Splendeur de la liturgie de la Parole à la Messe.
En 518 avant Jésus-Christ, un petit peuple hébreu rentre en Terre Sainte depuis la lointaine terre d'exil de Babylone. Ce sont les plus modestes qui reviennent au pays et leur installation est difficile de bien des manières. Mais ils possèdent un trésor entre leurs mains : le livre de la Parole de Dieu en partie écrit. Alors le scribe Esdras et le gouverneur Néhémie les convoquent sur la place du Temple encore bien en ruine : on dresse une estrade, le scribe Esdras lit alors la Parole de Dieu toute une matinée, il lit et s'arrête pour que les lévites puissent traduire au peuple les saintes paroles de Dieu. On chante l'alléluia, le peuple pleure de joie et quand on renvoie la foule après la lecture, Esdras leur rappelle : « Aujourd'hui il ne faut pas pleurer. La joie du Seigneur est notre rempart. »[1]
La première grande liturgie de la Parole vient d'avoir lieu.
Désormais le peuple d'Israël va prendre goût à cette proclamation commune de la Parole de Dieu. Chaque sabbat, dans les salles d'étude que sont les synagogues disséminées dans tout le pays, la Parole de Dieu retentit, proclamée, chantée, acclamée, efficace.
Cinq siècles plus tard, Jésus est élevé à Nazareth et son père le conduit chaque semaine à la synagogue pour la liturgie de la Parole qui est célébrée. Au fil des siècles, elle s'est développée, elle s'est organisée. Elle est devenue une sainte habitude. Et même si les hommes se retrouvent durant la semaine, chaque soir, pour une étude commune des livres de la Bible, le jour du Sabbat la Parole de Dieu est dignement fêtée : on la sort solennellement de l'Arche qui la contient, on la montre au peuple qui chante l'Alléluia... Certains jours de fête, on voit même les plus pieux danser avec les rouleaux de la sainte Parole.
Un jour, devenu adulte, Jésus revient à Nazareth[2] qu'il a quitté quelque temps avant pour s'établir à Capharnaüm au bord du lac de Tibériade. Le jour du sabbat, comme de coutume, il se rend à l'assemblée de la synagogue. Il connaît tous ceux qui sont dans la pièce. Selon les habitudes juives, on lui propose de faire une des lectures du jour : en effet, le rythme des lectures avait été établi. On lisait toujours un extrait de la Loi (= les Cinq premiers livres de la Bible, la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome). Puis on lissait un extrait des livres des prophètes et un extrait d'autres livres. En tout trois lectures. On propose donc à Jésus de lire la seconde : il proclame alors un passage du prophète Isaïe.
Puis la lecture finie, il s'assied. On attend qu'il prenne la Parole pour expliquer le texte lu. Alors Jésus dit : « Aujourd'hui cette Parole que vous venez d'entendre s'accomplit ». Ce n'est pas seulement une lecture, une parole, un texte : c'est un événement. Jésus parle au milieu de son peuple et cette Parole est efficace. Elle produit ce qu'elle annonce.
A la fin de sa vie sur terre, autant pour les pèlerins d'Emmaüs que pour les apôtres réunis autour de lui, Jésus à nouveau proclame la Parole : aux pèlerins d'Emmaüs, il déclare : «O Cœur sans intelligence, lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire. Et commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. »[3] Et aux apôtres sur le mont des Oliviers, au moment de les quitter, « il faut que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les prophètes et les psaumes. Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures. »[4] Cette Ecriture comprise dans le Christ introduit dans la compréhension de la personne et de la vie de Jésus ; cette Ecriture annonce le salut dans le Christ et le réalise selon la promesse faite dans la synagogue de Nazareth. Le cœur des disciples d'Emmaüs devient « tout brûlant au-dedans d'eux quand il leur parlait en chemin, quand il leur expliquait les Ecritures. »[5]
Depuis ce moment, chaque semaine, le dimanche, l'Eglise proclame les Ecritures à la suite d'Israël et surtout à la suite de Jésus. La Parole de Dieu n'est pas faite d'abord pour la lecture privée, chacun avec son livre. La Parole de Dieu est faite pour être proclamée et entendue dans l'assemblée des croyants. Le peuple de Dieu, c'est son « milieu naturel » : La Parole frappe les oreilles du peuple de Dieu et au milieu de ce peuple, retentit la Voix du Fils, le sommet de la Parole. C'est d'ailleurs Lui qui parle tout au long de la Bible ! « Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé par Le FILS qu'il a établi héritier de toutes choses, par qui il a fait les siècles. Resplendissement de sa Gloire, effigie de sa substance, ce Fils soutient l'univers par sa Parole puissante. »[6]
Cette Parole est efficace dans le cœur de ceux qui écoutent. En effet, l'audition liturgique et recueillie de l'Evangile purifie l'auditeur de ses péchés : quand les fidèles acclament le Christ après la proclamation de l'Evangile, en chantant « louange à Toi Seigneur Jésus », le prêtre en vénérant le livre prie ainsi : « que ces paroles évangéliques purifient le peuple de ses péchés. » La proclamation liturgique de l'Evangile est un acte efficace de salut accompli par le Christ. Et c'est le Christ qu'on acclame...Pas le livre ! Le Catholicisme n'est pas une religion du livre contrairement à ce qui est dit. On acclame le Christ par une parole qui s'adresse directement à Lui, mystérieusement présent au milieu des siens : « Louange à toi Seigneur Jésus ». On comprend la parole de St Ignace d'Antioche : « Je me réfugie dans l'Evangile comme dans la présence corporelle de Jésus-Christ ».
Puis le livre disparaît : le Christ est là au milieu des siens, il a parlé et d'une certaine manière il continue à s'adresser à ses disciples par la parole du prêtre qui représente le Christ Tête et Pasteur de son peuple. On a porté solennellement le livre de s Evangiles dans la procession d'entrée mais après la proclamation, le livre s'efface, Le Christ est là.
Cette efficacité se poursuit dans la seconde partie de la messe où le sacrifice unique du Christ, sa Mort et Sa Résurrection, est offert au Père et reçu en communion.
[1] Voir livre de Néhémie 8
[2] St Luc 4/16-21
[3] St Luc 24/25-27
[4] St Luc 24/44-45
[5] St Luc 24/32
[6] Épître aux Hébreux 1/1-3. épître lue le jour de Noël.