35, des Chrétiens chassés de Jérusalem par le martyre d’Etienne et la persécution qui avait suivi, sont arrivés à Antioche. A la synagogue, ils ont commencé à parler du Christ.

     

    J: Quel a été l’accueil de cette nouveauté?

    Luc: beaucoup de débats et de discussions animées. Mais certains juifs sont devenus chrétiens. Cette communauté nouvelle d’Antioche a attiré l’attention des apôtres de Jérusalem: ils ont envoyé Barnabé, un homme remarquable. Il est venu aussi parler à la synagogue et c’est lui le premier qui m’a ébranlé. Mais celui qui m’a attiré définitivement au Christ, c’est Paul de Tarse que Barnabé avait été cherché pour l ‘aider à Antioche. C’est Paul qui m’a baptisé.

     

    J: et vous ne l’avez plus quitté!

    Luc: presque! Une grande amitié est née entre nous et de ma part, une grande dette envers le maître Paul qui m’a tant appris sur le Mystère de Dieu et associé à son apostolat.

     

    J: Vous l’avez suivi dans tous ses voyages apostoliques?

    Luc: en fait, je l’ai rejoint dans son deuxième voyage à Troas et j’ai fait avec lui tous les autres voyages, à pied, à cheval, en bateau. J’ai mis par écrit tous ces souvenirs dans le livre des Actes des Apôtres que j’ai rédigé après mon Evangile. Lors du premier voyage de Paul avec Marc et Barnabé, je n’étais pas encore chrétien. J’ai accompagné Paul dans sa première captivité à Rome et surtout dans la seconde où il a été condamné à mort en 67.

     

    J: A Rome, vous avez rencontré Pierre.

    Luc: Oui, et ce fut un grand bonheur. J’ai vécu trois ans à Rome avec Paul, Pierre, Marc, Sylvain et tous les disciples de la communauté de Rome. Je me suis beaucoup entretenu avec Pierre: il m’a parlé beaucoup de Jésus, de sa vie et de son enseignement en Galilée et à


    Jérusalem. Il m’a raconté les commencements de l’Eglise à Jérusalem, les premières prédications qu’il a faites, ce qu’il disait. Je connaissais bien la prédication de Paul que j’entendais depuis des années; à Rome, j’étais heureux d’entendre Pierre et de lire ce qu’il écrivait.

     

    J: Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’écrire votre Evangile?

    Luc: je l’explique très bien dans le prologue de mon Evangile. J’ai écrit ceci: « après m’être soigneusement informé de tout à partir de origines, il m’a paru bon à moi aussi d’en écrire pour toi un récit ordonné très honorable Théophile, afin que tu puisses constater la solidité des enseignements que tu as reçus. » (1/3-4) J’avais besoin d’assurer, pour certains chrétiens, l’enseignement qu’ils avaient reçu. J’ai fait alors une enquête minutieuse: j’ai interrogé les témoins, en plus de Pierre, Jean l’apôtre, Marie la Mère de Jésus et en particulier des Chrétiens venus de l’entourage d’Hérode Antipas, j’ai lu les textes qui circulaient entre les Eglises chrétiennes, j’ai rassemblé mes propres souvenirs. Et j’ai rédigé mon texte, l’Evangile et les Actes.

     

    J: Vous avez écrit à Rome?

    Luc: Non. Après le non-lieu de Paul en 62, j’ai quitté Rome et je me suis établi en Grèce: c’est là que j’ai écrit mon Evangile et les Actes, dans les années 62-63.

  • L'Epiphanie

    Epiphanie. Mt 2/1-12.                                     

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             On peut penser que l’Evangéliste veut nous décrire le chemin de foi de ces hommes, chemin de foi qui est comme l’exemplaire parfait de tout cheminement vers Dieu et le Christ dans la foi. Cette visite des Mages est une sorte de modèle à partir duquel nous pouvons comprendre et vivre un cheminement de croyant, un chemin de foi.

    Si l’on suit cette piste de lecture, on découvre que st Matthieu nous enseigne que pour aller à Jésus, il faut 3 éléments: un signe de Dieu, Les Saintes Ecritures expliquées par la Tradition de lecture et une lumière intérieure.

    Un signe de Dieu.

    « Les Mages ont vu se lever son étoile », terme classique en astrologie pour parler d’une conjonction d’astres significative. Voilà le signe des Mages. Le signe est dans les astres puisqu’ils sont astrologues. Cela nous révèle que Dieu cherche à se faire connaître de chaque homme; et il fait signe à chacun de façon personnelle. Le signe correspond à tout homme : ce peut être le témoignage d’un ami, un événement important, heureux ou malheureux, la beauté de la nature tout à coup saisie, la foi de ses parents, l’interrogation profonde sur le sens des choses ....

    Dieu donne un signe… mais encore faut-il un cœur pour le recevoir ! Les Mages ont pu voir l’étoile parce qu’ils avaient un coeur en attente. S’ils n’avaient pas eu ce coeur attentif, ils n’auraient rien vu.

    Et cela est d’une grande importance pour nous. Pour être croyant, il nous faut maintenir notre cœur sur le qui-vive, une attente, un creux en nous qui peut nous donner le vertige. C’est une insatisfaction devant la réalité matérielle. Cela a des conséquences dans l’éducation que nous devons donner à nos enfants ou à ceux dont nous avons la charge : éveiller au mystère des choses, à la certitude que toute la réalité vraie ne se livre pas dans les apparences. Nous pouvons réfléchir : Savons nous les laisser nos enfants en attente ? ne cherchons-nous pas trop à la combler tout de suite, et cela depuis la plus tendre enfance… Prenons-nous le temps de les éveiller au mystère et au secret des choses ? ou bien tout est-il pour nous rationnel, carré, exact, sans poésie…

    Mais le signe ainsi perçu, signe qui met en chemin, en route ne suffit pas. Les Mages ont eu besoin de s’adresser au peuple d’Israël, à Jérusalem, pour savoir où aller. Les mages consultent les scribes et les savants de Jérusalem qui leur citent le prophète Michée et leur indiquent Bethléem comme lieu de naissance du Messie. Il faut les Ecritures pour aller à Jésus même si on est païen ! Et les Ecritures, on les reçoit d’Israël et de l’Eglise. Et pas simplement dans la matérialité du texte, mais dans le texte expliqué, médité par les croyants, au long des siècles, ce qu’on appelle la Tradition. L’Ecriture lue dans la Tradition d’Israël pour les Mages, l’Ecriture lue dans la Tradition de la Nouvelle Jérusalem qu’est l’Eglise pour nous autres.

    Le signe perçu, la clé de l’Ecriture donnée par la Tradition croyante, il faut encore une lumière intérieure, - l’étoile qui apparaît de nouveau dans notre texte de St Matthieu -, pour aller jusqu’au lieu précis où est le Messie. Cette lumière intérieure qui vient de Dieu conduit à Jésus et fait découvrir qui il est. Et ils l’adorent en se prosternant.. Nous savons par St Paul que « personne ne peut dire Jésus est Seigneur sans le St Esprit » et Jésus dit à Pierre  à Césarée de Philippe: « ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé que je suis fils de Dieu mais mon Père qui est dans les cieux. Heureux es-tu Simon fils de Jonas. » St Matthieu ne dit rien de la foi des Mages mais les cadeaux qu’ils présentent à l’enfant disent leur foi. S’Ils offrent à Jésus, comme dit la Tradition de lecture, l’or comme à un ROI, l’encens comme à un DIEU et la myrrhe au SAUVEUR qui doit MOURIR, c’est parce que leur cœur a été illuminé de l’intérieur par Dieu lui-même qui veut se révéler à eux. Dieu seul sait bien parler de Dieu, Dieu seul sait conduire à Lui. Ce qui vaut pour les Mages aux aurores du salut, vaut pour tout homme pour tout croyant aujourd’hui, pour chacun d’entre nous.

    Voilà la lumière sur notre acte de foi que nous enseigne cet épisode des Mages. Voilà l’éducation du cœur que nous devons cultiver en nous et donner à nos enfants pour qu’ils puissent un jour suivre ce chemin personnellement : éveil du désir, sens du mystère des choses, goût d’interroger les autres et la Bible pour comprendre, attention à la lumière intérieure qui nous habite…Des attitudes du cœur qui préparent à la foi, mais qu’il faut savoir cultiver en soi et éveiller autour de nous. Amen.

  • La Visitation

    4ème dimanche d'avant, année C

    1364570600.jpg            Dans ce magnifique récit de St Luc, il y a comme deux plans : la scène extérieure telle qu’un observateur pourrait la voir….et l’événement intérieur eux deux femmes et aux deux enfants en leur sein.

                Voilà Marie qui quitte Nazareth et descend « vers le haut Pays, dans une ville de Juda » comme dit le texte réel et non la vague traduction liturgique qui aplatit tout. Car « le Haut Pays », c’est là où, du temps de David, a séjourné l’Arche d’Alliance… c’est là où asse « en hâte » la véritable arche d’Alliance qu’est Marie en qui la Parole s’incarne !

                Et Marie est accueillie avec soin, comme toujours dans le vieil Israël – Joseph sans doute aussi car on ne voit pas une femme voyager seule - : l’accolade entre Elisabeth « vieille » femme de 40 ans ou plus peut-être et Marie jeune épousée de 16 ans.

                Et puis tout à coup nous passons au plan le plus intérieur :

    Elisabeth prend la parole après avoir, comme elle en témoigne, senti en elle l’enfant, le futur Jean Baptiste, « tressaillir ». Elisabeth, envahie de l’Esprit Saint, chante sa propre joie … qui n’est pas d’avoir un enfant (et pourtant ! il fut attendu ! et demandé !) mais de se trouver devant Marie « Bénie entre toutes les femmes » et découvrir que la visite de Marie est, en fait, la visite de son Seigneur en Marie. ! « Comment ai-je ce bonheur que ma mère mon Seigneur vienne jusqu’à moi ! » Employer le mot Seigneur qui désigne Dieu dans la Bible grecque est une véritable prophétie, une véritable profession de foi qui est la première publique de l’Evangile. Pour elle aussi vaut la remarque de Jésus à Pierre : « ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont fait découvrir cela Elisabeth, mais mon Père qui est aux cieux ». Et Elisabeth de conclure en reconnaissant la foi de Marie « qui a cru dans l’accomplissement des paroles qui lui furent dites d la part de Dieu. »

                Et Marie répond en chantant son magnificat ! Elle aussi est envahie de joie puisque toute son existence est « en Dieu son Sauveur ». Marie qui ne nie pas sa grâce : « toutes les générations me diront bienheureuse » mais qui chante Dieu qui l’a choisie… Un Dieu qui bouleverse les hommes, remet le monde à l’endroit : « Il renvoie les riches les mains vides, Il élève les humbles, comble les affamés, dépose les puissants de leur trône. »

                Ainsi Elisabeth, l’enfant Jean Baptiste, Marie exultent chacun à sa manière dans cette si intérieure rencontre. Et l’enfant Jésus ?

                Luc ne nous en dit rien. Il ne tressaille pas… d’ailleurs sauf une fois, nous ne verrons jamais Jésus exulter dans l’Esprit… Jésus est égal, il ne connaît ses soubresauts de nos psychologies tantôt exultantes tantôt déprimées sans plus de raison que cela. Jésus est égal sa psychologie est paisible même si nous le voyons souvent ému devant la misère des hommes. Pour savoir ce qui se passe en l’enfant Jésus, il nous faut aujourd’hui recourir à l’auteur des Hébreux que nous venons d’entendre : lui nous dit ce qui est dans le Christ « qui entre dans le monde. Me voici Seigneur je viens faire ta volonté ». Ce qui habite le cœur de l’enfant, c’est la joie intense d’accomplir le dessein de Dieu qui est aussi le sien. Ce qui habite le cœur du Christ c’est une offrande totale de sa vie. Et cette offrande va être vécue tout au long de sa vie d’homme quand il va assumer pleinement notre nature humaine – jusqu’à la souffrance et la mort – pour nous ramener à Dieu, pour nous reconduire à notre dignité première, pour nous faire participer à la nature divine. C’es pourquoi l’auteur de Hébreux peut dire : « c’est dans cette volonté sainte que nous sommes faits saints. »

                Cette offrande la Seigneur va la renouveler, devant nous, sur l’autel de l’eucharistie : et il attend que nous aussi, nous nous joignions à lui pour cette offrande au Père, nous offrant nous-mêmes avec tout ce que nous sommes, « par Lui, avec Lui et en Lui ». Amen.

     

  • Fête du Christ Roi

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                Les Apôtres ont dû plusieurs fois abandonner leur vision du Messie. La première fois quand Jésus leur a annoncé qu’il allait souffrir et mourir de la main de son peuple. La seconde fois à la résurrection : aucun triomphe du Christ, une modestie dans les manifestations, une discrétion… même si Jésus est autre et le même à la foi ! Moins d’effet à la résurrection qu’à la Transfiguration ! Et pourtant Jésus a revendiqué le titre de « Fils de l’homme » tel que le prophète Daniel lu aujourd’hui le présente. Il a même déclaré dans son procès que bientôt « ils verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel »… et St Jean dans l’Apocalypse nous montre la beauté, la splendeur du Christ, sa majesté, sa puissance… mais c’est pour la fin des temps !

                Depuis l’effacement du Christ de l’Ascension, le royaume grandit invisiblement. « IL n’est pas ici, il n’est pas là, le royaume de Dieu est au milieu de/ en vous. » dit Jésus aux apôtres. En nous : le Père et le Fils par l’Esprit viennent faire en chaque baptisé leur demeure. Le cœur de chaque croyant, dit Origène repris par Ste Thérèse d’Avila, est un paradis où Dieu aime se promener et rencontrer l’homme.

                Depuis l’effacement du Christ, le Royaume grandit « de cœur à cœur ». Il grandit en nous si nous le laissons nous envahir… envahir notre cœur, notre esprit, notre âme, nos pensées, notre affectivité, notre raison… Lent cheminement où Dieu devient tout en moi.

                Depuis l’effacement du Christ, il compte sur nous pour le montrer, ce royaume et pour le DIRE. Le montrer par la nouveauté de nos vies, le dire par notre témoignage. ET là nous rencontrons une grave difficulté en France : nous ne savons plus dire notre foi, en rendre compte. Combien de fois on me dit : mon fils, ma fille, mes petits enfants m’ont critiqué la religion devant moi et je n’ai pas su quoi dire ! Dans un repas j’ai entendu dire beaucoup de mal de l’Eglise mais je n’ai pas su répondre… Dramatique ! A force de ne pas parler de religion ou de politique – selon la consigne si commune dans les familles -, on a perdu les mots et les idées. La foi, c’est comme une langue : si on ne la parle pas, on la perd ! Les mots ne viennent lus ; les idées, non plus… ou elles viennent longtemps après, trop tard …

                Même entre nous nous ne nous parlons pas ! C’est une perte pour la communauté qui s’enrichit de cet échange d ‘expériences chrétiennes multiples et variées.

                C’est un grand travail à entreprendre : que els catholiques se réapproprient leur foi, sache l’expliquer personnellement, dans un témoignage. Croyez moi si votre petit fils vous pose une question ou vous provoque et que vous pouvez lui dire : attends ! Asseyons-nous, je vais t’expliquer et que vous puissiez calmement, sans plus, lui témoigner votre expérience croyante personnelle… cela fera profondément son effet en lui ! Mais si vous ne savez pas quoi dire, il en conclura que croire ne signifie rien !

                Depuis deux ans, par les rencontres « B’Abba », B A Ba, avec un jeu de mot sur le nom du Père « Abba », la paroisse vous propose de réapprendre à exprimer votre expérience chrétienne avec du fruit pour ceux qui y ont participé.

                Nous proposons cette semaine à nouveau un temps de rencontre (mardi 24 et jeudi 26 de 20H30 à 22H) sur le thème : « qu’est-ce qu’être chrétien aujourd’hui ? » Je vous encourage vivement à y venir.

  • La Toussaint

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    Dans la prière après la communion de la messe de la Toussaint, se trouvent résumés bien des aspects de cette belle fête : au moment où la nature, après avoir donné ses plus belles couleurs et ses plus beaux fruits, glissent tout doucement vers la mort et le sommeil de l’hiver, la liturgie nous fait contempler le Ciel et nous montre l’avenir que Dieu nous a préparé : le Royaume dans toute sa beauté et sa béatitude, la Vie surabondante divine partagée avec tous les élus, la beauté inimaginable des vies de ces saints, plus brillantes et plus scintillantes que toutes pierres précieuses réunies !

     

    « Dieu qui seul es SAINT

                Toute cette fête est centrée sur Dieu. Dieu est Saint, Dieu est Dieu, totalement séparé de nous, transcendant, inconnaissable, au-delà de tout ce qu’on peut penser de Lui, Lumière au-delà de toute lumière… Totalement séparé de nous, inaccessible.

                Nous nous rappelons Isaïe dans le Temple et les Anges chantant « Saint ! Saint ! Saint ! » … avec une telle force que les verrous des portes du saint lieu en sursautaient.

     

    Toi que nous admirons et adorons en célébrant la fête de tous les Saints,

    En cette fête de la Toussaint, c’est Dieu que nous adorons ; c’est sa Présence belle qui nous saisit ; c’est sa grandeur qui est admirable, qui nous rend muet, qui nous plonge dans l’adoration silencieuse.

     

    Nous implorons ta grâce :

    Et pourtant, ce Dieu séparé de nous, inaccessible à la créature que nous sommes, nous avons l’audace de la prier.

     

    Quand Tu nous auras sanctifié, dans la consommation de l’Eucharistie, dans la plénitude de Ton Amour,

    Voilà l’inouï ! Nous ne sommes pas dieu, nous ne sommes pas saints… mais nous sommes sanctifiables ! Dieu nous sanctifie, littéralement « nous fait saints, nous fait dieu, nous divinise »« participant à la nature divine » comme dit St Pierre. Les saints que nous fêtons aujourd’hui, cette multitude faite des enfants d’Israël «  « 12 000 de chacune des 12 Tribus d’Israël » - puis la foule innombrable des païens – « Après cela, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main » - tous ces saints connus et inconnus ne le sont pas devenus par la force de leur vert mais par l’œuvre de Dieu en eux à laquelle ils ont collaboré.

                Et ils ont été sanctifiés… « devenus saints et enfants de Dieu »… comme l’enseigne aujourd’hui St Jean – et comment ? ils ont été sanctifiés « dans la plénitude de l’Amour de Dieu » dit l’oraison… transformés par la plénitude de l’amour divin et devenus plénitude de l’amour divin !

                Et où recevaient-ils cet amour divin ? dans la consommation de l’eucharistie… mention hélas oubliée dans la traduction française ! « Consummentes » : c’est dans la réception du Christ eucharistique – visibilité et présence de l’Amour divin pour nous et en nous, que se fait notre sanctification…

     

    Fais-nous passer de cette table où Tu nous as reçus en pèlerins

    Au banquet préparé dans ta maison. »

    …. D’où la dernière demande de l’oraison. Après avoir qualifié la table eucharistique de « table où tu nous as reçus en pèlerins » - discrète allusion à la table d’Emmaüs – nous demandons de participer  « au banquet de la maison de Dieu » - le festin messianique préparé pour tous les peuples par Dieu lui même selon la prophétie d’Isaïe.

     

    Amen.

  • « Tu es le Christ, le Messie »

    Billet spirituel

                            A propos de l’Evangile de St Marc 8/27-38

                Nous sommes au milieu de l’Evangile de St Marc… qui débutait ainsi : « Commencement de la l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. ». … le plan du texte. « Fils de Dieu » titre donné au Christ par le centurion à la mort du Seigneur ;  « Christ » titre donné au Seigneur par Pierre à Césarée de Philippe. Les premiers chapitres nous apprenaient que cet homme est « Jésus de Nazareth » avec son mystère.

                Nous sommes à Césarée de Philippe, bien loin de Jérusalem !... qui aurait pu être la ville de la révélation de la messianité de Jésus… ni à Bethléem, la ville de David ! Non, en plein pays païen, près d’une ville païenne…. Au nord de la Galilée des nations… face au grand large de la Décapole et du pays de Tyr et de Sidon.

                Pierre affirme au nom des 12 : « Tu es le Christ, le Messie »… confirmant la parole d’André tout au début de l’Evangile de Jean quand le Baptiste a fait passer ses deux disciples au Christ : « nous avons trouvé Celui dont parlent les prophètes, nous avons trouvé le Christ ». Les premiers mois passés avec Jésus ont convaincu Pierre et les 12, il est bien le Messie.

                Ces apôtres appartiennent donc  au courant juif qui attend le Messie davidique… ce qui n’est pas le cas de tous ! Il y a ceux qui attendent un Messie davidique, d’autres un Messie sacerdotal, d’autres un Maître de Justice, d’autres un Chef de guerre politique à la Maccabée,  d’autres rien du tout. Les attentes sont multiples, les écrits trouvés dans les grottes de Qûmran ont montré la grande  diversité des judaïsmes et de leurs attentes.

                Car rien dans l’Ancien Testament ne permet de définir le Messie attendu !

                Chacun a son idée du Messie, du Messie de son groupe.

                Et le Christ Jésus créée la figure messianique, toute nouvelle, absolument nouvelle, radicalement nouvelle. Bousculant toutes les petites constructions humaines qui font du neuf avec du vieux. !

                Il commence par imposer le silence : n’en parlez pas ! Jésus ne veut pas renouveler les expériences messianiques désastreuses des faux messies qui l’ont précédé et qui ont entraîné le peuple dans une catastrophe et des crucifixions inutiles.

                Ensuite il commence à présenter la véritable figure messianique : il est le Messie de David… mais il va souffrir à la manière du Mystérieux serviteur Souffrant d’Isaïe dont nous avons lu un poème en première lecture. Bientôt il ajoutera la figure sacerdotale… mais pas celle d’Aaron mais celle de Melchisédec – un obscur dont on ne parle qu’un fois dans la Bible dans la Genèse – puis il complètera par la figure du Fils de l’Homme de Daniel… On voit Jésus –contrairement à ce qu’on nous raconte jusqu’au blasphème – sait ce qu’il est … et il ne s’en laisse pas compter : « Passe derrière moi Satan » dit –il à Pierre qui s’oppose à ses vues ! Non c’est Jésus qui sait qui il est et la soit-disant communauté chrétienne qui aurait créée tout cela… elle doit passer « derrière », y compris les exégètes.

                Alors : « conformément aux Ecritures » ?  C’est la nouveauté absolue du Christ qui comme un  aimant, rassemble des textes épars et fragmentaires comme dit l’épître aux Hébreux, disséminés dans l’Ecriture, cachés dans l’Ecriture et qui en lui, avec d’autres, créent une lumière sur son être profond !

             Ce n’est pas AVANT lui qu’on sait ce qu’est le Messie. C’est LUI qui crée la figure nouvelle dont on découvre, APRES, les éléments épars et cachés dans le texte de l’Ancien Testament.

  • Eléments pour sermon du 15 août 2015 sur la première lecture de l’Apocalypse.

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    Rappelons-nous que St Jean présente souvent dans ses écrits le Nouvel Adam et la Nouvelle Eve.

         A CanaJésus s’adresse à Marie en disant « Femme » comme l’époux à son épouse

         A la croix :« Femme » idem

         Dans Apoc : une « Femme » (ch 12)

    En écho au premier couple de la création Adam et Eve.
    Pour la Nouvelle Création, Nouvel Adam et Nouvelle Eve.

    Voyons ce couple dans l’Apocalypse.

    Le Christ, d’abord,  apparaît à Jean au chapitre 1.    Voici le texte :

    « Moi, Jean, votre frère, je fus saisi en esprit, le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, pareille au son d’une trompette.  Je me retournai pour regarder quelle était cette voix qui me parlait. M’étant retourné, j’ai vu sept chandeliers d’or, et au milieu des chandeliers un être qui semblait un Fils d’homme, revêtu d’une longue tunique, une ceinture d’or à hauteur de poitrine ; sa tête et ses cheveux étaient blancs comme la laine blanche, comme la neige, et ses yeux comme une flamme ardente… et sa voix était comme la voix des grandes eaux ; il avait dans la main droite sept étoiles ; de sa bouche sortait un glaive acéré à deux tranchants. Son visage brillait comme brille le soleil dans sa puissance.

    « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. »

    Chapitre 12  la « Femme » vêtue du soleil, la lune sous ses pieds et une couronne de Douze étoiles. Cette « Femme » est…

    A la fois   * l’humanité dans les douleurs de l’enfantement. Cf Paul aux Rm. 
    Elle est Eve la « Mère des Vivants ». Elle donne le Messie.

    Marie, la Fille de Sion, qui enfante le Messie

    L’Eglise qui enfante des chrétiens et qui vit une retraite au désert… en particulier pendant les persécutions, aidée par Dieu.

    Regardons là plus en détail.

    Elle est vêtue du soleil. Dieu a revêtu Adam et Eve après le péché. Dans Isaïe il revêt Jérusalem de vêtement précieux et Sion chante : «  Il m’a revêtu du manteau de la justice. » Le soleil exprime la transcendance de Dieu : Marie est habillée de Dieu, du Christ « soleil de justice », elle qui fut comblée de grâce, divinisée comme chaque humain doit l’être un  jour. Elle est dans la « lumière de Dieu ». Voici comment le Christ est décrit au chapitre 1 que j’ai lu à l’instant : « sa tête et ses cheveux étaient blancs comme la laine blanche, comme la neige, et ses yeux comme une flamme ardente ». Ainsi commente Benoît XVI, 

    « Et voici alors que la «pleine de grâce», l’«Immaculée», reflète par toute sa personne la lumière du «soleil» qui est Dieu. »

         La lune sous ses pieds : symbole de mort. La mort vaincue :

     « En effet, Marie est pleinement associée à la victoire de Jésus Christ, son Fils, sur le péché et sur la mort; elle est libre de toute ombre de mort et totalement comblée de vie. » (Benoît XVI)

          12 étoiles : les 12 tribus, les 12 apôtres.

    « La Vierge Marie est au centre du Peuple de Dieu, de toute la communion des saints. » (Benoît XVI)

     

    En face de la Femme, le dragon rouge feu,  qui est…

    §  A la fois     Le serpent du premier jour et du péché. 7 têtes= ses multiples inventions pour tromper, 10 cornes : son pouvoir n’est pas invincible…

    §  L’adversaire du Christ/Messie prêt à le dévorer sur la croix mais qui lui échappe par la Résurrection… « enlevé auprès du trône de Dieu, le berger, le sceptre… »

    §  Satan qui persécute l’Eglise, l’expérience historique des premiers chrétiens à qui s’adresse St Jean.

     

    Aussitôt, dans les versets qui suivent la texte lu aujourd’hui,  (12/7), l’Apocalypse parle du combat entre Michel et Satan…  dont Satan sort vaincu entraînant des anges dans sa chute.

    Jean révèle ainsi aux chrétiens :

    §  La victoire acquise sur la mort et le mal par le Christ est pour sa mère, d’abord, en second comme l’expliquait St Paul dans l’épître du jour.

    §  Le combat n’est pas achevé même si la victoire est acquise : la Femme Eglise déjà dans le manteau de lumière  est aussi et encore celle qui fuit dans le désert…

    §  Le Christ et Marie sont impliqués dans ce combat auprès des croyants persécutés et Michel combat et vainc le dragon.

    §  Enfin que chacun se rappelle son avenir glorieux, avec le Christ et Marie, persévère dans la fidélité et vive tout combat, intérieur ou pour la justice et le vérité, avec le Christ et Marie.

  • L’Assomption de Marie 2

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    Toute une tradition liturgique

                Plus parlant encore, tant en Orient qu’en Occident, les solennités liturgiques qui ont pu être célébrées en l’honneur de l’Assomption ou de la Dormition.



                Dès l’époque carolingienne, le Sacramentaire d’Adrien le mentionne en disant : «Vénérable est pour nous, Seigneur, la fête de ce jour en lequel la Sainte Mère de Dieu subit la mort temporelle, mais cependant ne put être humiliée par les liens de cette mort, elle qui engendra de sa chair ton Fils, notre Seigneur».

                Quant à la liturgie byzantine qui aime, à ce propos, parler de Dormition, s’adressant directement à Marie, elle déclare : «Dieu, le Roi de l’univers, t’a accordé des dons qui dépassent la nature, car, de même qu’il te garda vierge parmi l’enfantement, de même il préserva ton corps de la corruption dans le tombeau et le glorifia par une divine translation».



                Ainsi peut-on relever toute une série de fêtes solennelles instituées en l’honneur de Marie montée au ciel, par des papes comme saint Serge Ier, saint Léon IV et saint Nicolas Ier, qui jalonnent en quelque sorte, au fil des siècles, cette constance dans la foi de l’Église à l’égard de ce que la définition dogmatique du pape Pie XII, en 1950, n’a fait en somme qu’entériner. Il n’est pas sans intérêt de noter combien cette foi s’enracine dans toute une tradition (bien antérieure à la Réforme) de l’Église indivise. Cette suite dans les siècles et cette unanimité entre l’Orient et l’Occident ne peuvent manquer d’impressionner. Si la «vox populi» est bien la «vox Dei», il importe de bien entendre ici la voix du peuple chrétien, chantant ainsi la gloire de la Mère du Christ.

    La voix des Pères

                Devant la vitalité d’une telle foi s’exprimant spontanément dans toute une liturgie, les Pères et les théologiens ne sont pas demeurés en retrait.

Ainsi saint Jean Damascène (mort en 754) interpelle la foi des fidèles : «Celle qui, pour tous, a fait jaillir la vraie vie, comment tomberait-elle au pouvoir de la mort ? Certes, comme fille d’Adam, elle se soumet à la sentence (de mort) portée contre son père, car son Fils, qui est la Vie même, ne s’y est pas dérobé. Mais, comme mère du Dieu Vivant, il est juste qu’elle soit élevée jusqu’à lui». Et il s’interroge : «Celle qui n’a commis aucun péché... comment le paradis pourrait-il ne pas la recevoir et le ciel ne pas lui ouvrir joyeusement ses portes ?» Il en conclut : «Il fallait que celle qui avait conservé sans tache sa virginité pendant l’enfantement, conservât son corps sans corruption même après la mort... Celle qui avait hébergé le Verbe de Dieu en son sein, ne pouvait qu’être logée dans la demeure de son Fils».

Toujours au VIIIe siècle, saint Germain de Constantinople (mort en 733) écrit, lui aussi, plein d’enthousiasme : «Mère de Dieu, vraiment je te le redis avec action de grâces, ton Assomption ne t’a nullement éloignée des chrétiens... Comment la dissolution de la chair aurait-elle pu te réduire en cendre et poussière, toi qui as délivré l’homme de la ruine de la mort par l’Incarnation de ton Fils ?» Et il poursuit en toute logique : «La mère de la Vie devait elle-même demeurer avec la Vie ; la mort ne pouvait être pour elle qu’un sommeil, et l’Assomption comme un réveil pour la mère de la Vie». Et il conclut à son tour : «Ainsi, morte aux choses qui finissent, tu as émigré vers les demeures incorruptibles de l’éternité où Dieu réside. Tu as été corporellement sa demeure et maintenant c’est lui qui, en retour, est devenu le lieu de ton repos».



                Dans la même ligne, et toujours en Orient, saint Modeste de Jérusalem n’hésite pas à affirmer : «À titre de très glorieuse mère du Christ, l’auteur de la Vie et de l’Immortalité, Marie est vivifiée dans l’incorruptibilité éternelle de son corps, par celui-là même qui l’a ressuscitée du tombeau et l’a élevée jusqu’à lui de la manière que lui seul connaît». On comprend, relisant cela, toute la ferveur des chrétiens de Jérusalem à l’égard de la Dormition de la Vierge.

    (Texte inspiré par les Fraternités monastiques de Jérusalem)