Aujourd’hui, devant nos yeux, surgit le prophète Jean Baptiste. Quelle puissance de personnalité, quelle violence de propos ! C’est comme un ébranlement !
Jean Baptiste surgit devant nous « vêtu d’un vêtement de poils de chameau, un ceinture de peau autour des reins. » Cette tenue nous étonne mais elle est un message : Jean, en fait, est habillé comme le prophète Elie.
Toute sa personne d’ailleurs est dans le sillage d’Elie : la personnalité farouche, le message redoutable, la passion pour Dieu absolue. Le roi Achab appelle Elie « le fléau de Dieu » ; on pourrait aussi appelé Jean Baptiste ainsi ! Or Elie est vêtu lui aussi d’un manteau de poils de chameau et vit dans le désert ou dans les lieux déserts d’où il surgit pour prononcer des paroles redoutables. Quand les envoyés d’Ochozias reviennent de voir Elie qu’ils ne connaissent pas, ils disent au roi : « nous avons vu un homme qui portait un vêtement de poils et un pagne de peau autour des reins. Et le roi déclare aussitôt : c’est Elie ! » (2 R.1/8)
Tout juif du temps du Christ attend Elie, l’annonciateur du Messie. Enlevé dans un char de feu à la fin de sa vie, Elie était attendu pour précéder le Messie et préparer le peuple à l’accueillir. Quand Jean surgit ainsi avec ce costume, le peuple comprend : c’est Elie, le Messie approche. D’ailleurs Jésus confirmera cette certitude du peuple : « C’est plus qu’un prophète, c’est celui dont il est écrit –et Jésus cite Malachie – Voici que j’envoie mon messager devant toi pour préparer ta route devant Toi ». (Mt 11/9)
Mais le vêtement de Jean Baptiste renvoie à un autre passage de la Bible très significatif. C’est dans le livre de la genèse. Quand Adam a péché, il se découvre tout se suite tout nu. Lui qui était vêtu de la Gloire de Dieu dans une parfaite communion avec Dieu, se retrouve tout à coup sans cette Gloire et nu. A la fin du récit, quand Dieu quitte le premier couple à la porte du paradis, il leur fait des tuniques de peau. « Le Seigneur Dieu fit à l’homme et à la femme des tuniques de peau et il les en vêtit. » (Gn 3/21) Le vêtement de Jean est donc un rappel de l’état de pécheur de tout homme ; lui qui appelle à la conversion, au nom de Dieu, se présente aux fils d’Israël dans un costume qui leur rappelle qu’ils sont pécheurs depuis Adam et qu’ils doivent se convertir pour accueillir le Messie qui vient.
La nourriture de Jean est elle aussi significative. Du miel sauvage et des sauterelles. Les sauterelles – elles mesurent 20 à 25 cm ! – sont un fléau : quand elles s’abattent sur une région, en nuée noire et obscure, tout est détruit. Amères au palais, elles sont le signe du mal, elles rappellent une des plaies envoyées à l’Egypte face à Pharaon au cœur endurci comme l’est celui des Sadducéens et des pharisiens qui viennent épier Jean Baptiste… sans se convertir ! Trop orgueilleux pour cela !
Le miel sauvage est un miel caché dans les rochers. Très souvent, la Bible déclare que la parole de Dieu est plus douce que le miel pour celui qui s’en nourrit. Jean se nourrit de la Parole de Dieu, douce comme le miel à sa bouche. Mais cette Parole est cachée, dans l’anfractuosité du rocher, comme le Messie qui vient : « il est au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas… Celui qui vient derrière moi…dont je suis pas digne de délier la courroie de la sandale ».
Tout le message de Jean est dans la force d’Elie le prophète.
Il faut nous rappeler dans quel état de mort spirituelle se trouvaient les sadducéens qui viennent visiter Jean, empêtrés dans l’argent, le goût et les intrigues du pouvoir, dans une religion sclérosée. Il faut se rappeler l’orgueil spirituel de bien des pharisiens qui, d’ailleurs, ne reconnaîtront pas la mission de Jean et ne se feront pas baptiser. Jésus leur en fera l’amer reproche. Alors ne soyons pas étonnés de la vigueur et de la rudesse des propos de Jean : sa charité le pousse à agir ainsi pour arracher ces hommes à leur enfermement mortel.
Enfin la mention du feu est elle-même un des grands thèmes d’Elie : il fit venir le feu du Ciel sur le sacrifice qu’il avait préparé sur le Mont Carmel pour montrer aux Israélites que Dieu est le seul vrai Dieu. C’était un feu purificateur comme celui que promet Jean pour brûler la paille.
Tout cela est extraordinaire : comme une reprise de toute l’ancienne prophétie autour du grand Elie, comme une reprise de l’histoire du salut depuis les commencements de la Genèse, le tout porté par une Voix extraordinaire qui réveille la Voix de la prophétie !
Mais Jean annonce aussi une grande nouveauté qui ouvre le Nouveau Testament, l’étape ultime du salut.
le Messie baptisera dans le feu de l’Esprit Saint. Cet Esprit de Dieu tant attendu depuis Moïse, promis par le prophète Joël pour tout le peuple, voilà que Jean en parle et l’annonce comme imminent. Le Messie baptisera dans le feu de l’Esprit et donnera la paix avec Dieu, la réconciliation, l’accès et l’amitié avec Dieu.
Voyez, frères et sœurs, comme tout est cohérent dans l’action de Jean : sa tenue évoque Elie le prophète annonciateur du Messie et le pécheur qu’est tout homme; sa nourriture évoque la conversion et la douceur de la parole qui vient et tout s’achève dans la promesse du Don Imminent de l’Esprit Saint par le Messie.
Que ce message tourne nos cœurs vers Jésus qui vient, augmente en nous le désir de sa venue et brise notre cœur de pierre pour que nous puissions aller au-devant du Christ qui vient, rayonnants, confiants, légers et purs.
Amen.