« Exalte mon âme le Seigneur
Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur »[1]
Ces deux verbes très proches dans l’assonance,[2] montrent à quel point tout l’être de Marie est dans la joie de l’action de grâces. « Exulte » c’est le cœur qui parle, c’est le corps qui bondit de joie[3], c’est l’émotion offerte à Dieu… « Exalte » c’est l’esprit qui parle en énumérant toutes les raisons qu’il y a de magnifier Dieu. Tout le reste du magnificat est comme contenu dans ce verbe « exalter ». Toute la Vierge est dans la louange divine.
Et Marie qui se sait membre du peuple élu – voir les v. 54-55 commentés ci-dessous –
exprime ici comme plusieurs fois dans son chant, le certitude d’avoir une relation personnelle avec Dieu. Il n’est pas « le sauveur » mais « mon sauveur ». « Il a posé son regard sur l’humilité de sa servante »…« Il a fait pour moi de grandes choses »…
« parce qu’Il a posé son regard sur l’humilité de sa servante, car voici : dès cet instant, tous les âges diront mon bonheur »
Nous avons la 1ère raison de la joie et de l’exaltation de Dieu par Marie : « Il a posé son regard sur moi » J’aime beaucoup cette traduction (qui est exactement le verbe grec) qui nous fait voir la conscience qu’a Marie d’être regardée longuement pas Dieu. Dieu nous regarde chacun ainsi… et Marie sait aussi qu’elle n’est que la servante humble de Dieu. Ce qu’elle a dit à la fin de l’entretien avec l’ange. Mais en même temps, elle sait la grâce unique qui lui est faite et qui est « son bonheur » : « car voici : dès cet instant, tous les âges diront mon bonheur »[4] : dès cet instant : Elisabeth vient de proclamer le bonheur de Marie : « heureuse celle qui a cru que serait accompli ce qui lui fit dit de la part du Seigneur » (v.45) Elisabeth est la première de tous les âges qui a dit le bonheur de Marie… et ce bonheur, c’est de croire à l’accomplissement de ce qui lui fut dit et ainsi d’enfanter le Messie !. Le bonheur de Marie, c’est de croire Dieu sur parole et de mesurer ….
… « les grandes choses que le Puissant fait pour elle ».
Le Puissant dont le nom est Saint. Marie montre bien que cette proximité étonnante avec Dieu n’est pas familiarité… Celui qui se fait ainsi si proche, c’est le SAINT, le Séparé de tout, l’Inaccessible, L’au-delà de tout, Celui dont on ne peut rien dire.
Mais le Saint est Dieu Vivant, actif, bienfaisant pour l’homme mais aussi celui qui bouleverse les idées du monde et remet le monde à l’endroit.
« Sa miséricorde est d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »
La première qualité divine que Marie met en avant, c’est sa miséricorde !... d’âge en âge….à la condition de la crainte Dieu, c’est-à-dire de l’aimer tendrement et respectueusement, dans le sens de la grandeur divine et dans l’amour filial de cette grandeur divine. Il ne s’agit pas de peur !
« Il fait vigueur de son bras »… Dieu actif, engagé envers les hommes, intervenant dans leur histoire pour remettre le monde à l’endroit… c’est-à-dire…
Il disperse ceux qui s’enorgueillissent en pensée dans leur cœur
Il descend les puissants des trônes
Il hausse les humbles
Il comble de biens ceux qui ont faim
renvoie vides les riches
Ces phrases se passent de commentaire : Dieu bouleverse la pensée humaine et en prend le contre pied. Le monde de Dieu n’est pas selon le mode du monde voulu par l’homme déchu… de tous les temps ! C’est la justice miséricordieuse de Dieu - car elle fait du bien à l’homme alors que l’homme lui-même se fait du mal en flattant ses mauvais instincts – que Marie décrit ici dans des affirmations vigoureuses et sans appel.
« Il vient en aide à Israël son enfant, se souvenant de sa miséricorde, comme il a parlé à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa semence pour l éternité. »
Autre forme de la miséricorde divine, c’est la fidélité à ses promesses. Marie qui a chanté son bonheur personnel, sa joie devant la mission qui lui est confiée, conclut sa prière en se remettant dans la filiation de son peuple, la semence d’Abraham :
- la miséricorde divine est d’avoir fait une promesse à Abraham à laquelle Il est fidèle en faisant naître le Messie en elle.
- la miséricorde divine est d’aimer son peuple Israël comme son enfant
St Paul nous fera comprendre que cette « semence d’Abraham » se transmet non seulement par la semence humaine mais aussi par la foi. Sont « enfants d’Abraham », les descendants d’Israël et les païens associés à la promesse par le Christ, moyennant la foi en lui.
Amen.
[1] La traduction est de Sœur Jeanne d’Arc, au plus près du texte d’origine.
[2] La figure de style utilisée ici est la paronomase, le fait de rapprocher deux mots de sens différents mais d’assonance commune. « S’assemble qui se rassemble »
[3] Dans la tradition juive on dansait certains psaumes. Ce chant marial a peut-être été dansé.
[4] C’est le même mot que pour les béatitudes : « Bienheureux ceux qui … C’est un bonheur bien divin, une béatitude.